Elevage des génisses
Une approche au cas par cas pour bien gérer le parasitisme des génisses
De nombreux paramètres rentrent en ligne de compte dans la gestion du parasitisme des génisses d'élevage et tous sont importants pour une conduite raisonnée efficace explique François Courouble, vétérinaire en Saône-et-Loire.
lutte s’adapte à chaque élevage, tous les ans, et se met en place par lot d’animaux. Il fait suite à des analyses et à un diagnostic. »
Quelle génération d’animaux est la plus à risque en matière de parasitisme ?
François Courouble - Au pâturage, deux grands types de parasites sont à contrôler: les strongles, digestifs et pulmonaires, et les trématodes (grande douve, paramphistome et petite douve). Selon les régions et les conditions climatiques de chacune, la prévalence des uns ou des autres peut différer. Les animaux jeunes sont plus sensibles aux infestations, leur immunité étant faible voire inexistante. La période la plus critique se situe entre 1 et 2 ans, moment où la croissance est la plus forte. Une infestation notable à ce moment-là peut alors entraîner un déficit de développement qui impactera la vie de la future reproductrice (troubles de la reproduction, retard…). Pour obtenir une bonne croissance des génisses et une fertilité normale à l’âge de 2 ans, tout stress doit être proscrit, qu’il soit alimentaire ou parasitaire. Avant l’âge de 2 ans, l’éleveur doit obtenir une bonne croissance des bêtes tout en maintenant une immunité naturelle suffisante, favorisée par une infestation parasitaire continue mais modérée.Par exemple, pour créer cette immunité contre Ostertagia, 24 à 28 semaines de contact avec le parasite sont nécessaires.
Quelle conduite adopter pour gérer au mieux ce risque ?
F. C. - Il est essentiel d’établir un plan de lutte et de prévention raisonné et adapté aux objectifs de l’exploitation. Comme chaque structure est un cas particulier, le raisonnement et la mise en place de ce plan implique la prise en compte de nombreux facteurs et doit être réévalué tous les ans. Les objectifs de croissance de l’éleveur, la catégorie d’animaux, la gestion du pâturage, le cycle des parasites et les conditions climatiques permettent d’estimer l’importance et la période du risque parasitaire et de proposer des solutions en rapport avec les objectifs de croissance de l’éleveur. Des analyses coproscopiques complètent cette analyse pour décider d’une prescription antiparasitaire. Les bilans de contamination sont à faire après sevrage et à la mise en bâtiments. Les analyses doivent être réalisées par lot de prés. Il est indispensable d’intégrer cette notion de lot. En effet, si les analyses se révèlent positives sur un lot uniquement et que l’analyse du risque implique un traitement, seul le lot de génisses infestées sera à traiter et non l’ensemble des génisses de l’exploitation.
Les analyses à effectuer sont-elles identiques pour chaque type de parasites ? Quand les réaliser ?
F. C. - Pour la grande douve, il est nécessaire de faire une sérologie en mélange sur 5 génisses par lot de prés, dès la rentrée en bâtiments. Pour les autres parasites, des coproscopies individuelles sont à réaliser. Trois animaux par lot doivent être prélevés. En cas de diagnostic positif pour les strongles digestifs, une analyse globale tenant compte de la conduite de pâturage peut conduire à préconiser un premier traitement à la rentrée en bâtiments. A la mise à l’herbe, dans le cadre d’une conduite en lot unique dans une parcelle dédiée, un second est nécessaire afin de décontaminer la parcelle. Dans les régions aux hivers froids et secs (Bourgogne, Massif central, Limousin), où la concentration des larves est moins dense, le traitement est à effectuer au lâcher des animaux.Par contre, dans les régions au climat doux humide,comme dans l’Ouest de la France, le traitement est à repousser 3, 8 ou 10 semaines après la mise à l’herbe. Pour la grande douve, le diagnostic peut se faire dès la rentrée à l’étable par sérologie alors que pour la petite douve et la paramphistomose, le diagnostic uniquement coproscopique est à faire 12 semaines après les premières gelées (janvier/février).
Quels conseils pouvez-vous donner sur la gestion du parasitisme ?
F. C. - Grâce aux avancées sur le sujet, on sait aujourd’hui que la pratique « on traite, on change de parcelle » est à proscrire. La raison est simple. Lorsque l’on effectue un traitement, on tue 99 % des parasites et non 100 %. Donc, si les animaux sont changés de parcelle tout de suite après traitement, ils contaminent la nouvelle parcelle avec les parasites les plus résistants à la molécule utilisée. Le risque d’apparition de vers résistants aux traitements est donc augmenté. L’autre conseil se rapporte à l’alimentation. Celle-ci doit être suffisante. Les chutes de croissance importantes sont à éviter. Pour la conduite du pâturage, aucune règle spécifique peut-être énoncée. On sait que les sécheresses estivales reportent le risque parasitaire en automne, que les rotations rapides et le pâturage extensif réduisent le risque parasitaire, mais ces paramètres sont fortement dépendants de chaque structure. L’éleveur n’a pas forcément le choix d’adapter sa gestion du pâturage. C’est pourquoi, le plan de lutte est à réfléchir et à adapter selon l’exploitation. Une attention particulière est à porter lors d’années de forte sécheresse. Les animaux ont tendance à se contaminer, car l’herbe manquant, ils mangent près des bouses.
La gestion du parasitisme est-elle différente selon la période de naissance des animaux et lors d’un hivernage en plein air ? Quels indicateurs visuels permettent de soupçonner une infestation ?
F. C. - Les veaux nés en hiver (novembre ou décembre) sont exposés aux strongles digestifs dès le lâcher car ils ingèrent immédiatement beaucoup d’herbe chargée de larves L3 contaminantes. Les veaux nés au printemps (février à avril) se contamineront en fin d’été. Pour les animaux nés en hiver, un traitement est conseillé en juillet-août. La gestion de tous les veaux sera ensuite identique à celle décrite précédemment. Dans certains élevages, les génisses restent dehors l’hiver. Dans ce cas, un traitement stongylicides doit être mis en place dès le début d’hiver. Pendant l’hiver, les génisses, en contact avec les parasites lors des périodes plus clémentes font leur immunité. Pour les autres parasites, la conduite ne diffère pas. Des indicateurs visuels permettent de suspecter une infestation. Des croissances non optimales par rapport aux objectifs sont à surveiller, ainsi que l’état général, le pelage et les éventuelles diarrhées. Mais attention, diarrhée n’est pas forcément synonyme de parasites. Les analyses sont obligatoires pour confirmer le diagnostic. Dernier point, l’apparition de toux l’été, laisse suspecter des bronchites pulmonaires. Une analyse de bouses fraîches est alors indiquée pour mettre en évidence ce parasite et traiter rapidement en cas de test positif.
Identité
François Courouble, a commencé à exercer en tant que vétérinaire en 1982, avant de s’associer en 1984 en Saône-et- Loire. Il fait partie de la commission parasitaire du SNGTV depuis 1997.