Un plan de filière ambitieux pour la viande bovine
Les différentes familles professionnelles partagent la volonté d’avancer. Le plan de filière qu'elles ont élaboré s'appuie sur la segmentation adossée au label rouge, l'introduction du persillé dans l’évaluation des viandes et le développement de la contractualisation intégrant les coûts de production.
Les différentes familles professionnelles partagent la volonté d’avancer. Le plan de filière qu'elles ont élaboré s'appuie sur la segmentation adossée au label rouge, l'introduction du persillé dans l’évaluation des viandes et le développement de la contractualisation intégrant les coûts de production.
Demandés par le président de la République lors de son discours de Rungis pour toutes les productions le 11 octobre, les plans de filière ont été remis au ministre de l’Agriculture mi-décembre. La filière viande bovine s’est acquittée de sa tâche dans une ambiance sereine. C’était l’occasion de se retrouver autour d’une table entre familles professionnelles, hors contexte de crise aigüe, et avec un objectif à atteindre dans un timing serré. Il a pu ainsi être question de stratégie à long terme pour la filière. Des sujets que l’interprofession ne parvenait pas à aborder ont pu l’être, et d’autres sujets déjà travaillés ont pu avancer.
Parmi les dix objectifs listés par Interbev dans ce plan de filière, certains sont en effet dans la continuité de l’action actuelle de l’interprofession. C’est le cas des concertations avec les ONG environnementales, de protection animale et les associations de consommateurs. Le plan de filière se réfère à la démarche de responsabilité sociétale collective, encadrée par la norme ISO 26000, qui vise à l’amélioration continue des pratiques de production et consommation de viande sur ces enjeux. Mais d’autres objectifs sont plus inédits, comme celui concernant la segmentation du marché de la viande bovine. L’objectif n°2 est de « mieux informer le consommateur en segmentant plus clairement l’offre en viande bovine sur la base de critères organoleptiques et sociétaux ». « Nous travaillons depuis plusieurs années sur la segmentation », explique Guy Hermouet, président de la section bovine d’Interbev. « Les États généraux de l’alimentation vont nous permettre d’avancer plus vite. » L’offre sera subdivisée en deux : une offre garantissant un niveau de qualité standard sur les plans sanitaire et gustatif, mais qui ne pourra pas faire l’objet de communication valorisante (à part l’origine VBF), et une offre certifiant une expérience gustative supérieure et respectant des critères de production plus exigeants sur l’impact environnemental et sur le bien-être animal tout au long de la filière. Un consensus s’est établi à l’interprofession pour faire du label rouge ce segment de marché « supérieur ». « Il s’agit de sortir de l’hyper-segmentation devant laquelle le consommateur peut légitimement rester perplexe, alors que ce qu’il demande existe déjà et s’appelle le label rouge », explique Bruno Colin, président de la filière bovine de Coop de France. Une segmentation supplémentaire, qui pourrait être géographique, resterait possible. Toutes les démarches qui fonctionnent aujourd’hui – « Éleveurs et engagés » en particulier pour ne pas la nommer – s’y adosseraient. « On ne veut surtout rien démonter », fait savoir Guy Hermouet. L’objectif est ambitieux puisqu’il est d’atteindre 40 % de l’offre de viande bovine en label rouge dans cinq ans (c’est l’objectif n°3). Le fonctionnement des filières label rouge évoluera forcément pour élargir les rayons, créer les débouchés correspondants. Au niveau des élevages, le chantier ne sera a priori pas très compliqué. « Les cahiers des charges ont une grande part commune, et les coûts de certification sont les mêmes qu’il s’agisse de valoriser une vache par an ou bien tout le troupeau », observe Guy Hermouet.
Le persillé entrera dans les critères de paiement des carcasses
En parallèle, l’interprofession a décidé d’intégrer le persillé dans l’évaluation des viandes (objectif n°4). Il pourrait s’agir d’une note de persillé, qui entrerait dans les critères de rémunération des animaux, à côté de la conformation et de l’état d’engraissement. « Des études devront compléter celles déjà faites sur ce critère pour déterminer comment on mesurera le persillé et quel niveau de persillé est idéal. Il faudra un peu de temps, mais la volonté d’y arriver est bien là », explique Guy Hermouet. « Il sera nécessaire en parallèle « d’éduquer » les consommateurs qui ne sont pas en général attiré par l’aspect en frais de la viande persillée, bien qu’ils la plébiscitent une fois cuite dans leur assiette », remarque Hervé des Déserts, directeur de FedeV. « Nous étions très demandeurs sur l’intégration de critères objectifs de qualité gustative de la viande bovine », se félicite Mathieu Pecqueur, directeur général de Culture viande, qui souhaiterait que ce travail sur la qualité gustative soit évolutif en intégrant à plus long terme d’autres critères comme la tendreté. Sur ce dossier, tout un travail sur l’alimentation, la génétique, la conduite de l’engraissement se profile côté éleveurs.
L’un des autres objectifs prioritaires pour l’interprofession – à traiter en 2018 – est de « sécuriser la valorisation et la rémunération pour la viande destinée au haché » (objectif n°6). Comment y parvenir ? La question reste ouverte à ce stade et pourra s’avérer compliquée à résoudre. Mais toutes les familles de la profession sont mobilisées sur ce thème. Pour Mathieu Pecqueur, c’est un sujet central car le système actuel n’est plus adapté face au développement de la part de viande destinée à être hachée dans une carcasse : « C’est un produit de plus en plus demandé, et pour lequel les entreprises ont beaucoup investi pour la qualité sanitaire, la qualité gustative, le marketing. Il faut le faire valoir auprès de nos clients. » « Cela permettra de proposer les morceaux nobles à des prix de vente maîtrisés au consommateur », explique Guy Hermouet, qui avance l’idée de la construction d’un prix de référence pour la viande destinée à être hachée. « Il faut arrêter la destruction de valeur que représente actuellement le marché de la viande destinée au haché congelé », alerte aussi Bruno Colin. « C’est un gaspillage intenable. »
30 % de contractualisation indexée sur les coûts de production dans cinq ans
L’objectif n°8 porte sur le développement de la contractualisation, en prenant en compte un indicateur indexé sur les coût de production. « L’interprofession dispose depuis cinq ans de modèles de contrats de ce type. Nous allons les retravailler », explique Guy Hermouet. « Des indicateurs validés par une caution extérieure seront largement diffusés. » La contractualisation est marginale aujourd’hui (moins de 2 % sur l’ensemble de la filière, 10 à 15 % des volumes pour les organisations de producteurs commerciales) et l’objectif est de représenter 30 % des volumes dans cinq ans. Afin d’initier la dynamique de contractualisation, la filière demande la mise en place d’un crédit d’impôt qui s’appliquera en cas de situation de marché défavorable et uniquement pour les opérateurs respectant les engagements de la filière. « Ce crédit d’impôt apporterait la sécurité à celui qui prend un gros risque : le distributeur pour ce qui concerne la viande vendue en France, ou l’industriel pour la viande exportée, dans le cas d’un retournement de marché », complète Bruno Colin qui estime jouable d’arriver à 30 % dans cinq ans. Ce seuil de 30 % laisse de la place sur les marchés à toute autre forme de commerce.
L’interprofession a également fait figurer dans son plan de filière une mention sur les marchés export (objectif n°10) portant sur la demande du détachement d’un interlocuteur en interministériel. « Les marchés européens sont matures, mais il faut continuer à les travailler. Et en plus, les ouvertures de débouchés sur pays tiers sont nécessaires. Pour être plus réactifs, nous avons besoin que davantage de moyens humains soient mis à disposition notamment à la DGAl et à FranceAgriMer », explique Hervé des Déserts.
Les autres objectifs portent sur la viande bio, avec le doublement des volumes dans les cinq ans (objectif n°5), et sur la création d’un observatoire de la viande et de son origine en restauration hors domicile pour arriver à 80 % de viande française dans ce secteur dans dix ans (objectif n°9).
Encadrer les promotions au niveau interprofessionnel est urgent
L’objectif n°7 est de « proposer avant la fin de l’année 2018 une mécanique d’encadrement des promotions à travers un accord interprofessionnel qui sera soumis à extension auprès de l’Etat. » Il s’agit d’être mieux protégé que ce que ne permettrait le futur règlement ministériel, défini dans le cadre des États généraux de l’alimentation, limitant les promotions à 34 % de rabais maximum. Une loi est en effet annoncée pour le premier semestre 2018. « Le calendrier, le volume et les catégories de produits doivent être balisés », pour Bruno Colin, président de la filière bovine de Coop de France. Même sentiment à Culture viande : « Quand on voit la tournure des évènements sur la viande porcine, on ne peut que constater qu’un accord interprofessionnel est nécessaire. »