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Un séchoir à fourrages pour un élevage bio de 50 charolaises

Benoît Jaunet, éleveur en bio dans les Deux-Sèvres, dispose depuis quatre ans d’un séchoir de fourrages. Un équipement rare en élevage allaitant, qui trouve ici sa logique.

Benoît Jaunet avait besoin en 2017 d’un bâtiment de stockage du fourrage. C’est tout un cheminement, partagé lors d’une porte ouverte organisée par le Civam du Haut-Bocage, qui l’a amené, à ce moment de sa carrière, à investir dans un bâtiment en bois, équipé de panneaux photovoltaïques et d’un séchoir de fourrages. « J’ai pris le temps de visiter différentes installations pour affiner mes choix, et cet équipement correspond bien à mes besoins et à mes moyens, considère Benoît Jaunet. J’ai adapté à ma personnalité une approche cohérente par rapport au contexte pédoclimatique. »

Revenons donc en arrière. Benoît Jaunet s’est installé en 2009 en agriculture biologique sur 70 hectares, hors cadre familial. Les sols sont pauvres : sableux, avec autour de 650 mm de précipitations mal réparties sur l’année. Une partie est en prairies naturelles sur des coteaux hyper séchants. Les éleveurs précédents avaient déjà commencé à donner davantage de place aux prairies dans le système ; Benoît Jaunet a accéléré dans cette voie. Toutes les prairies qui s’y prêtent ont été transformées en multiespèce (neuf espèces semées). Une dizaine d’hectares de luzerne pratiquement pure (semée avec un peu de fétuque) a aussi été installée.

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Benoît Jaunet a en même temps arrêté d’engraisser des jeunes bovins, et il vend des veaux rosés. Il a réduit le nombre de vaches pour arriver à 50 vêlages. La sécheresse de 2011 a ensuite provoqué d’autres décisions. Les animaux à faibles besoins partent fin avril en estive sur 13 hectares de marais communaux en Vendée (à 80 km environ). Et deux périodes de vêlage de deux mois chacune sont organisées. Il y a ainsi au printemps et à l’automne des animaux à fort besoin, mais pas trop en même temps. Et l’intérêt est également de pouvoir faire vêler à 30 mois et de répartir sur l’année la commercialisation. « Si tout le troupeau vêlait en janvier février, je n’aurais pas assez de pousse au printemps et je devrais beaucoup affourager l’été. En plus, il y a de plus en plus d’opportunités pour le pâturage hivernal. Il me faut des animaux à besoins moyens à cette saison pour valoriser cette pousse », explique Benoît Jaunet.

Amélioration de la productivité et qualité des prairies

La conduite du pâturage a évolué il y a cinq ans suite à une formation sur le pâturage tournant dynamique (méthode Herby). Tout le parcellaire en multiespèce est découpé en paddocks de 80 ares à 1 ha, et équipé pour l’eau. Le temps de présence est de deux à trois jours par paddock pour des vaches suitées en avril et mai. « J’ai trouvé mes repères pour mon système de multiespèce. Si je tournais plus vite, l’herbe serait trop riche pour certains lots. Et si je débraie parfois des paddocks pour les récolter, je fais aussi des stocks sur pied pour que les charges de mécanisation restent cadrées. »

Une fois ce système bien en place, la meilleure productivité des surfaces a permis de libérer une douzaine d’hectares. Benoît Jaunet a alors choisi de diversifier son système et en optant pour des cultures bio destinées à l’alimentation humaine, qui sont très rémunératrices : une association blé panifiable féverole et du quinoa. Des couverts végétaux sont implantés entre chaque céréale et sont pâturés. « J’ai trouvé la composition qui fonctionne ici avec 4 kg de colza fourrager, 10 kg de sorgho, 3 kg de tournesol et 1 kg de radis fourrager. » Benoît Jaunet place également dans sa rotation un méteil fourrage suivi d’un sorgho multicoupe, et un méteil grain.

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Du foin est distribué au pré pendant deux ou trois mois en cours d’été. « Le terrain ne permet pas de ne pas affourager l’été. J’ai dû acheter 100 tMS en 2011, et il a bien fallu tenir le coup. Mais en 2014, j’avais 100 tMS de report de stocks, se rappelle Benoît Jaunet. Je démarre l’année avec 30 % de stock d’avance. Cela a un coût, mais c’est un stock circulant. Et il faut que le 1er juillet j’aie récolté la moitié de mes besoins en stock soit 200 tMS. »

En parallèle, Benoît Jaunet a pu financer en 2015 l’embauche d’un salarié à 40 %. La vente directe de la moitié des vaches et d’un quart des veaux, et la vente des cultures bio ont bien facilité ceci. Il avait aussi fait le choix au départ de rester locataire, ses terres étant détenues par Terres de Liens.

Prendre en compte le bilan carbone de l’élevage

Quand Benoît Jaunet a envisagé de faire construire un bâtiment de stockage du fourrage, il était évident qu’il porterait des panneaux photovoltaïques et serait en bois pour favoriser le bilan carbone de l’élevage. Le séchage en grange l’a intéressé pour le même motif, car il permet de consommer moins de carburant et moins de plastiques, bâches et ficelles. Il permet aussi de donner moins de concentrés aux animaux (même s’ils en consommaient déjà peu). « Mais je voulais un bâtiment économe, donc pas de déshumidificateur, et pas de bardages inutiles. » Benoît Jaunet a donc opté pour un bâtiment qui n’est pas complètement fermé. Il dispose de 650 m2 de panneaux photovoltaïques sur bac acier orientés plein sud (100 kWc). Le bâtiment produit cinq fois plus d’électricité qu’il n’en consomme. L’air sous les panneaux est chauffé uniquement par le soleil, de 10 à 15 °C. Il est aspiré par les ventilateurs et diffusé dans les cellules du séchoir. Le séchoir peut stocker 200 tMS dans deux cellules (équivalent à environ 700 bottes) et 450 à 500 bottes de foin et paille sont aussi logées sous le bâtiment. « Le bâtiment pourra aussi être aménagé différemment par mes successeurs. On pourrait avoir deux cellules de plus, ou loger des animaux. »

Benoît Jaunet a travaillé avec l’entreprise Morisset pour le bâtiment, et la griffe, les cellules de séchage et les ventilateurs ont été fournis par Agri-Manu. L’éleveur a fait lui-même les bardages et les cloisons des séchoirs.

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Une remorque autochargeuse d’occasion de 26 m3 avec tapis de distribution a été achetée. « C’est un investissement équivalent à celui d’un round-baller et d’une mélangeuse. Et l’autochargeuse sert toute l’année, puisqu’elle distribue pendant l’hiver les rations dans la stabulation à côté du bâtiment de stockage. »

L’organisation des chantiers de récolte a changé, mais pour Benoît Jaunet, c’est un changement d’habitude et il n’y a pas vraiment plus ou moins de travail qu’avant. « Avant, je pouvais faire seul 15 à 17 hectares de foin sur une fenêtre météo de cinq jours. Aujourd’hui, on doit être deux, sauf si je fauche moins de trois hectares. » Ce n’est pas un problème car Benoît Jaunet travaille avec son salarié ou avec un éleveur de sa Cuma. Ces chantiers entrent dans les banques de travail de la Cuma.

Ni plus ni moins de temps de travail pour les récoltes

« On se permet des chantiers de foin précoce qu’on ne tenterait pas en bottes. Il faut trois jours de vrai beau temps. » La récolte de foin précoce est possible de fin avril à début juin. En septembre, on pourrait aussi sécher mais Benoît Jaunet donne la priorité au pâturage.

Il regarde les prévisions de pluie, mais aussi le rayonnement solaire, et l’évapotranspiration potentielle (le vent). « Au lieu de faire trois fanages en trois jours, je fais quatre fanages en deux jours. » L’objectif est d’atteindre 60 % de MS - le stade où on enrubannerait - pour rentrer le fourrage dans le séchoir, car ici il n’y a pas de déshumidificateur. « Si je vois que ça ne va pas aller, je peux toujours appeler la Cuma pour enrubanner. » Dans les faits, l’enrubannage ne représente plus que quelques dizaines de bottes, qui servent pour les périodes de congés. C’est en effet plus facile pour le remplaçant de placer quelques bottes d’enrubannage dans des râteliers, que de prendre en main la griffe et l’autochargeuse.

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L’épaisseur de la première couche dans le séchoir ne doit pas dépasser 2 mètres de hauteur pour ne pas bloquer le système de passage de l’air (1 m pour les couches suivantes). On peut rentrer à peu près huit hectares de prairies multiespèces à la fois sur des coupes d’environ 3 tMS (soit environ 25 tonnes de produit sec). Pour le méteil fourrage qui donne 8 à 10 tMS/ha, les chantiers portent sur 2 à 3 hectares à la fois. La luzerne se tasse trop pour bien sécher si le tonnage est important, donc il faut aussi adapter les surfaces à couper.

La ventilation est mise en marche pendant les 24 premières heures, et uniquement en journée les jours suivants. En trois jours, parfois quatre, le fourrage a atteint les 90 % de MS. Il est possible de rajouter avant, quand le fourrage est entre 75 et 80 % de MS.

Quatre types de fourrages sont panachés

Dans le séchoir, quatre types de fourrages sont assemblés de façon à pouvoir ensuite les panacher et les doser pour composer les différentes rations.

L’une des cellules contient les fourrages « fibre » : une moitié de foin de méteil fourrager et une moitié de foin de prairies naturelles de coteaux. L’autre cellule contient les fourrages « forte valeur alimentaire » : la 1re et la 2e coupe de luzerne, et le foin précoce des prairies multiespèces.

« Certaines coupes sont 'de la bombe' et il faut les panacher avec un fourrage suffisamment fibreux pour qu’il n’y ait pas trop d’azote soluble et de sucres dans les rations, explique Benoît Jaunet. L’idéal serait aussi de diversifier les formes d’azote et d’énergie. Je choisis de faire ce compromis pour ne pas passer beaucoup de temps à peaufiner une ration à la mélangeuse. »

Les vaches en vêlage d’automne reçoivent l’hiver une ration composée moitié-moitié de chacune de deux cellules de séchage. Elles ont juste en plus quelques centaines de grammes d’orge en flushing pendant un mois. Celles qui vêlent au printemps reçoivent la moitié en quantité de la ration des vaches en vêlage d’automne et autant de foin. Pour l’engraissement, les vaches ont la même ration que celles en vêlage d’automne avec en plus du foin de luzerne, 3 kg de méteil grain et 2 kg MS de betteraves fourragères (cultivées chez un voisin). Veaux rosés et génisses de renouvellement ont la même ration que les vaches en vêlage d’automne en quantités adaptées.

Benoît Jaunet constate en tout cas qu’il n’a pas dégradé ses résultats : « sur de mauvaises terres, le troupeau en vêlage à 30 mois a une bonne productivité numérique et mes veaux mâles font 1,2 kg de GMQ sans concentré. »

Le séchoir a sécurisé l’autonomie fourragère, du temps et du confort de travail l’hiver ont été gagnés, et le tracteur est moins souvent démarré. « Le surcoût du séchoir par rapport à un bâtiment de stockage classique est-il valable ? je considère que oui. »

Un investissement raisonné

En considérant un emprunt de 259 600 euros sur 15 ans à 1,8 %, l’annuité calculée constante est de 19 902 euros par an. En ajoutant la consommation d’électricité et autres frais (assurance, maintenance, abonnement…) pour 4 000 euros par an et en déduisant la revente d’électricité pour 18 000 euros par an, cela revient à 5 902 euros par an.

L’exploitation a également investi dans une remorque autochargeuse d’occasion Claas de 26 m3 avec tapis de distribution pour 21 000 euros (servant toute l’année).

Investissement séchoir en grange et stockage de foin et paille

• Terrassement et stabilisation : 20 000 euros

• Maçonnerie : 30 000 euros

• Charpente, bardage, couverture bac acier et aménagement intérieur : 118 000 euros

• Panneaux photovoltaïques et raccordement : 129 000 euros

• Ventilateurs, automate de ventilation et variateurs de fréquence : 18 500 euros

• Griffe, translation chaînes et rails : 40 000 euros

• Électricité : 9 000 euros

• Études : 2 100 euros

Total investissement : 360 000 euros

Subvention PCAE : -41 000 euros

Ademe : - 26 000 euros

Lisea Carbone (fondation privée) : - 34 000 euros

Montant à financer : 259 600 euros

Source : Ferme de Punault.

 

 
 

Avis d’expert - Antoine Vaubrun, Segrafo

"Un séchoir très bien dimensionné"

"Le plan du bâtiment de Benoît Jaunet est astucieux car il porte, avec un décalage de la faîtière, une installation photovoltaïque de 100 kWc plein sud sur une surface au sol de 48 m x 19 m. La récupération de chaleur est donc importante pour deux cellules de séchage du foin. Comme il n’a besoin que de 150 tMS par an de fourrage de haute qualité, deux cellules suffisent et il loge sous ce toit le reste du fourrage en bottes.

Le séchage en grange est rare en élevage allaitant, mais l’investissement peut, comme dans le cas de Benoît être ramené à un niveau envisageable. Le séchage en grange peut trouver sa place dans certains systèmes qui ont une valorisation commerciale élevée et sécurisée des animaux."

Segrafo est un organisme de conseil et accompagnement individuel et collectif sur le séchage en grange dans l’Ouest de la France.

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