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Changement climatique : « Mon système cultures et bovins viande est adapté pour faire face au climat et maintenir la biodiversité »

En Saône-et-Loire, Guillaume Rième bâtit un troupeau aubrac très productif conduit en quasi-plein air intégral. Le pâturage de sous-bois, inspiré de la « dehesa » espagnole, complète le pâturage tournant, les stocks sur pied et les récoltes de luzerne et sainfoin.

Le système de polyculture élevage développé par Guillaume Rième, installé à Curtil-sous-Burnand en Saône-et-Loire, est autonome et agroécologique. « Tout est pensé pour faire face au climat dans mes choix », présente l’agriculteur. 

vache aubrac gestante éleveur
Guillaume Rième "Mon système est organisé pour passer en autonomie une année comme 2022, et pour le maintien de la biodiversité. Pour la PAC 2024, l'assolement est à plus de 60% en surface d'intérêt écologique.»

Au début de sa carrière, il a d’ailleurs été tout de suite dans le bain car il a traversé la succession de sécheresses de 2016 à 2020. Pour chacune de ces années, les précipitations ont varié entre 580 et 650 mm d’eau, avec de plus en plus de vent, de canicules. Un assèchement des nappes a eu lieu aussi avec la disparition de la plupart des sources en été. « Le troupeau n’est pas monté autant que prévu en effectif, et j’ai une année de stocks d’avance. Cela m’a servi en 2022 : quand la repousse est arrivée, il restait une quarantaine de balles d’enrubannage de luzerne. »

Guillaume Rième a choisi l’agriculture biologique et travaille en semis direct sur un tiers de la sole et en TCS sur le reste. Il dispose de sols à faible potentiel de nature argilo-calcaire avec 5 à 10 cm de terre. Une dizaine d’hectares ne sont pas du tout mécanisables. Une cinquantaine d’autres hectares sont inabordables en hiver caractérisé par de pentes fortes, où une fine couche d’argile sur des cailloux empêche le passage d’un tracteur.

Temps de retour sur prairies naturelles de 60 jours

L’éleveur a aménagé 30 % des surfaces de prairies naturelles pour faire du pâturage tournant. « Le chargement est adapté à la biomasse et les lots changent de paddocks tous les deux ou trois jours. Sur ces surfaces, on a gagné 30 à 40 % de rendement. » L’objectif de l’éleveur est de maintenir un temps de retour de 60 jours pour favoriser le développement racinaire de l’herbe et la mise en place de réserves et supprimer les traitements antiparasitaires. « Le pâturage est arrêté avant que la hauteur de l’herbe descende en dessous de 10 cm de hauteur pour éviter l’assèchement du sol. »

Mais du 20 juin au 20 septembre, les prairies naturelles ne poussent pas. Des stocks sur pied prennent le relais et permettent de nourrir le troupeau pendant six à huit semaines. Si nécessaire, les lots sont amenés sur des parcelles « parking » et nourris avec de l’enrubannage dans des râteliers déplacés à chaque remplissage. Cela permet de laisser un temps de repos en période estival long aux prairies plus séchantes, qui montent à graine et se ressèment et donnent une pousse plus importante et intéressante l’hiver.

La dehesa sur les plateaux calcaires bourguignons

Guillaume Rième a aussi une autre corde à son arc. Son parcellaire comportait au moment de son installation une quarantaine d’hectares occupés par une strate arbustive avec beaucoup de ronces, sous une strate arborée. L’éleveur s’est inspiré de la dehesa (de l’espagnol signifiant pâturage), un agro système pastoral de pâtures en sous-bois clairsemé qui est répandu dans la Péninsule ibérique et au Maghreb.

Les branches les plus basses ont été élaguées à la tronçonneuse de façon à pouvoir passer en tracteur. Les autres végétaux ligneux ont été broyés en dessinant des alignements d’arbres. « En été sous les arbres, même si l’herbe ne pousse pas, elle reste verte quand tout autour la prairie est brûlée. »

« On dispose maintenant d’une parcelle d’une vingtaine d’hectares comprenant cinq hectares de dehesa, et d’une autre divisée en paddocks », explique l’éleveur qui teste différentes façons de la valoriser. Il faut vraiment charger pour que les bovins contrôlent le retour des ligneux avec leur seul pâturage. « Pour l’instant, on passe broyer tous les deux ans », explique Guillaume Rième.

Plus de 60 % de surface d’intérêt écologique

En été et en hiver, les différents lots du troupeau trouvent sur ces surfaces boisées une protection et une ration satisfaisante. Les arbres n’ont pas ici de vocation fourragère. Ce sont surtout des chênes et un peu d’alisiers. « En été de sécheresse j’ai déjà distribué au sol des rameaux de chêne. L’appétence n’est pas très importante à cause des tanins. C’est quand même une ressource à considérer. »

Voir aussi | Le sainfoin, une légumineuse rustique à faucher ou pâturer (vidéo de chambre d’agriculture Grand Est)

Guillaume Rième laisse aussi monter les haies, qui sont taillées (et non broyées) latéralement, et il plante des arbres fruitiers un peu partout. « La fonction des arbres à favoriser la pluie, en injectant de l’eau dans l’atmosphère par l’évapotranspiration de leurs feuilles, n’est pas assez connue. » Il a essayé l’agroforesterie sur une parcelle de grandes cultures mais la sécheresse et les chevreuils (difficile de fixer des protections autour des arbres quand le sol est très superficiel) ont fait échouer les plantations.

L’éleveur assure des stocks avec des surfaces importantes en luzerne et sainfoin. Dans ces parcelles poussent aussi des RGI, RGA, fétuque, dactyle, trèfles (blancs et violet), lotier, beaucoup de brome et un peu de pâturin. « La aussi le maître mot est la diversité. La meilleure réponse au dérèglement climatique, c’est la complexification du système agroécologique. »

La rotation est rythmée sur trois ans de luzerne, quatre ans de céréales à paille, deux ans de sainfoin et trois ans de céréales à paille à nouveau. « En agriculture biologique, la viande bovine est un sous-produit du blé », aime-t-il à faire comprendre à ses clients de vente directe.

Des vaches adaptées au terroir et très productives

Le troupeau charolais conduit en croisement d’absorption aubrac affiche un intervalle vêlage vêlage moyen de 327 jours, et la production brute de viande vive était de 326 kgvv/UGB en 2023, avec 248 kg de concentrés/UGB.

Le troupeau initialement charolais présentait déjà une excellente rusticité de par les choix du prédécesseur de Guillaume, avec lequel il a travaillé pendant cinq ans, et il est conduit en croisement d’absorption aubrac depuis huit ans. Aujourd’hui, une trentaine de vaches sont en code race 14, et il ne reste que quelques croisées qui sont de très bonnes vaches. Les performances sont de très bon niveau affichant une production de 326 kgvv/UGB avec 248 kg de concentrés/UGB, contre 303 kgvv avec 287 kg de concentrés pour le cas type bio NE bœufs de référence. Les vêlages étaient jusqu’à présent plutôt répartis sur l’année pour avoir une large plage de vente directe de viande de veau. « Faute de débouché pour le veau, tous les mâles vont maintenant être conduits en bœufs de 30 à 36 mois. Les vêlages seront organisés sur deux périodes », explique Guillaume Rième.

Un intervalle vêlage vêlage moyen de 327 jours

Les reproductrices sont en permanence allotées avec un taureau. Les génisses les rejoignent à l’âge de vingt et un mois. Des échographies sont réalisées par le vétérinaire tous les trois mois. Toutes les femelles qui ne sont pas gestantes trois mois après le vêlage sont réformées. Les génisses ont un mois de plus pour engager leur second vêlage. L’intervalle vêlage vêlage moyen du troupeau est de 327 jours : les vaches s’avancent de plus d’un mois chaque année. Assez drastique sur la fertilité, la sélection est aussi opérée sur le lait, à l’œil, car l’éleveur ne pèse pas les animaux. Le taux de mortalité des veaux est par ailleurs très faible, de l’ordre de 2 %. Tout problème sanitaire, qu’elle qu’en soit l’origine, conduit immédiatement à la réforme

Les vaches sont rentrées en bâtiment une semaine avant le vêlage, et ressortent dès que tout le monde va bien deux à trois jours après le vêlage, que le veau est bouclé et les petits mâles castrés. Elles rejoignent alors soit le lot de reproductrices, soit le lot de pré-engraissement au pâturage. « Dans ce cas, leurs veaux sont sevrés entre six et huit mois, au même âge que ceux des reproductrices. Certaines sont prêtes et abattues 15 jours après le sevrage. Pour d’autres, c’est quelques mois plus tard ».

Une bonne partie d’entre elles est engraissée à 100 % en pâturage. Pour les autres, la ration de finition est basée sur l’enrubannage de luzerne avec à la fin 3 à 4 kg par jour de méteil grain (et un peu d’écarts de tri des céréales bio). Guillaume Rième distribue des minéraux sous forme de seaux à lécher et du sel toute l’année à toutes les catégories d’animaux. Ce sont ses seuls achats d’aliment. Il n’effectue pas de traitement antiparasitaire.

Le bâtiment permet, à côté des vêlages, de loger six gros bovins en engraissement avec accès à l’extérieur, conformément au règlement bio européen désormais en vigueur.

Les vaches de réforme donnent des carcasses de 400 à 410 kg de moyenne et les bœufs autour de 400 à 420 kg de carcasse.

Des aires d’hivernage sur copeaux et paille

« Avec le pâturage tournant, le troupeau est très docile. J’ai un système de panels pour attraper les vaches. Je vais aussi développer le tri des lots à cheval », explique Guillaume Rième, qui élève aussi à côté quatre poulinières et leur suite. Il déroule de la paille en quantité assez importante pour des aires de couchage confortables. Cela participe en même temps à ‘refaire’ le sol l’hiver.

L’éleveur organise une aire d’hivernage en tournant d’une année à l’autre sur trois parcelles différentes. « Sur des argiles, je dépose une couche de 25 à 30 cm de copeaux de bois et par-dessus de la paille. Au printemps, je passe la herse puis je sème une prairie. » L’affouragement est assuré dans des râteliers ronds de 12 places avec cornadis qui sont déplacés à chaque rechargement avec la fourche du tracteur.

Chiffres clé

 

  • 225 ha de SAU dont 120 ha de prairies naturelles, 50 ha de cultures (blé, méteil grain, petit épeautre et grand épeautre) et 55 ha de luzerne et sainfoin
  • 40 à 50 vêlages
  • 1 UTH

Mathieu Auboeuf, technicien pour Feder Éleveurs Bio et Anaïs Marot, stagiaire

« Un impact carbone largement en dessous de la moyenne »

 

 
conseiller Feder Mathieu Auboeuf
Mathieu Auboeuf, technicien pour Feder Eleveurs Bio et Anaïs Marot, stagiaire © S.Bourgeois

« Le système de Guilllaume Rième est construit autour de la résilience face au changement climatique dans un environnement déjà difficile. Son empreinte carbone est beaucoup plus faible que celle du système de référence, et ceci bien que les techniques de gestion des haies et du travail du sol ne soient pas différenciées dans le diagnostic Cap2ER. En 2023, elle est de 9,5 kg éqCO2 par kilo de viande vive contre 12,1 pour le système de référence naisseur engraisseur de bœufs.

Pour améliorer ces résultats, il est possible d’installer encore plus d’arbres. La gestion de l’affouragement en été et en hiver est une autre voie pour réduire la consommation de carburant (et avec, les charges de mécanisation et le temps de travail). Un levier zootechnique qui aurait pas mal d’impact également serait de diminuer l’âge des génisses au premier vêlage, mais cela induirait d’imposer une conduite alimentaire plus soutenue et de trouver le bon équilibre pour ne pas trop pénaliser les poids de carcasse des vaches. »

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