À l’issue de votre mission d’information et d’une quarantaine d’auditions, croyez-vous qu’il y aura un jour une production à grande échelle d’aliments cellulaires, en Europe ou ailleurs ?
Olivier Rietmann - Les auditions ont montré que les aliments cellulaires ne sont certainement pas une solution durable, tant d’un point de vue économique qu’écologique, pour nourrir la population dans son ensemble. Pour autant, je pense que certaines productions issues de la culture de cellules animales ont un avenir à moyen ou long terme. Ce ne seront certainement pas des produits comparables à de la viande fraîche mais plutôt des « pâtes » issues de cellules de bœuf, de poulet ou de poisson qui seront associés à d’autres aliments, notamment végétaux, pour en améliorer le goût ou leur apporter des propriétés culinaires. C’est d’ailleurs vers ce type d’aliments que se tournent actuellement les entreprises les plus avancées dans ce domaine. Leur apparition sur le marché international n’est cependant pas pour demain, le processus d’autorisation étant complexe aussi bien aux États-Unis qu’en Europe.
Comment l’un ou l’autre de ces produits pourraient-ils être autorisés dans l’Union européenne ?
O. R - En vertu de la nouvelle réglementation novel food sur les nouveaux aliments, les demandes d’autorisation seront examinées par la Commission européenne. Elle se tournera ensuite vers l’Efsa, qui mènera des études avant d’émettre un avis. Si cet avis venait à être positif, s’ouvrirait alors une phase d’échanges entre la Commission européenne et chaque État membre qui se conclurait par un vote à la majorité qualifiée.
Certains pays européens sont-ils favorables à ces nouveaux aliments ?
O. R - Le pays qui me semble le plus enclin à accepter cette technologie, ce sont sans doute les Pays-Bas, qui abritent d’ailleurs quelques-unes des start-up les plus avancées, à commencer par Mosa Meat. Cela s’explique par le contexte environnemental et politique très particulier du pays qui s’oriente vers une réduction drastique de son cheptel en raison de ses excès d’azote. L’idée de produire de la viande sans cheptel est là-bas entrée dans le débat public. À l’inverse, l’Italie en a interdit purement et simplement la production. Personnellement, cela ne me paraît pas une solution raisonnable. D’abord parce qu’in fine, c’est l’Union européenne qui décidera de l’avenir des aliments cellulaires, ensuite parce qu’il est important de maintenir un minimum de connaissances dans ce domaine.
Vous appelez même à la création d’une unité mixte de recherche de l’Inrae et du CNRS sur ces technologies. Faut-il investir de l’argent public dans une technologie qui ne répond pas à des besoins réels de la population ?
O. R - Si je suis personnellement opposé à ce type de produits pour des raisons anthropologiques, éthiques, culturelles et politiques, j’insiste encore une fois sur la procédure d’autorisation. Un jour, la France sera consultée et devra apporter des objections fondées scientifiquement aux demandeurs, pas des arguments philosophiques. Le sujet passionne légitimement, mais les connaissances sont rares. Sur les 13 000 contributions que nous avons recensées sur les aliments cellulaires, on en compte moins de 300 d’ordre scientifique et les procédés industriels sont entourés de beaucoup de secret. Je n’ai aucun doute sur le fait que les entreprises et les pays demandeurs présenteront le moment venu des argumentaires bien rodés. Or nous ne pouvons pas prendre pour argent comptant certains discours sur le bilan environnemental de cette production ou sur la capacité des start-up à se passer d’antibiotiques, d’hormones de croissances ou de sérum fœtal. Nous devons pouvoir argumenter sérieusement.
À ce propos, vous avez suggéré l’emploi du terme « aliments cellulaires ». Pourquoi ?
O. R - Il y a deux mots que je souhaite qu’on proscrive : « viande » et « agriculture ». Le premier, parce que ce n’est pas de la viande, mais du tissu cellulaire. Et le second, car c’est bien évidemment de l’industrie, les aliments cellulaires étant fabriqués dans des bioréacteurs au sein d’usines.