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Chez Michel Auvard dans l’Eure
Une conversion réussie du lait vers la Rouge des Prés

Michel Auvard a mené il y a cinq ans une transition bien réfléchie du lait vers la viande. Son troupeau de 25 Rouge des Prés vêle très bien et est en très bonne santé. Il valorise les 30 hectares de prairies naturelles de l’exploitation.

À Saint-Philbert-sur-Risle, dans le Lieuvin, Michel Auvard s’était installé sur l’exploitation familiale en 1994, et a produit jusqu’à 310 000 litres de lait. En 2013, il a décidé de changer de système pour gagner en qualité de vie. Le virage a été négocié en quelques mois. Le troupeau de 45 vaches Normandes et Holstein a été vendu et poursuit sa carrière en Mayenne, chez un éleveur qui se lançait dans l’agrandissement de sa structure. Michel Auvard s’est alors dans un premier temps concentré sur le lancement d’une petite entreprise de travaux agricoles pour s’assurer un revenu, se diversifier. Il effectue le fauchage d’accotements pour une communauté de communes, ainsi que l’élagage de haies pour des agriculteurs. Il conserve ses 70 hectares de cultures, dont 30 de blé et 12 de lin fibre. Quelques mois plus tard, s’est présentée à lui une excellente opportunité. Michel Auvard a acheté à l’automne 2013 le troupeau Rouge des Prés d’un sélectionneur du berceau de la race partant à la retraite. « C’est mon inséminateur qui m’avait parlé de la Rouge des Prés. Cette race m’a plu avant tout pour sa docilité. Je les déplace seul à pied sur les routes pour changer de parcelle. S’occuper d’elles, c’est toujours sans stress et c’est un véritable plaisir », explique Michel Auvard.

Dans un même camion, sont ainsi arrivées 13 vaches suitées et gestantes, ainsi que des génisses pleines, toutes de très bonnes souches et d’une qualité sanitaire irréprochable. Elles n’ont pas été perturbées par le déménagement, d’autant plus qu’elles sont « logées dans un cinq étoiles » chez Michel Auvard. « J’avais encore mes génisses laitières et pendant les deux premières années, je les ai vendues amouillantes. Cela a permis de faire des ventes en attendant que le troupeau Rouge des Prés arrive en croisière. » L’éleveur commence en effet seulement à vendre deux ou trois vaches de réforme par an, parce qu’elles arrivent à l’âge de dix ans et seraient dépréciées commercialement si elles étaient conservées. Quelques bœufs de 30 mois ont été élevés, mais leur prix de vente a vite découragé Michel Auvard. Il s’est donc réorienté sur un système broutards. Les mâles sont sevrés entre sept et neuf mois et vendus à un négociant. Les femelles nées sur l’élevage sont toutes élevées jusqu’au vêlage. Quelques-unes sont depuis cette année vendues pleines pour la reproduction.

Une productivité de 95 % de moyenne sur cinq ans

« Les vêlages étaient groupés sur six semaines au printemps quand le troupeau est arrivé. Mon objectif est de les décaler autour de décembre et janvier, période plus pratique par rapport à l’organisation du travail entre les cultures et l’entreprise de travaux agricoles. » Ce décalage se fait assez rapidement, car on ne peut pas faire mieux en fertilité du troupeau, avec 100 % de vaches pleines sur les quatre campagnes. Un taureau est acheté chez un sélectionneur, régulièrement choisi non porteur du gène culard mais très bien conformé. Des échographies tardives permettent de dater le vêlage. Sur les 106 vêlages réalisés en cinq ans, 95 se sont déroulés sans aucune aide (soit 90 % des vêlages) et 8 avec une aide facile (7 %). « Je passe voir les vaches le soir et tôt le matin, mais je ne me lève pas la nuit », explique Michel Auvard. Il n’a pas encore inauguré sa barrière à césarienne, qui est d’ailleurs le seul aménagement ayant été réalisé dans la stabulation. Seulement un veau ou deux ont été perdus chaque année. Ce qui donne une productivité du troupeau exemplaire, de 95 % de moyenne sur cinq ans. Jusque-là, très peu de jumeaux sont nés – seulement une paire cette année – soit beaucoup moins que la fréquence moyenne en race Rouge des Prés. « La vache a vêlé sans aucune aide, elle élève ses deux mâles sans complémentation et reste bien en état. » L’éleveur ne pratique aucune vaccination, et les soins autour du vêlage sont basiques. Un nettoyage suivi d’une désinfection du bâtiment sont assurés tous les ans. Aucun animal n’est jamais malade, le troupeau bénéficie d’un excellent équilibre sanitaire.

Système fourrager basé sur le foin

Les vaches reçoivent, en période hivernale, à partir de début novembre, un peu de maïs ensilage avec un aliment complémentaire (échange céréales-aliment) et du foin à volonté. « La distribution de l’alimentation est très simple et rapide », apprécie l’éleveur. Des minéraux sous forme de seaux à lécher ne sont distribués qu’au pâturage. Les veaux ne sont jamais complémentés. Ils vont assez vite manger du foin avec leurs mères.

Le système fourrager est en effet basé sur le foin, dont une quinzaine d’hectares sont récoltés chaque année. Michel Auvard a bénéficié pendant deux ans d’un suivi hebdomadaire de la chambre d’agriculture de l’Eure sur le pâturage tournant. Cela lui a permis d’acquérir les repères, grâce aux mesures de stock d’herbe disponible (SHD), qu’il réalise désormais à l’œil. « Les vaches savent aussi très bien dire quand ça ne va plus ! » La sortie des parcelles se fait à 5 cm de hauteur d’herbe. Autour des bâtiments, le lot principal de 25 vaches suitées tourne sur six parcelles dans neuf hectares, dont l’une est enrubannée mi-mai pour créer le décalage de repousse. À partir d’août, les vaches ont accès au bâtiment pour manger de l’enrubannage selon leurs besoins. Un lot de génisses de deux ans tourne dans les parcelles plus éloignées, et un lot de génisses d’un an, accompagnées de deux vaches de réforme suitées comme nounous, exploitent un autre îlot. Tout le fumier étant réservé pour les cultures, un engrais complet est épandu sur une vingtaine d’hectares de prairies au printemps (46 N - 14 P -38 K).

 

Chiffres clé

25 rouges des Prés, vente de broutards
93 ha de SAU dont 34 de blé, 7 de colza, 6 d’orge d’hiver, 12 de lin fibre, 4 de maïs ensilage et 29 de prairies naturelles
1,1 UMO : l’éleveur et un apprenti

 

 

Emmanuel Mary, conseiller viande bovine, Chambre d'agriculture de l'Eure

"Une très bonne marge brute par vache en moyenne"

La marge brute par vache allaitante est, sur les trois derniers exercices, de 853 à 1 293 euros. Ramenée à l’hectare, avec un système peu chargé, elle est de 575 à 776 euros. Les charges sont bien maîtrisées et la reproduction est parfaitement réussie. Les charges vétérinaires sont faibles. Il y a encore des économies à faire sur le budget alimentation. Il est possible d’augmenter légèrement le chargement tout en gardant une sécurité par rapport aux aléas climatiques. À 1,20 UGB/ha SFP, il est un peu faible par rapport au potentiel des prairies. Cela permettrait de récolter un peu plus de foin, et de se passer des trois hectares de maïs ensilage (rendement de 14 à 15 tMS/ha), quitte à avoir des vaches un peu moins en état au vêlage.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un syndicat d’éleveurs normands pour la Rouge des Prés

Une quinzaine d’éleveurs de Rouge des Prés des régions Normandie et Hauts-de-France sont regroupés en association. « Le groupe a pour objectif de promouvoir la race Rouge des Prés dans la région et de contribuer à son développement tout en travaillant sur le plan technico-économique », explique Emmanuel Mary, animateur du syndicat pour la chambre d’agriculture de Normandie. La race voit ses effectifs augmenter de 5 % par an dans la zone. "La race a fait des progrès considérables sur la facilité de vêlage, et l’ossature a beaucoup évolué. La finesse du squelette est très satisfaisante aujourd’hui." Le prochain chantier du groupe pourrait porter sur la recherche d’un circuit commercial (hors vente directe) pour améliorer la valorisation des animaux.

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