Sélectionner plus efficacement des Limousines sans cornes
Huit élevages de la Haute-Loire, de la Loire et de la Nièvre se sont regroupés au sein du Groupe sans cornes des Sommets, pour être plus efficaces dans la sélection de reproducteurs génétiquement sans cornes et mieux les promouvoir. Ils tirent les premiers fruits de leur travail.
Huit élevages de la Haute-Loire, de la Loire et de la Nièvre se sont regroupés au sein du Groupe sans cornes des Sommets, pour être plus efficaces dans la sélection de reproducteurs génétiquement sans cornes et mieux les promouvoir. Ils tirent les premiers fruits de leur travail.
On sélectionne plus rapidement et plus efficacement à plusieurs que seul dans son coin ! Cette évidence, cinq élevages de Limousine de Haute-Loire, deux de la Loire et un de la Nièvre l’ont mis en application en se réunissant pour acheter en commun des taureaux génétiquement sans cornes de bon niveau et en unissant également leurs moyens pour promouvoir les animaux sélectionnés dans leurs élevages. « On travaillait jusqu’alors chacun de notre côté pour diffuser ce caractère dans nos troupeaux. On s’est dit que si on regroupait nos moyens, on serait plus efficaces », souligne Nicolas Peyrard, un de ces huit éleveurs. « Nous avons en moyenne un peu moins de 40 ans et la ferme volonté d’aller de l’avant. Ensemble, on totalise quelque 600 vaches », ajoute Cédric Sanial, éleveur bio à côté de Saint-Germain Laprade en Haute-Loire, lui aussi membre de ce groupe. « Sur mon Gaec, la génétique sans cornes a commencé à être utilisée par mon père en 2006. Comme l’essentiel du troupeau est en plein air avec deux tiers de vêlage d’automne, ne pas avoir à reprendre les veaux pour les écorner est un atout pour améliorer les conditions de travail. Initialement, l’introduction de ce gène visait d’abord à répondre à cet objectif », ajoute ce jeune éleveur. Pour ces huit élevages, être en mesure de proposer de jeunes taureaux à même de transmettre cette caractéristique à leur descendance est devenu une motivation supplémentaire pour conforter la part des « sans cornes » dans leurs troupeaux.
Demande accrue
« Il existe une vraie demande pour des taureaux possédant cette aptitude. Elle provient d’abord d’éleveurs ne faisant pas partie de la base de sélection. Ils ont vite analysé l’intérêt d’acheter ce type de taureaux pour s’affranchir de la corvée de l’écornage », souligne Nicolas Peyrard. Ce dernier de préciser que, à côté du caractère sans cornes, les animaux les plus faciles à vendre hors base de sélection gagnent à avoir une morphologie mixte à mixte-viande. Les sélectionneurs rechercheraient des animaux avec un peu plus de format. Cet intérêt croissant découle aussi de l’évolution du contexte de l’élevage allaitant avec la dimension croissante des cheptels et du ratio UGB/UTH, sans occulter non plus en Limousine une part importante de vêlages de fin d’été ou d’automne quand les animaux sont encore à l’herbe. Le nombre d’éleveurs qui s’interrogent sur le volet bien-être animal en cherchant à anticiper de possibles évolutions de la législation sur l’écornage des veaux ne serait pas non plus négligeable. Ne pas avoir à réaliser cette intervention résout bien entendu ce problème.
Homozygotes ou hétérozygotes
« Oui c’est vrai, il y a une demande, mais il faut proposer des animaux dont la morphologie et les aptitudes sont quasi équivalentes à de bons cornus. La seule absence de corne n’est plus un argument de vente suffisant », relativise Cédric Sanial. Le Graal serait bien entendu de pouvoir proposer essentiellement des homozygotes pour ce caractère dans la mesure où ils permettent d’aller plus vite pour introduire le gène sans cornes dans un cheptel. Mais rares sont encore les homozygotes possédant également une belle morphologie et un niveau d’indexation de haut niveau.
Pour autant, utiliser un hétérozygote n’est pas dénué d’intérêt, même si on avance moins vite. Un homozygote est en effet forcément issu de deux lignées sans cornes différentes, ce qui dans un sens constitue un handicap en termes de variabilité génétique. Pour éviter le risque de consanguinité, cela restreint les possibilités d’accouplement dans la mesure où le nombre de lignées de Limousines sans cornes demeure encore assez limité.
Huit taureaux achetés en commun
À ce jour, le groupe Sans cornes des Sommets a acheté huit taureaux en commun. La règle est simple : chacun est propriétaire d’1/8° du taureau et chaque animal est prélevé en ferme juste après son achat pour mettre à disposition suffisamment de doses utilisables uniquement en monte privée chez chaque copropriétaire. Les achats sont mûrement réfléchis en amont de façon collégiale. Homozygote ou hétérozygote, choix de telle ou telle lignée, niveau d’indexation, morphologie… chaque donnée est pesée et analysée. « On est ouvert à toutes les possibilités (vente aux enchères ou en ferme, animal jeune ou au contraire confirmé sur descendance et déjà indexé…) dès l’instant que l’animal nous intéresse et est en phase avec notre budget. »
Le premier taureau a été acheté en août 2014 lors d’une vente organisée par KBS Génétic. « Ifi était un homozygote. C’est lui qui nous a véritablement permis de démarrer. » Tant qu’il demeure propriété du groupe, chaque taureau est stationné dans l’un ou l’autre des huit élevages. Le « gardien » prend à sa charge son entretien avec en contrepartie la possibilité de l’utiliser en monte naturelle. « On s’arrange entre nous pour savoir qui conserve tel ou tel taureau. Pour l’instant, aucun n’est disponible en monte publique, même si la question peut se poser un jour », précise Cédric Sanial. Dans la mesure où un stock de paillettes demeure disponible, pas question de conserver les taureaux trop longtemps tant qu’ils ont une valeur marchande intéressante. « L’an dernier nous en avons revendu un à la vente nationale grand cru organisée par Interlim à Périgueux », souligne Nicolas Peyrard.
Promotion collective
La force d’un groupe est aussi de pouvoir unir des moyens pour mettre en avant son travail. Depuis quatre ans, les huit éleveurs organisent chaque année en fin d’été une journée autour de la Limousine sans cornes. Depuis sa première édition, elle a lieu chez Franck André à La Chapelle d’Aurec, une localité située aux confins de la Loire et de la Haute-Loire à proximité de la RN 88, l’axe reliant Saint-Étienne au Puy-en-Velay. « Franck fait bien entendu partie de notre groupe. Il dispose d’une belle stabulation qui facilite l’organisation de ce type de rencontre et sa ferme est très facile à trouver. » En 2019, cette journée a permis de présenter une quarantaine d’animaux, bien entendu tous génétiquement sans cornes. « Lors des trois premières éditions, il y avait uniquement des animaux provenant d’élevages faisant partie de notre groupe. L’an dernier nous avons élargi le cercle à d’autres exploitations à condition qu’elles présentent elles aussi des animaux de bon niveau, correctement préparés et dressés, en règle sur le plan sanitaire et bien évidemment sans cornes ! » La matinée est consacrée à un concours au cours duquel officie un juge agréé par le herd-book limousin. La journée s’achève par une vente de reproducteurs. « L’an dernier nous proposions 20 animaux (17 jeunes taureaux et 3 génisses). Ils ont été correctement vendus en France, Belgique, Suisse et Allemagne." Cette année, cette journée a été programmée le 5 septembre prochain.
100 % de veaux sans cornes avec un taureau homozygote
Vache ou taureau, un bovin homozygote pour le caractère sans cornes permet d’obtenir une descendance qui sera elle aussi composée d’animaux tous dépourvus de cornes.
Les animaux hétérozygotes pour ce caractère seront eux aussi dépourvus de cornes comme dans le cas d’un homozygote, mais s’ils sont accouplés avec des animaux cornus, leur descendance aura seulement une chance sur deux de ne pas avoir de cornes.
Le côté formateur des voyages en Allemagne
La mise en place du groupe a favorisé des liens avec la société Novaselek, une entreprise allemande créée en 2006 par Grégory Pénière, ancien inspecteur du herd-book limousin.
Spécialisée dans la Limousine, cette entreprise se définit comme « une synthèse des techniciens du herd-book, du contrôle de performance, des centres d’insémination et des commerciaux ». À côté d’un volet technique, elle commercialise de la semence de taureaux limousins en Allemagne et ailleurs, avec forcément une belle collection de paillettes de taureaux génétiquement sans cornes dans ses cuves. « Je suis allé à trois reprises en Allemagne avec Grégory Pénière pour voir comment évoluait la Limousine dans ce pays, explique Nicolas Peyrard. Nous avons visité plusieurs élevages. C’est très formateur. Beaucoup d’éleveurs allemands sont à la recherche d’animaux d’abord faciles à conduire, dont le format et la morphologie sont souvent assez éloignés de ce que l’on voit dans les concours français ! Dans bien des élevages que j’ai visités, la priorité était donnée à des Limousines autonomes, rustiques, qui vêlent sans difficultés, bonnes mères et bien entendu génétiquement sans cornes. Ils ne veulent pas se compliquer la vie. » Il y a beaucoup d’Angus en Allemagne. Bien des éleveurs rechercheraient avec leurs Limousines une partie des aptitudes qui font justement partie des points forts de l’Angus (qualité d’élevage, capacité d’ingestion et aptitude à se contenter d’une alimentation basée sur les seuls fourrages grossiers, aplombs solides pour être en mesure d’aller pâturer des parcelles au relief accidenté, omniprésence du gène sans cornes…)