Tuberculose bovine : quels sont les leviers identifiés pour endiguer la hausse du nombre de foyers ?
En France, la conservation du statut de pays indemne de la tuberculose bovine ne tient qu’à un fil. Dans ce contexte tendu, les autorités sanitaires ont annoncé un renforcement des mesures de prévention et d’accompagnement des éleveurs.
En France, la conservation du statut de pays indemne de la tuberculose bovine ne tient qu’à un fil. Dans ce contexte tendu, les autorités sanitaires ont annoncé un renforcement des mesures de prévention et d’accompagnement des éleveurs.
« La hausse du nombre de foyers constatée dans plusieurs zones géographiques (Sud-Ouest, Normandie, Corse) et sa persistance dans d’autres (Côte-d’Or, Camargue) nécessite un renforcement des mesures sanitaires », informe le ministère de l’Agriculture dans un communiqué publié le 5 avril 2023. La tuberculose bovine est une zoonose causée par la bactérie Mycobacterium bovis. Son caractère chronique et son évolution lente rendent la maladie difficile à identifier et à éradiquer. « Ces difficultés nécessitent de maintenir un niveau élevé de mobilisation des différents acteurs pour assurer sur le long terme une prévention, une surveillance des élevages et un assainissement efficaces des foyers », explique la Direction générale de l’alimentation (DGAL). Les campagnes de prophylaxie déployées au sein de l’Hexagone concernent, chaque année, environ 900 000 bovins dans 18 000 exploitations.
La France tient à son statut "indemne de tuberculose bovine" dont elle bénéficie depuis 2001. Il traduit la qualité sanitaire du cheptel français et permet d’assurer des conditions de commercialisation fluides dans l’Union européenne et avec les pays tiers. La perte de ce statut aurait pour conséquence « des blocages à l’export et des flux rendus plus complexes du fait de la nécessité de réaliser des tests préalables sur les animaux candidats aux échanges », reprend la branche du ministère. Pour le conserver, le taux d’incidence doit être inférieur à 0,1 %. « En 2022, avec 104 foyers détectés, le seuil a atteint 0,07 %, ce qui est révélateur de faibles marges de manœuvre », détaille Kristel Gache, vétérinaire épidémiologiste et directrice du GDS France.
Pour endiguer la hausse du nombre de foyers de tuberculose bovine, les autorités sanitaires entendent travailler sur quatre axes prioritaires.
1. Améliorer la surveillance
La mise à jour des mesures de prévention et de surveillance, fixées par l’arrêté ministériel (1) en cohérence avec la loi de Santé animale, ont permis quelques avancées depuis 2021. Pour la recherche des bovins tuberculeux en élevage, le test de dosage de l’interféron gamma est officiellement reconnu comme une méthode de surveillance - et non plus comme un dispositif expérimental. « L’utilisation de ce test permet de réduire la durée de blocage des exploitations placées sous arrêté préfectoral de mise sous surveillance (APMS) », renseigne Kristel Gache. C’est une alternative au recontrôle par intradermotuberculination, qui contraint à un délai minimal de six semaines après le début de la suspicion. Le déploiement à large échelle du test de dosage de l’interféron gamma contribue à une détection plus précoce des foyers.
Dans des départements comme la Haute-Corse, cette méthode a même été utilisée en substitution complète de l’intradermotuberculination pour réaliser la surveillance en élevage. « Elle prend tout son sens dans des systèmes très extensifs, où la prise de sang se révèle moins contraignante », poursuit l’experte.
L’amélioration de la sensibilité du dispositif de surveillance en élevage passe dans tous les cas par la qualité de réalisation des tests de dépistage par les vétérinaires. Une parfaite contention des bovins est indispensable pour mener à bien ces interventions. Au GDS Pyrénées-Atlantiques, « un couloir de contention mobile, dont l’association est propriétaire, est mis à disposition des éleveurs adhérents pour leur permettre de réaliser la prophylaxie dans de bonnes conditions quand leurs installations s’y prêtent difficilement », évoque Maxime Arrebolle, le directeur.
2. Renforcer les mesures de biosécurité
En dehors de la campagne annuelle de prophylaxie, le respect des mesures de prévention est essentiel pour limiter l’introduction et la diffusion de la maladie entre élevages. Un groupe de travail associant les professionnels de la filière, les vétérinaires et GDS France a élaboré en ce sens un guide des bonnes pratiques de biosécurité à mettre en œuvre en zone infectée par la tuberculose bovine.
Les pouvoirs publics misent également sur l’accompagnement des éleveurs par le suivi de formations à la biosécurité, financées par le plan France Relance. Elles ont été rendues obligatoires pour sensibiliser les élevages foyers et ceux en lien épidémiologique de voisinage avec les foyers. « Elles permettent aux exploitants de s’approprier l’ensemble des mesures de prévention en fonction de leur contexte épidémiologique, de leur production et de leur site d’élevage », indique Kristel Gache.
« Un dispositif d’animation et d’aide à la mise en place de ces mesures (audits, préconisations d’aménagements des pratiques…) a été développé pour compléter les actions nationales dans les zones les plus infectées », ajoute le ministère. À l’échelle de la région Nouvelle-Aquitaine, « trois millions d’euros ont été alloués sur trois ans pour nous aider à engager des travaux sur les exploitations. Dans ce cadre, quatre cents élevages ont été ciblés », illustre Maxime Arrebolle, directeur du GDS Pyrénées-Atlantiques.
3. Débloquer des dispositifs d’indemnisation incitatifs
L’amélioration de la situation sanitaire est aussi conditionnée par l’acceptabilité des mesures par les éleveurs. « Ceci passe en partie par des indemnisations rapides et cohérentes », souligne Kristel Gache. Dans un communiqué diffusé le 5 avril dernier, le ministère de l’Agriculture a annoncé une revalorisation des forfaits pour les abattages diagnostiques en cas de suspicion d’infection (lire encadré).
4. Maîtriser l’infection de la faune sauvage
Autre axe phare, la surveillance puis l’assainissement des zones dans lesquelles la faune sauvage (sangliers, cervidés, blaireaux) a été détectée porteuse de la maladie. « Le plan de surveillance sylvatub nous permet de mieux cerner la circulation de la maladie dans la faune sauvage mais en ce qui concerne la gestion des populations sauvages infectées, nous nous trouvons encore assez démunis », témoigne Maxime Arrebolle.
À ce titre, une expérimentation vaccinale sur le blaireau a été lancée au printemps, financée à hauteur de 250 000 euros par le ministère. Les premiers tests du protocole de vaccination ont débuté en Nouvelle-Aquitaine, pour une durée de trois ans. À l’issue de cette période, si les résultats sont favorables, l’expérimentation pourra être étendue « à l’ensemble des zones contaminées ».
L’opération consiste à capturer des blaireaux, à les endormir et à réaliser des tests de dépistage sérologique par prise de sang. Si le test est négatif, les animaux sont vaccinés, marqués par une puce et relâchés dans la nature. Dans le cas où les blaireaux sont infectés, ils sont euthanasiés.
« L’objectif est d’évaluer la faisabilité (facilité de déploiement des pièges sur le terrain sur une longue période, taux d’efficacité de capture et donc de vaccination, coûts, efforts humains…) d’un tel protocole pour contrôler l’infection de cette espèce de la faune sauvage », relève Maria-Laura Boschiroli, directrice de recherche à l’Anses et responsable du laboratoire national de référence tuberculose. Les travaux menés chez nos voisins britanniques sont porteurs d’espoir.
« Au regard de leur densité et de leur prévalence, les blaireaux sont actuellement identifiés comme étant des hôtes de liaison de la tuberculose bovine en France. De tels travaux de maîtrise sont importants à engager, de sorte que la faune sauvage ne joue pas le rôle de réservoir, au risque de rendre la maladie très difficile à endiguer », soutient Kristel Gache.
L’indemnisation pour les abattages diagnostiques est revalorisée
« Un arrêté publié le 25 février 2023 a révisé à la hausse les forfaits d’indemnisation des éleveurs dans le cadre des abattages destinés à confirmer ou infirmer une suspicion détectée sur des bovins », fait savoir le ministère de l’Agriculture dans un communiqué publié le 5 avril 2023. Ainsi, le montant passe de 900 à 1 000 euros pour les bovins de moins de 12 mois, de 1 400 à 1 900 euros pour les bovins entre 12 et 24 mois et de 1 900 à 2 500 euros pour les bovins de plus de 24 mois. Les barèmes d’indemnisation des animaux éliminés en abattage diagnostique - qui n’avaient pas été réévalués depuis 2018 - prennent en compte « les augmentations constatées dans les prix d’achat des bovins de renouvellement », précise la DGAL, interrogée dans ce cadre.
Également, pour les bovins inscrits au livre généalogique, le montant de l’indemnité versée au propriétaire est revalorisé en fonction de la catégorie de l’animal : 200 euros pour les bovins âgés de 6 semaines à 24 mois et 300 euros pour les bovins de plus de 24 mois.
À savoir
La surveillance de la tuberculose bovine sur le territoire national est réalisée selon les modalités suivantes :
- Surveillance systématique à l’abattoir par la recherche de lésions évocatrices de la maladie sur les carcasses et les abats des bovins ;
- Dépistage des bovins mis en mouvement à partir des cheptels considérés à risque ;
- Dépistage annuel en élevage des bovins des cheptels à risque et de ceux pâturant dans des zones à risque définies autour des cas identifiés en élevage et dans la faune sauvage.