" Un petit détail qui se termine mal "
"Une corne ébréchée, il n’y a pas de quoi en faire un fromage ! Mais quelques jours plus tard, ce jeune taureau reproducteur connait une baisse de forme et un épisode de fièvre attribué à une maladie respiratoire hivernale. Le voilà bientôt remis dans l’axe avec un traitement puis un autre en raison d’une récidive. Après quelques jours la fièvre le reprend une fois encore et dès lors il ne sera plus à l’auge qu’en pointillé malgré un autre traitement. De jour en jour son état se dégradera. Lorsque je l’examine, quelques semaines après son tout premier coup de mou, le thermomètre marque 39°2 avec rien de bien marquant – si ce n’est cette corne ébréchée qui m’en rappelle d’autres car une corne ébréchée, même aussi peu, est une porte d’entrée à l’infection du sinus et parfois du cerveau. Le taureau ne manifeste cependant aucune douleur à la percussion du sinus frontal droit qui sonne aussi clair que son voisin de gauche. Pourtant, comme il se laisse aller et ne s’entretient plus, il a les deux naseaux encombrés de morve. Il est sonné et traîne les pieds en marchant, il a très mal au crâne et ce n’est pas bon signe. Je lui coupe cette corne sans constater de trace suspecte. Je pense néanmoins qu’il y a bien une infection, qui peut toucher le cerveau, et qu’elle est désormais parvenue trop loin.
Du pus dans le crâne
J’y pense... En réalité, ce taureau, acheté peu de temps avant ses ennuis, est arrivé là avec cette corne ébréchée. Il meurt neuf jours après ma visite et je l’autopsie pour déterminer où est la responsabilité. Les organes thoraciques et abdominaux sont sains. Les sinus frontaux aussi mais au sommet du crâne et du côté droit, il y a du pus dans une cavité osseuse située tout près de la corne ; il s’est répandu dans les tissus voisins et jusqu’à la jonction entre le crâne la première vertèbre. L’ouverture de la boîte crânienne permet de tomber sur une très belle méningite.
Un conseil : ne traitez jamais une corne ébréchée comme un petit détail, coupez la aussitôt, proprement et sous anesthésie locale."