Une défiscalisation de 150 € par vache pour lutter contre la décapitalisation
Au jour de la clôture du Sommet de l’élevage, le 6 octobre dernier, le ministre de l’Économie a promis une « provision de 150 € par vache » qui permettrait de compenser l’impact fiscal et social de la prise de valeur du stock immobilisé liée à l’inflation.
Au jour de la clôture du Sommet de l’élevage, le 6 octobre dernier, le ministre de l’Économie a promis une « provision de 150 € par vache » qui permettrait de compenser l’impact fiscal et social de la prise de valeur du stock immobilisé liée à l’inflation.
Annoncée sur le principe par le ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, le 3 octobre lors du Sommet de l’élevage à Cournon-d’Auvergne (Puy-de-Dôme), la mise en place d’une mesure de défiscalisation du cheptel bovin a été officialisée le 6 octobre par le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, lui aussi en visite au salon. Inscrit dans le projet de loi de finances (PLF) de 2024, ce dispositif « exceptionnel de soutien à l’élevage français prendra la forme d’une provision », déductible dans la limite de 150 € par vache et plafonnée à « 15 000 € par exploitation, soit cent vaches », a précisé le locataire de la rue de Bercy. Avant d’ajouter que cet allègement fiscal alloué au secteur allait coûter aux comptes publics « plusieurs dizaines de millions d’euros ».
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La valeur comptable des vaches en hausse avec l’inflation
Des avancées saluées par la FNSEA et ses associations spécialisées bovines (FNB et FNPL), qui alertaient depuis plusieurs mois sur une « dégradation inédite des trésoreries des éleveurs, due à une augmentation de la valeur des vaches allaitantes et laitières […] ». Avec la hausse du prix de la viande - liée en partie à la décapitalisation - et l’inflation, « la valeur des vaches a pris entre 400 et 500 euros en un an », estime le vice-président du syndicat majoritaire, Luc Smessaert. Sur le plan comptable, « à nombre de vaches équivalent, le capital immobilisé s’alourdit automatiquement », explique Emmanuel Bernard, éleveur dans la Nièvre et président de la section bovine d’Interbev. « Cela entraîne une augmentation d’impôts et des cotisations sociales sans réel renchérissement », appuie la FNSEA.
De fait, sans défiscalisation, « certains éleveurs auraient pu être tentés de se séparer de quelques vaches », reprend Emmanuel Bernard. Une orientation tout sauf incitative au maintien de notre capacité de production, alors que la ferme France a déjà perdu plus de 860 000 vaches en six ans. « Nous devons stopper l’hémorragie que subit le secteur de l’élevage. Les éleveurs français peuvent compter sur mon soutien », a tenté de rassurer pendant le salon celui qui fut ministre de l’agriculture de 2009 à 2012. De son côté, la Confédération paysanne, troisième syndicat agricole, se montre bien moins enthousiaste vis-à-vis de ces annonces, considérant que « la défiscalisation n’est […] pas la solution à la décapitalisation des troupeaux », ni au « problème de transmission des fermes ».
Une application dès la clôture 2023
Concrètement, la mesure consiste à autoriser la déduction fiscale d’une provision correspondant à la prise de valeur de chaque vache âgée de plus d’un an, allaitante ou laitière, à la clôture de l’exercice, dès lors que cette prise de valeur est supérieure à 10 %. Dans un communiqué publié le 6 octobre, le syndicat majoritaire précise que la défiscalisation « s’appliquera dès la clôture 2023 et sur les années 2023 et 2024 ». Comme toute provision, les sommes déduites devront ensuite être réintégrées au résultat d’exploitation, au titre d’un ou plusieurs des six exercices comptables suivants. À la différence d’autres mesures fiscales en faveur des exploitants agricoles, le dispositif ne figure toutefois pas encore dans le projet de loi de finances pour 2024, présenté le 27 septembre à l’assemblée nationale. Il pourrait l’être par la voie d’un amendement. Contacté par nos soins à la mi-octobre, le ministère de l’agriculture n’a pas donné plus de précisions.
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D’autres mesures fiscales en faveur des exploitants agricoles dans le PLF 2024
L’article 12 du projet de loi de finances (PLF) pour 2024 contient trois mesures en faveur des exploitants agricoles afin de les accompagner dans la transition environnementale. Une première mesure concerne l’augmentation des plafonds de déduction pour épargne de précaution (DEP), à compter de l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2024. Le but est d’encourager les exploitants à constituer une épargne permettant de couvrir les dépenses liées aux besoins de l’exploitation et notamment l’investissement dans la décarbonation. Une autre mesure est le relèvement des limites de recettes pour le bénéfice de l’exonération des plus-values professionnelles des sociétés civiles agricoles de 250 000 € à 350 000 €, pour le bénéfice de l’exonération totale, et de 350 000 € à 450 000 €, pour le bénéfice de l’exonération partielle. Enfin, le PLF 2024 prévoit la revalorisation exceptionnelle (+30 % environ) du plafond d’application du régime micro-BA, de 91 900 € à 120 000 € de moyenne des recettes des trois années civiles précédant celle de l’imposition pour l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2024 et 2025.