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Refroidir les jeunes bovins en période de canicule

Les évolutions du climat annoncent des épisodes caniculaires à la fois plus fréquents et plus durables. Cela aura un impact dans les bâtiments d’engraissement où les performances des animaux diminuent dès que la température franchit trop souvent le seuil des 25 °C.

Entre la fin du printemps et le début de l’automne, la probabilité d’être confronté à des épisodes caniculaire à la fois plus fréquents et plus durables va aller croissant au vu des évolutions du climat. Cela aura un impact sur la production fourragère, mais  aussi sur les conditions de vie des bovins qui demeurent en bâtiment tout au long de la belle saison. « Pour les animaux issus du cheptel allaitant, ces épisodes de canicule vont probablement devenir une des problématiques techniques majeures dans les ateliers d’engraissement. Il va falloir arriver à composer avec ces événements pour maintenir au mieux les performances », expliquait Giulio Cozzi, professeur à l’Université de Padoue, en Italie, à l’occasion d’un séminaire sur l’élevage des ruminants, organisé par la société Lallemand Nutrition animale. « Chez nous, en Italie, ce sera tout particulièrement vrai dans la plaine du Pô, où le climat était déjà particulièrement chaud et humide en été, avec des stabulations souvent au moins partiellement fermées et qui laissent une large part au béton dans la construction. » 

Une zone de confort entre 5 °C et 25 °C

Dans la mesure où les fermentations à l’intérieur du rumen produisent de la chaleur, les bovins sont mieux armés pour lutter contre le froid. Leur zone de confort thermique – pour laquelle ils ne dépensent pas d’énergie pour maintenir leur température corporelle – est idéalement comprise entre 5 °C et 25 °C. Lorsque la température extérieure augmente, ils doivent évacuer l’excédent de chaleur dégagé par leur corps par différents mécanismes, dont la respiration et la transpiration. Cela contribue à une augmentation significative des besoins d’entretien et a donc forcément un impact sur leurs performances.

En plus de la chaleur, une ambiance humide à l’intérieur des bâtiments accentue cette impression de chaleur. Ce phénomène s’apprécie à travers l’ITH (indice de température et d’humidité). Quand l’hygrométrie de l’air augmente, l’eau s’évapore plus difficilement. Le fait de transpirer aura une action moins efficace pour refroidir l’organisme. À température équivalente, les animaux (mais aussi leurs propriétaires !) auront davantage de difficultés à supporter l’ambiance d’un bâtiment où l’hygrométrie est élevée (voir graphique). Le gras de couverture fait également office d’écran thermique. Il ralentit la dissipation de l’excès de chaleur. Les animaux prêts à abattre souffrent davantage, du fait de leur plus faible surface corporelle permettant de moindres échanges thermiques en proportion de leur masse.

De l'eau à volonté 

« Si la température monte, il faut d’abord veiller à ce que les animaux puissent boire suffisamment, et surtout dès qu’ils le souhaitent », rappelle Giulio Cozzi. Au sein d’un même lot, tous les taurillons doivent avoir un accès aisé aux abreuvoirs, où ils pourront trouver une eau propre avec un débit d’au moins 10 à 15 litres par minute. Les abreuvoirs doivent donc être en nombre suffisant : au moins un abreuvoir pour dix têtes, dans la mesure où les animaux vont aussi chercher à y accéder plus souvent. « Pour des taurillons en fin d’engraissement, selon la nature de la ration ingérée, la consommation d’eau passe de 45 litres par animal à une température de 20 ° C, à 55 litres à 27° C et peut monter jusqu’à 78 litres à 32° C », explique Giulio Cozzi. 

Pour diminuer leur température corporelle, ils vont accélérer le rythme de leur respiration et, si besoin, vont se mettre à haleter. Quand la température extérieure monte, les animaux tendent également à rester debout plus longtemps. Ne plus être allongé au contact de la litière leur permet de mieux évacuer la chaleur. Mais rester debout les fatigue et ne leur permet pas de ruminer dans de bonnes conditions. Ils tendent donc à moins bien valoriser leur ration. Avec des températures caniculaires, il faut également s’attendre à davantage d’interactions : les animaux restent debout et se déplacent plus souvent pour aller boire. Cela peut se traduire par davantage de comportements agressifs. « Pour que les animaux puissent dissiper davantage de chaleur en période de canicule, il faut chercher à accroître leur espace vital en mettant moins d’animaux dans une même case. C’est vraiment un plus d’avoir des bâtiments moins chargés en été », souligne Giulio Cozzi.

Un bon renouvellement de l'air

Une ventilation efficace est essentielle pour permettre un renouvellement de l'air suffisant. Mettre en place des systèmes de ventilation mécanique limite la sensation d’oppression par la chaleur et l’hygrométrie, sans pour autant réduire la température ambiante. La vitesse de l’air peut être supérieure en été (4 à 5 m/s pour 0,5 m/s en hiver).

Les systèmes de ventilation verticaux sont souvent bruyants. Ils peuvent être efficacement remplacés par des brasseurs d’air horizontaux, véritables pales d’hélicoptère qui assurent un brassage optimal et permanent de l’air ambiant. Ils tendent à abaisser le niveau d’hygrométrie avec une chute de plusieurs degrés pour la température ressentie. Leur mise en route gagne à s’effectuer dès que la température atteint 22 °C. Le fait de brumiser de l’eau au-dessus des cases est une autre possibilité fréquemment observée dans les stabulations pour laitières. Mais elle augmente également l’hygrométrie de l’air avec un impact sur la qualité de la litière et la propreté des animaux.

Avis d'expert

Giulio Cozzi, professeur à l’Université de Padoue en Italie

" Attention aux arrivées de fin d’été "

« L’arrivée des broutards en atelier se traduit par une succession de stress (sevrage, transport, allotement…). Pour les animaux nés en France puis engraissés en Italie, ils sont confrontés à des conditions de logement, d’alimentation mais aussi de climat très différentes. En quelques semaines, ils vont avoir trois rations différentes. Celle qu’ils avaient en France, puis une fois en Italie la ration de transition, puis celle d’engraissement. Les semaines qui suivent la réception des broutards sont cruciales. C’est à ce moment-là que l’on déplore l’essentiel des mortalités. Il faut redoubler d’attention en fin d’été et début d’automne, périodes souvent très chaudes. Cela complique l’adaptation d’animaux qui, chez le naisseur français, étaient encore le plus souvent à l’herbe avec leur mère. » 

Conduction, convection et évaporation

Conduction : la chaleur se transmet par contact avec un objet stationnaire, par exemple un caillebotis frais. L’efficacité de ce phénomène dépend de la différence de température entre l’animal et la surface sur laquelle il se couche, et donc de la conductivité thermique de celle-ci. Par temps chaud, les surfaces situées dans l’environnement du bovin sont généralement chaudes, et tout particulièrement la litière, atténuant de ce fait fortement l’efficacité de ce mécanisme.
Convection : la chaleur est dissipée entre le corps et l’air ambiant. L’augmentation de la circulation sanguine vers la peau aux dépens des organes internes aide à transmettre la chaleur vers la surface du corps, où elle peut être dissipée. L’air réchauffé au contact de la peau tend à s’éloigner de l’animal, emportant avec lui un peu de chaleur. L’efficacité de ce mécanisme est nettement améliorée si un système de ventilation efficace permet de brasser l’air et de le renouveler.
Évaporation : l’eau absorbe de la chaleur en s’évaporant. L’évaporation de la sueur va jouer un rôle primordial dans l’équilibre thermique. En passant de l’état liquide à l’état gazeux, un gramme d’eau absorbe 582 calories et évacue donc autant de chaleur. Les bovins ont cependant moitié moins de glandes sudoripares au centimètre carré que les humains. Cette moins forte capacité de sudation fait que cette aptitude à refroidir leur corps en suant est aussi moins efficace.

Agir sur l'alimentation

Quand il fait très chaud sous une stabulation, le comportement d’ingestion est modifié. Les animaux ont moins d’appétit et réduisent les volumes ingérés. Cette moindre ingestion se traduit par une diminution de la quantité de nutriments et d’énergie disponible. Pour favoriser le maintien des croissances en période de canicule, il est donc opportun de compenser au moins pour partie ce phénomène par une augmentation de la densité nutritionnelle de la ration. « Avec des animaux qui transpirent davantage, la production de salive tend à baisser. Elle est aussi moins concentrée en substance tampon, avec des conséquences sur le pH ruminal. Celui-ci tend à baisser et accroît le risque d’apparition d’acidose ou de subacidose ruminale, avec souvent des lésions sur les onglons et des boiteries », estime Giulio Cozzi, qui conseille d’augmenter la concentration en minéraux et en particulier en sodium, potassium et magnésium pour stimuler la sensation de soif. Une autre modification de comportement classiquement observée en période de canicule concerne le décalage des prises alimentaires. « Les animaux mangent moins en journée et décalent leurs prises alimentaires quand le thermomètre baisse. On a intérêt à les nourrir deux fois par jour (tôt le matin et tard le soir) et non une seule fois. » Quand la température excède les 25 °C , les bovins « ventilent » aussi davantage pour accélérer le rythme d’échange entre l’air chaud et humide des poumons et l’air ambiant, plus frais.

Baisse du GMQ

Autant d'adaptations comportementales qui augmentent les besoins d’entretien et diminuent la part de l’alimentation consacrée à la prise de poids. « À 27 °C, les niveaux d’ingestion baissent en moyenne de 4 % et cela se traduit par une baisse d’environ 100 g sur le GMQ de taurillons à l’engraissement. À 30 °C, le niveau d’ingestion recule d’environ 10 % avec en moyenne 300 g de GMQ en moins. Et à 35 °C, la baisse du niveau d’ingestion avoisine 30 % avec environ 800 g de GMQ en moins », explique Bruno Martin, responsable technique bovins viande de la société Lallemand Nutrition animale. Ces chiffres seraient susceptibles de varier d’un individu à l’autre, laissant penser que deux bovins d’une même case n’ont pas forcément la même aptitude à composer avec des conditions de températures difficiles.

Pour mieux connaître les fluctuations du niveau de la température et du pH ruminal au fil du temps, il existe des bolus (bolus SmaXtec) qui, une fois positionnés dans le rumen (et plus exactement dans le réseau), mesurent la température et le pH tous les dix minutes. Ils transmettent ensuite ces données par ondes radio à un récepteur puis, via une clé USB ou internet, à un logiciel installé sur un ordinateur. Un logiciel traite ensuite ces données et les présente sous la forme de graphiques. D’après ces mesures, il apparaît que « le pH ruminal diminue en condition de stress thermique. C’est lié notamment aux fortes variations d’ingéré et au moindre pouvoir tampon de la salive (halètement) ». L’apport de levure vivante peut y pallier en favorisant une stabilisation du pH ruminal.

Rédaction Réussir

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