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S’adapter à un climat qui change

L’année 2018 et les premiers mois de 2019 confirment ce qui nous est annoncé depuis longtemps. Le climat évolue et avec lui, son lot de conséquences sur les systèmes fourragers. Mais il existe des pistes d’adaptation.

© F. D'Aletroche

Les derniers climatosceptiques doivent s’en convaincre. Oui le climat évolue. Oui cette évolution est plus rapide que ce qui était redouté voici seulement quelques années. Oui cela va avoir des répercussions sur l’agriculture et oui il va falloir composer avec ce nouveau contexte dans la mesure où de toute façon il ne pourra pas être inversé. Après, certains préfèrent parler de « dérèglement climatique » plus que de « réchauffement climatique. » Tout est question de vocabulaire. Le plus important pour un éleveur, ce sont les conséquences de ce phénomène et comment il est possible de faire face à ces évolutions, lesquelles vont forcément bouleverser bien des pratiques agricoles.

Adapter les systèmes de production

Ce sujet a commencé à mobiliser chercheurs et techniciens. Dans le Massif central, les équipes du programme AP3C (Adaptation des pratiques culturales au changement climatique) planchent sur le sujet. Ce projet de recherche et développement est en cours depuis 2015. Il a pour objectif l’obtention d’informations localisées permettant une analyse des impacts du changement climatique sur le Massif central en vue d’adapter les systèmes de production et d’en sensibiliser les acteurs. Ce projet porté par le service interdépartemental pour l’animation du Massif central (Sidam), est mené en collaboration avec les chambres d’agriculture des onze départements (1) engagés en partenariat avec l’Institut de l’élevage.

Sur la base des observations et évolutions constatées sur la période 1980-2015 pour les températures, les précipitations et l’évapotranspiration, il a été réalisé une projection du climat sur ce même territoire à l’horizon 2050. Cette projection permet de mieux appréhender les évolutions attendues. À préciser toutefois que ces travaux tablent sur la non-accélération de l’évolution climatique en cours depuis 1980. Or il n’est pas exclu que ce phénomène s’accélère dans la mesure où aucune mesure n’est véritablement prise à l’échelon international pour enrayer les causes supposées de ce réchauffement.

 

 

Davantage de journées très chaudes

Côté températures, les projections se traduisent par une hausse généralisée. Cette progression serait surtout sensible au printemps. « Il faut s’attendre à une forte évolution du nombre de jours chauds au cours desquels la température moyenne est supérieure à 25 °C avec des pics de chaleur à la fois plus fréquents et plus précoces. Ainsi, un mois typique de juin 2040 ressemblera à un mois typique de juillet 2005. On assistera sans doute à une augmentation de la variabilité avec un maintien des phénomènes de risque », expliquait Christophe Chabalier, technicien fourrages à la chambre d’agriculture du Cantal à l’occasion de la 10e Journée de l’herbe organisée à l’automne dernier par l’Inra et les chambres d’agriculture du Cantal et du Puy-de-Dôme. « Les températures moyennes vont donc continuer à progresser à l’horizon 2050 (+ 2 °C) sans que soit écarté le risque de gel tardif de printemps et précoce d’automne dans les zones d’altitude », ajoutait Marie Tissot, en charge pour le Sidam de la coordination du programme AP3C.

« Cette hausse des températures au printemps va jouer sur la précocité de la pousse de l’herbe. Si la portance des sols le permet, la mise à l’herbe devra être plus précoce et le rythme de rotation du pâturage plus rapide pour éviter de consommer de l’herbe épiée. La durée du pâturage devrait pouvoir s’allonger à l’automne », expliquait Christophe Chabalier. Le principal risque pour les céréales à paille concernerait l’échaudage, compte tenu du nombre accru de journées pouvant être très chaudes en fin de printemps. Le choix de variétés précoces dont le cycle est plus court serait une possibilité pour chercher à pallier ce phénomène. Des évolutions sont aussi à prévoir pour les céréales. « Le risque principal sera l’échaudage au moment du remplissage du grain. » Tout ne serait pas forcément négatif dans ces évolutions du climat. Le réchauffement associé à la hausse de la teneur en gaz carbonique dans l’atmosphère pourrait se traduire si l’approvisionnement en eau n’est pas trop restrictif dans la durée par un meilleur développement des plantes et un allongement de la saison de végétation. Les plantes démarreraient plus tôt en fin d’hiver et prolongeraient leur période de végétation plus tard en fin d’automne. Cette évolution du climat favoriserait également la culture d’espèces (maïs, sorgho, soja…) dans des zones où il était jusqu’à présent impossible de les cultiver faute de températures adaptées.

Précipitations plus irrégulières

Côté précipitations, il n’est pas attendu de réelle baisse du cumul pluviométrique annuel, mais une évolution de sa répartition dans le temps. « Nous devrions connaître une concentration des précipitations avec des épisodes plus intenses plus tôt en saison et des périodes de sécheresse plus longues entre les passages pluvieux », expliquait Christophe Chabalier. Le terme de « méditerranéisation du climat » est régulièrement évoqué pour décrire ce phénomène, lequel se développerait surtout dans la moitié Sud de la France. Ce descriptif demande à être nuancé. Il s’agirait davantage d’une évolution vers un climat de type méditerranéen. Ces influences seraient davantage présentes en remontant du Sud vers le Nord mais seraient impactées par l’éloignement de la mer et le relief. L’impact des « phénomènes cévenols » est annoncé accru dans leur intensité avec un possible élargissement des zones pouvant être concernées par ces phénomènes. Les climatologues s’attendent aussi à avoir davantage de contrastes d’une année sur l’autre. La hausse des températures et de la fréquence du nombre de jours très chauds se traduira par une hausse de la demande en eau de la végétation (ETP) avec un probable effet sur les nappes phréatiques et le débit des rivières, tout particulièrement à la belle saison.

Second « hiver » en été

Réchauffement et sécheresses plus intenses risquent de se traduire par un quasi-arrêt de la pousse estivale. En termes de gestion des stocks de fourrage, l’été pourra presque s’assimiler à un second "hiver » avec la nécessité de constituer des stocks en conséquence pour affourager à cette période. On peut également s’attendre à ce que cette plus grande fréquence des aléas ait un impact sur l’économie et le marché des différentes matières premières (paille, foin, céréales…) dont les tarifs deviendraient plus contrastés d’une année sur l’autre. Ce nouveau contexte suscite forcément toute une série de questions pour connaître ses possibles répercussions sur les systèmes bovins allaitants : évolution des dates de vêlage, des bâtiments utilisés, de l’importance et de la nature des stocks fourragers… Autant d’évolutions pour lesquelles il faut se préoccuper pour s’adapter plutôt que de subir.

(1) Allier, Aveyron, Cantal, Corrèze, Creuse, Loire, Haute-Loire, Lot, Lozère, Puy-de-Dôme, Haute-Vienne.

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