Un système intensif, cohérent et performant
Dans la Meuse. Installé en 2004 en tant que double actif, Franck Cantiget a fait évoluer son exploitation pour en faire un outil performant. Aujourd’hui à la tête d’un troupeau de 50 Limousines sur 140 hectares, il utilise au maximum les aliments produits sur l’exploitation.
Dans la Meuse. Installé en 2004 en tant que double actif, Franck Cantiget a fait évoluer son exploitation pour en faire un outil performant. Aujourd’hui à la tête d’un troupeau de 50 Limousines sur 140 hectares, il utilise au maximum les aliments produits sur l’exploitation.
À Lamarche en Woëvre, dans la Meuse, Franck Cantiget a repris en 2004 l’exploitation de son oncle qui produisait alors du lait, des céréales, des taurillons et élevait 27 vaches allaitantes sur 57 hectares de SAU. Double actif jusqu’en 2006, Franck s’agrandit progressivement, arrête le lait et les taurillons pour ne conserver que les vaches allaitantes et les céréales. Le système fourrager est alors déficitaire et le fonctionnement de l’exploitation ne plaît pas à Franck. En 2010, il récupère 45 hectares, dont de nombreux hectares appartenant à des membres de sa famille. Il décide alors changer de système. Plutôt que de continuer à produire des céréales sur des terres à faible potentiel, il implante 6 hectares de luzerne pure en 2009, puis en mélange avec du dactyle sur 11 hectares en 2011 et passe alors à un troupeau de 40 mères limousines.
« Il y a toujours eu de l’élevage sur l’exploitation, au départ un peu de lait, des taurillons, des allaitantes et des céréales. Aujourd’hui, avec un troupeau de 50 Limousines, je m’épanouis dans l’élevage et j'ai la volonté d’évoluer en faisant les choses à fond et de façon cohérente », affirme Franck. Depuis son installation, il a réalisé de gros travaux et a beaucoup travaillé pour avoir une exploitation performante et « facile à vivre ». Le bâtiment d’origine était arrivé à saturation, et une nouvelle stabulation a été construite en 2015 pour un investissement de 100 000 euros. Elle abrite les vaches suitées. « Quand on travaille dans de bonnes conditions, les résultats suivent et c’est un plaisir d’aller tous les jours s’occuper des animaux. »
Soigner la culture de l’herbe pour avoir de l’enrubanné de qualité
Franck est autonome à 90 % pour l’alimentation de ses animaux. Sur les 105 hectares de SAU, 24 sont en blé, 7,2 en colza, 14 en orge d’hiver (dont 160 quintaux autoconsommés), 13 en pois (dont 40 quintaux autoconsommés) auxquels s’ajoutent 34 hectares de praires permanentes et 12,5 hectares de prairies temporaires semées en mélange luzerne dactyle. Sur la surface en herbe, 20 hectares sont pâturés et 27 fauchés en première coupe. Franck pratique une fauche précoce pour avoir une qualité maximale de l’enrubanné. Son système repose en grande partie sur l’herbe. « L’été, les animaux consomment uniquement de l’herbe au pâturage. Au cours de l’été 2015, avec la sécheresse, j’ai dû apporter de la paille avec un peu de mélasse au pré. » À la mise à l’herbe, le chargement est strict, avec 30 ares par UGB. Les vaches changent de parcelles en fonction de la pousse de l’herbe et le chargement évolue à 57 ares par UGB à l’automne.
Le système de Franck est simple et fonctionne bien. Ses charges opérationnelles sont faibles, à 0,8 €/kg de viande produit. Grâce au pois, à l’orge et à l’enrubanné de luzerne dactyle, Franck n’achète que 2,5 tonnes de concentré par an. En ration hivernale, les vaches suitées reçoivent 3 kg de paille, 7 kg d’enrubanné de luzerne/dactyle, 7 kg d’enrubannage de foin de prairie et 1 kg d’orge aplati. Les génisses à l’engraissement ont la même ration de base et sont complémentées avec un mélange d’orge et de pois qui augmente progressivement de 2,5 à 6 kg/j. Les génisses de 1 à 2 ans reçoivent 2 kg de paille, 3 kg d’enrubanné de luzerne/dactyle, 3 kg d’enrubannage de foin de prairie et 0,5 kg de pois. Les génisses à la reproduction consomment 2 kg de paille, 5 kg d’enrubanné de luzerne/dactyle, 5 kg d’enrubannage de foin et 1 kg d’orge aplati.
Grouper les vêlage au pâturage pour que les vaches sortent seules en avril
Parti d’un troupeau croisé Limousin, Charolais et Salers en 2004, Franck a mis près de huit ans pour obtenir par absorption un troupeau 100 % Limousin. « C’est une race qui me plaît, avec une facilité de vêlage. L’effet positif de cette base variée est qu’on a une souche "laitière" qui se retrouve toujours sur les vaches et par conséquent une bonne croissance des veaux. » Trois taureaux sont présents aujourd’hui pour assurer la reproduction 100 % en monte naturelle. « Le résultat avec les taureaux est plutôt bon. Nous n’avançons peut-être pas aussi vite qu’en IA, mais j’achète de bons taureaux, dans le berceau de la race et je les renouvelle tous les trois ans. J’essaie de dénicher de bons taureaux adultes, mais il n’y en a pas beaucoup. Ceux actuellement en service sur l’exploitation sont jeunes (18 mois à 2 ans), c’est pour cela que j’en ai trois. Je choisis des taureaux dont l’origine et les niveaux d’indexation les prédisposent pour transmettre de bonnes facilités de vêlage avec aussi un bon indice lait. Mais ça reste aussi un coup de cœur sur le taureau. »
Les vêlages sont groupés au maximum à l’automne, sur trois mois, pour des vêlages au pâturage. L’objectif est que les vaches sortent seules en avril. L’IVV moyen est court, à 368 jours. Le taux de mortalité est bon, à 6 % en moyenne. À terme, Franck veut faire croître son troupeau pour atteindre 65 mères. La plupart des femelles sont conservées pour le renouvellement et la croissance du troupeau. Elles sont mises à la reproduction à 2 ans pour un vêlage à 33-34 mois.
Diversifier les débouchés pour mieux valoriser les produits
En 2015, cinq génisses ont été valorisées en vente directe à 5,10 €/kg de carcasse à 25-27 mois. Ce n’est pas une année de référence pour les génisses, habituellement ces animaux sont valorisés entre 6 et 6,5 €/kg de carcasse. « J’ai débuté la vente directe quand les prix ont commencé à plonger en 2008. Il n’y avait pas cette offre autour de nous. Aujourd’hui, nous avons fidélisé une clientèle. » Trois autres génisses ont été vendues dans le circuit traditionnel à 4,5 €/kg de carcasse. Des veaux sont également valorisés en vente directe. Une fois les coûts d’abattage et de découpe déduits, il reste 6,9 €/kg carcasse à Franck. Les broutards eux partent en avril, avec un acheteur régulier. « Ces veaux sont bien valorisés. Je les vends à la pièce, aux alentours de 900 euros. » Les veaux les plus jeunes vont 90 jours au pâturage avec un petit complément de 2 kg d’orge aplati. En 2015, six réformes ont été vendues à 3,82 €/kg carcasse en moyenne. « Nous sommes en croît de cheptel. Ce sont les moins bonnes vaches qui partent. Nous allons améliorer la valorisation des réformes à mesure que le troupeau aura de meilleures performances. »
Chiffres clés
« De l’enrubannage de très bonne qualité »
« Franck est un passionné d’élevage. Il a un système intensif et utilise au maximum les aliments produits sur l’exploitation, avec une forte proportion d’enrubannage et de paille dans l’alimentation. L’achat de la mélangeuse lui a permis d’intensifier son système tout en maintenant un assez faible coût de rationnement, grâce à la valorisation de plus de paille dans la ration, mais aussi grâce à l’attention portée à la culture de l’herbe et à la réalisation de fourrages de très bonne qualité avec l’enrubannage de luzerne-dactyle. Les investissements dans la mélangeuse, achetée en copropriété, et la presse avec rotocut se traduisent par des charges de mécanisation plus élevées que les autres membres du groupe de suivi économique de la chambre. Mais ils offrent un gain de temps important, un confort de travail et garantissent à Franck d’être quasiment sûr de passer un hiver serein, élément déterminant pour des systèmes intensifs. Il a aussi des frais vétérinaires bas, entre 30 et 35 euros par UGB. Cela s’explique par une forte présence, une alimentation adaptée tant sur la quantité que sur la valeur alimentaire, la propreté des bâtiments et les vêlages d’automne. 70 % des veaux naissent en août et septembre. Quand ils rentrent, ils ont deux mois de pâturage et sont plus résistants. »
Arnaud Deville, conseiller à chambre d’agriculture de la Meuse
Valoriser au maximum la paille grâce à la mélangeuse
En 2011, Franck achète une mélangeuse en entraide avec un voisin. Franck fournit la mélangeuse et son voisin le tracteur. Ils partagent les frais d’entretien et de carburant. « Grâce à la mélangeuse, j’arrive à très bien valoriser la paille dans la ration. Nous l’avons achetée en année sèche. Nous n’avions eu que la moitié des rendements habituels en première coupe. Et pourtant, à la fin de l’hiver, j’avais des surplus ! La mélangeuse permet de distribuer une ration idéale, peu encombrante et de valoriser la paille. Aujourd’hui, avec la même surface, j’ai pu intensifier ma production avec 15 mères supplémentaires sans augmenter la fertilisation. La mélangeuse permet de faire ingérer plus de fourrages grossiers et de diminuer la part de concentré. » L’achat de la mélangeuse (11 000 euros sur cinq ans) et d’une presse avec rotocut se ressent sur les charges de structure. Mais ce deuxième investissement était indispensable. Pour la mélangeuse, il faut des brins courts, sinon les couteaux s’abîment vite et les animaux trient la ration. « J’ai aussi gagné beaucoup de temps. Il me faut une heure et demie par jour pour alimenter les animaux. L’objectif est maintenant de couper aussi des brins plus courts de paille. »