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Sabot d’or 2023 : La sélection des salers se conjugue à l’élevage de chevaux de course

En Normandie, Pierre Julienne a remporté le Sabot d’or 2023. Son troupeau salers est un atelier complémentaire à son élevage de chevaux de course. Il conjugue une sélection maintenant orientée sur les qualités maternelles et le lait avec l’optimisation de la valorisation des cent hectares de prairies naturelles.

Pierre Julienne a été l’un des premiers éleveurs de Normandie à choisir la race salers. C’est en 1983 que l’éleveur, installé à La Genevraie dans l’Orne, s’est lancé en complément de son activité d’étalonnier. Les premières vaches ont été achetées en lot à un négociant. Elles étaient vouées à optimiser la valorisation des prairies naturelles en broutant les refus des juments.

En 2012, Pierre Julienne a restructuré son activité autour de l’élevage de trente poulinières (dont deux tiers sont de race trotteur et un tiers pur-sang), et a orienté le troupeau salers vers la sélection. « J’ai vendu une partie des vaches, et j’en ai acheté quelques-unes de bon niveau génétique dans le Cantal. Deux d’entre elles ont fait souche par transfert d’embryon », présente l’éleveur. Le troupeau comptait alors une quarantaine de vêlages, et a rapidement atteint un très bon niveau génétique. Pierre Julienne s’est à ce moment-là engagé dans le contrôle de performances en VA4. Il vend entre deux et trois reproducteurs selon les années. « Quelques-uns sont passés par la station d’évaluation raciale avec de forts bons résultats. Je n’ai pas le temps pour présenter des vaches en concours, même si cela me plairait. »

Un IVMAT moyen des vaches autour de 107

Le dernier bulletin génétique du troupeau fait état d’un IVMat moyen des mères autour de 107, soit 7 à 10 points au-dessus de la moyenne de la race. L’Isevr moyen des taureaux affiche 106. L’effet élevage est de + 32 kilos.

« Il y a une douzaine d’années, on a commencé par axer la sélection sur le développement squelettique. Puis on a accroché de la viande sur le squelette. Depuis cinq ou six ans, je suis extrêmement attaché aux qualités maternelles et à la production laitière, et je veille à ne pas ajouter de taille ni de viande », relate Pierre Julienne. L’éleveur fait aussi attention à n’utiliser que des taureaux dont la descendance est calme.

Il s’entoure du technicien du herd-book et de sa conseillère bovins croissance pour faire un plan d’accouplement avec corrections individuelles pour chaque vache. « Ce n’est pas mon style d’être attaché à une lignée. J’essaie surtout d’éviter le manque de variété. Et je renouvelle très facilement », fait remarquer l’éleveur. Seulement trois vaches ont sept ans ou plus actuellement dans le troupeau. L’éleveur utilise avec parcimonie sur quelques vaches des taureaux d’insémination artificielle (IA) génétiquement sans cornes.

Un système qui se veut simple et économe

Pierre Julienne a traversé il y a quatre ans une période tendue pour la disponibilité en main-d’œuvre, à l’issue de laquelle le nombre de vaches est descendu à vingt-cinq. Il se place toujours dans l’adaptation du système d’élevage à son environnement et à l’épanouissement de ses salariés. « J’aime beaucoup mes vaches, mais mon objectif de production, ce sont les chevaux, et ils demandent beaucoup de suivi et d’attention. Pour les bovins, je compte bien remonter à quarante vêlages. Je pars du principe qu’un système salers doit rester très simple. »

Un objectif qui se concilie avec celui de la sélection. La reproduction est à 100 % en IA, et s’organise sans contrainte avec une synchronisation des chaleurs sur les génisses, et des colliers de détections des chaleurs sur les vaches. Les vêlages se déroulent de septembre à décembre dans un pré à proximité du bâtiment. « On passe les voir matin, midi et soir pendant cette période. On pourrait faire mieux cependant avec davantage de surveillance. » Toutes les vaches restent au pré avec leur veau nouveau-né pendant trois semaines, même les dernières à vêler, pour limiter les risques sanitaires.

La stabulation de 77 places loge tout le troupeau. Elle communique avec un parc de contention extérieur où une personne seule peut réaliser tout type d’intervention, dont les pesées. Les différentes catégories d’animaux passent sur la bascule à l’occasion, sans qu’un suivi strict des poids ne soit planifié.

Le système est également très économe. La ration hivernale des vaches est du foin et de l’enrubannage de prairies naturelles et luzerne. Seuls les petits veaux, mâles et femelles, consomment un peu de concentré en bâtiment pendant leur premier hiver (800 kilos au total par an). Les vaches en reçoivent une poignée au cornadis quand elles sont bloquées « pour entretenir l’amitié ». Pierre Julienne ne distribue jamais de concentré au pré, et c’est extrêmement rare qu’il y soit apporté du foin. « Par contre, je suis large sur les minéraux. Des seaux à lécher sont proposés toute l’année et des pierres à sel sont toujours à disposition. » Les prairies présentent un très bon potentiel et la gestion du pâturage en simultané avec les juments est très pointue. Pierre Julienne vend les broutards en juin ou juillet et élève toutes les génisses jusqu’à leur vêlage. Le premier vêlage intervient à 34 mois. « On pourrait probablement faire du vêlage à 2 ans mais ça ne tente pas mes collaborateurs. »

Les vaches restent en état toute l’année, et arrivent en fin de lactation au printemps. « Elles s’engraissent très vite au pâturage sans complément après le sevrage du veau. Les poids de carcasse ont été de 421 kg C par exemple en 2022 avec une conformation R =, et je les valorise très bien en boucherie. »

Chiffres clé

130 ha dont 100 ha de prairies naturelles et 30 ha de cultures (blé, maïs, luzerne)
30 poulinières dont 2/3 Trotteur français et 1/3 pur-sang et leur suite
30 salers avec vente de broutards, de vaches de réforme et de reproducteurs
3 unités de main-d’œuvre dont deux salariées

Marie Roulleaux d’Elvup et Clémence Girard (apprentie conseillère)

« Qualités maternelles et docilité sont les principaux critères de sélection »

conseillère Elvup Orne bovins croissance

« L’exploitation de Monsieur Julienne se situe dans la zone du Pays du Merlerault autrement dénommée le « triangle d’or » de l’élevage équin dans le département de l’Orne. La richesse du sol offre des herbages de qualité et cela se ressent sur les performances des animaux. En effet, les vaches de réforme pesaient en moyenne 409 kg de carcasse (kgC) sur les cinq dernières années, soit 28 kgC de plus que la moyenne nationale, avec une année record à 440 kgC en 2019 (pour 14 vaches). Les veaux ont également des PAT 210 jours bien supérieurs à la moyenne nationale : 37 kg de plus pour les mâles et 43 kg de plus pour les femelles.

Les bovins sont souvent manipulés que ça soit pour la pesée ou pour les changements réguliers de parcelles, ils sont très dociles. Les vaches et les génisses sont inséminées avec un IVV moyen de 368 jours, soit 9 jours de moins que la moyenne raciale. Pour le choix des taureaux, les critères de sélection sont principalement axés sur les qualités maternelles et la docilité.

Le cheptel est suivi en VA4 depuis 2012, et depuis 2016, j’ai la chance d’accompagner Pierre Julienne et ses collaborateurs, Patrick et Céline notamment, et de voir le cheptel évoluer. Leurs efforts ont payé puisque le niveau génétique du troupeau ainsi que les performances des veaux leur ont permis d’obtenir le sabot d’Or de la race salers en octobre 2023. »

« Les poulinières et les salers pâturent ensemble »

Pierre Julienne a aménagé ses pâtures de façon à pouvoir piloter au jour le jour le pâturage simultané des poulinières avec les salers.

pâturage vaches et chevaux Normandie
L'objectif de Pierre Julienne est que l’herbe soit toujours jeune et d’une hauteur de 3 à 4 centimètres, et donc très appétente.

« J’ai deux grandes parcelles de onze hectares, dont l’une est juste à côté des boxes des juments. Chacune est attenante à cinq ou six autres parcelles de deux à quatre hectares », présente Pierre Julienne. Cela permet à l’éleveur de charger ou décharger selon la pousse de l’herbe ces deux grandes parcelles au jour le jour. Par exemple, le lot de génisses de deux ans peut être ajouté ou bien sorti dans une des petites parcelles. Ou bien il peut jouer sur l’effectif d’une partie des juments. « Mon objectif est que l’herbe soit toujours jeune et d’une hauteur de trois à quatre centimètres, et donc très appétente », explique Pierre Julienne. « Les vaches doivent attendre l’herbe, comme disait un éleveur de Mayenne qui m’a beaucoup appris. »

Toutes les clôtures sont fixes et en bois avec deux lisses adaptées pour les chevaux. Des chemins desservent toutes les parcelles de ces deux blocs. « J’ai investi dans les clôtures plutôt que dans la main-d’œuvre. Une personne seule peut changer les lots. »

Pas de complémentation pour les chevaux au pré

L’entente entre les deux espèces n’a jamais été une question. Les vaches sont écornées. Elles sont mises à l’herbe en premier, par lots de quinze, en général en avril. Les juments les rejoignent l’une après l’autre. Les vaches suitées de mâles sont allotées avec les juments non suitées, tandis que les vaches suitées de femelles le sont avec les juments suitées. La composition des lots évolue avec l’avancée des poulinages qui s’étalent de janvier à juin et avec la vente des broutards en juin ou juillet. Il arrive aussi à Pierre Julienne d’associer au pré un lot de yearlings (poulains âgés de 1 à 2 ans) avec des vaches, ou un lot de génisses avec des juments. « Du 1er mai au 15 septembre, les juments et leurs poulains sont nourris uniquement par le pâturage. On ne leur distribue pas de concentrés. » Les pâtures sont rarement fauchées et reçoivent dix tonnes par hectare de compost tous les deux ans.

L’éleveur a aussi de l’expérience dans le pâturage successif des chevaux et bovins. « Quand j’étais étalonnier et accueillais en pension beaucoup de juments durant la saison de monte, je faisais des lots à raison de trois à quatre juments par hectare, avec un changement de parcelle tous les huit à quinze jours. Les vaches pâturaient après les juments. Ensuite, je passais une herse et apportais quarante unités d’azote », se rappelle Pierre Julienne. « La qualité de l’herbe était très bonne et régulière, et les surfaces très productives. »

S. B.

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