Une marque pour faire reconnaître le bien-être animal en élevage bovins viande
Nicolas Fagoo, négociant en bestiaux dans Les Hauts-de-France, a lancé sa propre marque de reconnaissance des bonnes pratiques en matière de bien-être animal.
Nicolas Fagoo, négociant en bestiaux dans Les Hauts-de-France, a lancé sa propre marque de reconnaissance des bonnes pratiques en matière de bien-être animal.
« Un soir, j’étais excédé par une émission télévisée sur les mouvements antiviande. On montre toujours le pire, jamais ce que les éleveurs font de bien ! », lâche Nicolas Fagoo, négociant en bestiaux, dont la famille dirige une boucherie et un élevage engraisseur de génisses, à Saint-Omer dans le Pas-de-Calais. C’est la raison pour laquelle il a lancé, il y a un an L’engagement bien-être animal. Il s’agit d’une démarche privée de certification du respect des bonnes pratiques d’élevage en termes de bien-être animal. Les personnes qui se lancent le font volontairement. « L’objectif est de rassurer le consommateur, en lui proposant une viande issue de fermes engagées dans le bien-être animal. Le logo a été déposé début 2019. Après un an d’existence, 35 éleveurs ont d’ores et déjà adhéré à l’initiative avec une dizaine de points de vente dans Les Hauts-de-France. Avant d’intégrer cette démarche volontaire, ils sont soumis à un audit. Pour cela, je me suis rapproché de l’organisation de producteurs Elvea Hauts-de-France qui a accepté de coconstruire en partenariat. Je souhaitais que ce soit une structure réalisant des audits en élevage qui accorde ou non l’habilitation de l’exploitation avec un renouvellement annuel. Toujours pour conforter cette démarche, nous allons faire auditer les opérateurs par un organisme de certification indépendant », souligne le négociant.
Montrer le bien-être animal de manière tangible
« L’objectif de cette démarche est bien entendu de faire reconnaître le savoir-faire des éleveurs en matière de bien-être animal et de leur permettre de l’afficher. Il n’y a rien de révolutionnaire concernant les méthodes d’élevages. Le tout, c’est de le montrer ! », précise Nicolas Fagoo. Cette démarche progressiste s’appuie dans un premier temps sur des critères et un engagement déjà existants et prend en considération les notions de bien-être animal. Il s’agit de la charte des bonnes pratiques d’élevage. Ceux-ci doivent respecter ces critères auxquels s’additionnent des points relatifs aux transports des animaux. La grille des engagements à suivre se divise en deux parties, la première concernant l’objectif visé et l’autre concernant la marge de progrès envisagée afin de permettre aux éleveurs de réaliser les investissements nécessaires pour satisfaire à l’ensemble des points à terme.
« Même si le cahier des charges de la démarche est amené à évoluer, la plupart des élevages ont de bonnes pratiques en termes de bien-être animal. Actuellement, l’initiative s’oriente vers la commercialisation d’animaux de boucherie haut de gamme. Mais le cahier des charges est ouvert à tous types d’animaux. Il n’y a pas de critères de poids carcasse, de conformation, de races… Seul le bien-être animal compte car demain on pourra très bien être amené à valoriser des races laitières pour répondre à une demande en steaks hachés. »
Une démarche basée sur la communication
Le bien-être animal représente une préoccupation sociétale grandissante. « L’engagement bien-être animal, c’est avant tout de la communication sur des choses pour lesquelles on porte une attention depuis longtemps. La démarche garantit également aux consommateurs une origine et un abattage de la viande à proximité. Le transport vers l’abattoir ne doit pas excéder 5 heures de route (contre 8 heures autorisées en France). »
Dans les boucheries et GMS où les animaux estampillés L’engagement bien-être animal sont commercialisés, un kit de communication permet d’en expliquer les contours. Deux visuels ont ainsi été créés : un pour les boucheries traditionnelles, un pour les grandes surfaces.
Un lancement à plus grande échelle
Cantonnée à l’échelle régionale au départ, la démarche de Nicolas Fagoo va être étendue plus largement. « Je fais partie d’un groupement d’intérêt économique, nommé Beefrance qui compte huit adhérents négociants en bestiaux dans différentes régions. Leur rôle va être de référencer les éleveurs intéressés, partout en France. » Le Salon de l’agriculture a également été l’occasion d’officialiser le partenariat dans le cadre d’une prestation avec Elvea France (section de la Fédération nationale bovine, fédère 37 associations d’éleveurs, dont 32 sont agréées OPNC par le ministère de l’Agriculture) qui va réaliser les audits chez les futurs adhérents.
Faire reconnaître le savoir-faire des éleveurs sur le bien-être animal et le prouver
Un outil de diagnostic bientôt disponible
Jusqu’à présent, cette démarche volontaire s’appuyait sur la charte des bonnes pratiques d’élevage. Très prochainement, les éleveurs désireux de s’inscrire dans la démarche créée par Nicolas Fagoo pourront peut-être réaliser un Boviwell, outil de diagnostic du bien-être des bovins en élevages. Boviwell a été mis au point par Moy Park Beef Orléans (principal fournisseur de steaks hachés pour McDonald’s France) et utilisé à compter de 2016.
Son socle comprend les cinq libertés fondamentales du bien-être animal, le référentiel scientifique européen Welfare quality, ainsi que le référentiel national en élevages bovins (charte des bonnes pratiques d’élevage). À travers cet outil, il s’agit d’approcher le bien-être animal de façon objectivée, à partir de critères mesurés et donc répétables.
Un diagnostic terrain
Le diagnostic se compose de deux phases. En premier lieu, le passage en revue des références concernant le bien-être animal déjà présentes dans la charte des bonnes pratiques d’élevage et le recensement notamment des pratiques d’écornage, de castration, la mortalité, les conditions de vêlage… Le diagnostic se poursuit dans un second temps par l’observation et l’évaluation du comportement des animaux dans leur environnement : observation des animaux (note de propreté similaire à celle utilisée pour l’entrée en abattoir, présence ou absence de blessures, boiteries, toux…), contrôle des abreuvoirs (nombre, périmètre et propreté), test d’approche, présence ou absence de comportements anormaux… Le diagnostic met en avant les bonnes pratiques des éleveurs et identifie les voies d’amélioration.
Depuis, cet outil d’évaluation du bien-être animal a été repris par la filière viande bovine. Des adaptations ont été apportées pour réaliser une seconde version de Boviwell, tenant compte des retours terrain et de l’analyse de la base de données constituée. C’est sur cette seconde version que la démarche L’engagement pour le bien-être animal s’appuiera pour la certification des élevages engagés, qui en contrepartie toucheront une rémunération supplémentaire.
Une définition commune du bien-être animal
L’engagement bien-être animal reprend la définition commune du bien-être animal s’appuyant sur les 5 libertés du Farm Animal Welfare Council :
« Capter une clientèle déconnectée de l’élevage »
Voilà plus de six mois que L’EARL Duchemin à Villers-Plouich dans le Nord s’est engagée dans cette filière bien-être animal.
« Aujourd’hui, ce n’est clairement pas pour la clientèle de notre boucherie à la ferme que l’on s’est investi dans cette démarche pour le bien-être animal. Nos clients connaissent notre élevage et n’ont pas besoin d’un logo pour savoir que l’on prend soin de nos bêtes. L’élevage leur est accessible toute l’année. Cette démarche est en revanche intéressante pour valoriser nos bêtes de formes dans des circuits de commercialisation où l’on peut capter une clientèle déconnectée de l’élevage. On reste dans le cadre d’une filière. Cela permet de communiquer auprès des distributeurs et de rassurer les consommateurs. Cela apporte un gain de confiance », observe Bruno Duchemin à la tête de l’EARL Duchemin avec son fils salarié. L’élevage est constitué de trois unités : un atelier d’engraissement d’animaux de qualité bouchère, un atelier taurillons de 240 places et un atelier d’élevage. « On n’a pas un atelier naisseur classique. On achète en effet des génisses prêtes à mettre au taureau. On réalise entre 60 et 90 vêlages par an, uniquement d’animaux de formes. On engraisse toutes les primipares et leurs veaux. » Avec la boucherie (1,5 à 2 bêtes par semaine et 1 veau par semaine), les animaux vêlent toute l’année.
Identifier les points forts et les leviers d’amélioration
Pour intégrer la filière de Nicolas Fagoo, l’élevage a dû se soumettre à un audit réalisé par Elvea Hauts-de-France. « Cela permet d’identifier les points forts, les points faibles et les leviers d’action souvent techniques pour s’améliorer. »
Côté points forts, les mères et leur suite disposent d’un nouveau bâtiment où l’ambiance est maîtrisée grâce à une station météo qui régule la descente des rideaux brise-vent selon l’hygrométrie, la température et le vent. Tout malade est aussitôt isolé dans l’une des six cases d’infirmerie. Pour ne pas perturber le calme des animaux lors des visites nocturnes, l’installation de lumières rouge est prévue. La contention est opérationnelle et ce, depuis de nombreuses années. Des analyses d’eau étaient déjà réalisées.
Aussi, les points d’amélioration mis en avant par le diagnostic sont peu nombreux. Ils concernent le plan de dératisation. Il n’y avait pas dans l’élevage de pièges sélectifs. « On en a achetés et on s’est rendu compte que c’était plus efficace que la présence d’aliment seul. Le bien-être des animaux n’est pas qu’un surcoût. Si parfois il est nécessaire d’engager des frais, on peut aussi s’y retrouver avec un gain économique à la clé. De plus, le bien-être animal est également synonyme de bien-être de l’éleveur car quand on sait que tout va bien dans son élevage, on dort sereinement. »