Un phlegmon de la langue
Elle a bigrement maigri depuis qu’elle est allée à l’herbe, il y a huit jours maintenant, son ventre est retroussé et sa musculature défaite. Elle bave un peu, quelques brins de foin sortent de sa bouche et la zone de l’auge est bien déformée, comme celle qui est morte en quelques heures en détresse respiratoire d’une gangrène qui s’est développée au même endroit et dont vous avez pu lire ici l’histoire ici. Lorsqu’André m’en fait la description au téléphone, il ajoute qu’elle fait 40,5° de température, je le refroidis net parce qu’avec cette fièvre élevée et cet amaigrissement en si peu de jours, il ne peut pas être question d’une simple langue de bois qu’il aurait bien voulu prendre en charge lui-même. C’est sans doute beaucoup plus grave.
Simple comme un coup de fil
En effet ! La description qu’André m’a faite de sa vache est bien conforme à la réalité avec l’amaigrissement prononcé et la tuméfaction sous l’auge. Mais son haleine sent mauvais et la traction sur la langue s’avère très douloureuse parce que cette langue est très enflammée. Elle est marquée par une tache rouge vineux sur le côté et une pellicule blanchâtre forme un large placard à sa surface. Si vous avez regardé une seule fois dans votre vie une langue de bois, vous êtes bien d‘accord qu’elle ne ressemble en rien à cette langue-là ! Celle-ci est enflammée par un phlegmon et ce n’est pas gagné car grâce à la très riche vascularisation de cet organe, les bactéries ont pu filer vers le fond de la gorge ou dans d’autres territoires de la face et même vers la veine jugulaire qui peut, à son tour, s’infecter. Face à ce genre de maladie très vite compliquée, la vie de la vache se joue sur la précocité et la qualité de la prise en charge. Entre les mains d’un éleveur qui aurait voté mordicus pour la langue de bois sans y regarder elle serait morte. Mais là, un simple coup de fil au véto est parvenu à la faire vivre.