Frédéric David et son frère, dans le Calvados
Gestes barrières dans les fermes : « chacun travaille de son côté pour limiter les contacts »
« Avec le retour du soleil, le travail ne manque pas sur l'exploitation. À la SCEL La Felière, nous sommes quatre associés plus quatre salariés et tout le monde est bien occupé. Tous les salariés viennent travailler en ce moment, à part l'une de nos salariés qui avait pas mal de congés en retard et qui a posé deux semaines pour garder sa fille à la maison. En tant qu'employeur, nous leur avons fourni une attestation justifiant leur emploi sur la ferme, et de leur côté, ils remplissent aussi quotidiennement un document justifiant la raison de leur déplacement. Ils se font contrôler régulièrement. L'un de nos salariés habitant à 30 km de la ferme a même scotché son attestation sur le pare-brise de sa voiture pour faciliter le contrôle et ne plus avoir à ouvrir sa vitre.
On essaie au maximum de ne pas travailler ensemble. Ces derniers jours, la météo plus clémente facilite le travail en extérieur. L'un épand l'engrais, l'autre sème l'avoine, un autre épand le lisier, un autre se charge des clôtures, et un s'occupe de l'administratif au bureau... On limite les contacts. Nous avons changé quelques habitudes : on ne se serre plus la main, fini aussi les pauses-café collectives, et on tient la distance pour le passage des consignes. Faute de mieux, quand nous ne sommes pas à proximité d'un robinet, nous utilisons des lingettes désinfectantes pour les mamelles pour nous nettoyer les mains. Nous n'avons pas mis en place de protocoles spécifiques avec l'utilisation de chaque outil, chaque tracteur... Nous misons sur des gestes barrières simples à faire régulièrement. Et la traite au robot limite la promiscuité.
Notre appréhension est que l'un d'entre-nous finisse par tomber malade... C'est le début de la période de pointe, alors on a besoin de toutes nos forces vives ! D'autant qu'avec l'excès de précipitations des mois précédents, nous ne sommes pas franchement en avance ! Espérons que le fait de travailler en plein air et de rester à la campagne nous expose moins. »
Chez Bruno Cabrol, éleveur en individuel dans le Tarn
"Keep it simple!"
"Au-delà de l’aspect économique, cette crise fait réfléchir sur notre degré d’autonomie et à notre capacité à nous faire remplacer. Je suis seul sur mon exploitation et donc ça m’inquiète. Qui nourrira mes vaches et fera la traite si je tombe malade ? J’ai préféré anticiper, je viens d’embaucher mon frère, actuellement au chômage partiel dans l’industrie. Il travaille chez moi à mi-temps et pourra me remplacer si besoin…
Vu le contexte, j’apprécie d’avoir changé de système il y a quelques années et simplifié toutes mes pratiques. C’est un énorme avantage. Aujourd’hui, avec mes 65 vaches en monotraite, je ne suis pas très inquiet car j’ai très peu d’achat d’aliments. Je me dis que la situation aurait été beaucoup plus tendue en termes de travail et de logistique, si j’avais continué de produire 900 000 l avec des vaches 11 000 litres. Un système simple traverse sans doute plus facilement une crise comme celle-ci."
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"Le plus inquiétant, c'est que l'on ne sait pas combien de temps cela va durer"