Chez Gilles Dubin, dans les Deux-Sèvres
Priorité à l’herbe et au pâturage
Les femelles sont engraissées à la pâture, les jeunes bovins avec de la luzerne et un mélange céréalier. Une système quasi autonome où la fauche n’est que l’ajustement du pâturage.
Les femelles sont engraissées à la pâture, les jeunes bovins avec de la luzerne et un mélange céréalier. Une système quasi autonome où la fauche n’est que l’ajustement du pâturage.
En ce début juin, les veaux paissent tranquillement avec leurs mères dans une herbe bien fournie en trèfle, en l’absence de tout nourrisseur. Ils sont nés à la fin de l’été dernier et se préparent à être sevrés, à environ 10 mois. Ils ont donc été mis à l’herbe alors qu’ils étaient déjà bien avancés en âge. « Priorité au pâturage et à l’autonomie alimentaire », explique Gilles Dubin, éleveur à Mauléon (Deux-Sèvres) avec un cheptel de 45 à 50 Charolaises. Il a gardé de son ancien système, progressivement modifié depuis dix ans, les vêlages groupés sur deux mois (août et septembre). « C’est une période moins favorable à l’exploitation de l’herbe en arrière-saison, mais je l’ai conservée pour mieux maîtriser la reproduction. Je travaille à 100 % en insémination. Je mets 52 - 53 femelles à la reproduction pour avoir 45 - 47 vêlages. Je démarre les inséminations au 1er novembre et je les arrête au 31 décembre, voire au 8 janvier. Après cette date, les retardataires vont à la réforme. Ainsi, je peux connaître l’état de gestation des vaches avant la fin de l’hiver. Je fais des échographies début janvier et mi-février. Cela me permet de connaître aussi celles qui portent des jumeaux pour mieux les surveiller, car j’ai un taux assez élevé. Mon objectif est d’avoir un veau sevré par vêlage », détaille-t-il. Pour faciliter la surveillance des chaleurs, l’éleveur bloque les veaux dans leurs parcs, la nuit comme en journée. Ils sont libérés juste pour la tétée.
« Je déplace les animaux sans bétaillère »
En revanche, après l’arrêt en 2006 du maïs, dont les rendements étaient trop dépendants des aléas climatiques, toute la conduite fourragère a été reconstruite autour de l’herbe et du pâturage. Les fourrages stockés consommés par les animaux se limitent à deux tonnes de matière sèche par UGB. Depuis cinq ans, les vaches de réforme et les génisses sont engraissées à la pâture et les taurillons avec de l’enrubannage de luzerne et un mélange de céréale et pois. L’éleveur achète très peu d’aliment. Le parcellaire se prête parfaitement au pâturage. « L’exploitation est très groupée autour de la stabulation, explique Gilles Dubin. Les parcelles les plus éloignées sont à un kilomètre. Je déplace les animaux sans bétaillère. Et toutes peuvent être fauchées. » Outre des points d’eau naturels (rivière, mare), un réseau de tuyaux alimente tous les paddocks.
Gilles Dubin exploite soixante-quinze hectares au potentiel moyen dans la zone herbagère du nord du département. Il cultive des céréales sur quinze hectares, moitié en triticale pur, moitié en mélange triticale - avoine - pois. Ce dernier assure le tampon : normalement, il est moissonné, mais si la récolte de fourrage n’est pas bonne ou s’il n’y a pas de reports de stocks, une partie est ensilée. Depuis la reprise de quinze hectares en 2012, il cultive également quatre hectares de luzerne pure (variété Cannelle), dont deux coupes (1re et 4e) sont enrubannées. Pour l’implantation des autres prairies temporaires (36 ha), l’éleveur utilise des mélanges multiespèces (10 kg de RGA, 10 kg de fétuque, 6 kg de trèfle blanc, 1,5 kg de luzerne). Vingt hectares enfin sont en prairies permanentes (bords de rivière, pentes).
« Le silo est fermé au 15 mars, qu’il en reste beaucoup ou pas »
La fauche est la variable d’ajustement du pâturage. « Au départ, toutes les prairies, soit cinquante-six hectares, sont destinées à la pâture. Puis j’ajuste selon la pousse de l’herbe et je fauche les excédents. Presque toutes les parcelles sont fauchées une fois par an, soit pour un nettoyage, soit pour une vraie coupe. » La mise à l’herbe démarre début mars par les génisses de 18 mois, suivies des vaches de réforme, dont les veaux sont sevrés. Ce qui oblige l’éleveur à conduire à part un petit lot de jeunes bovins. Les vaches suitées et les génisses pleines de renouvellement (12 par an avec vêlage à 3 ans) sortent vers le 25 mars. « Je pars du principe que le silo est fermé au 15 mars, qu’il en reste beaucoup ou pas », précise-t-il.
Au terme d’un premier tour de pâturage, il reste une douzaine d’hectares qui n’ont pas été déprimés, dont dix hectares environ sont ensilés et le reste fauché. La majorité du foin est donc réalisé avec les excédents de pâture. À la mise à l’herbe, l’éleveur doit en plus composer avec des parcelles humides. « Si le printemps est sec, je fais pâturer les parcelles humides, et s’il est pluvieux je privilégie les parcelles saines. Au pire, je rentre les animaux pendant quelques jours. »
« La Charolaise valorise bien l’herbe »
Le troupeau est réparti en quatre lots : deux de vaches suitées (veaux mâles et femelles séparés), un de génisses (jeunes et gestantes), et enfin un lot d’une quinzaine de bêtes à l’engrais (vaches et génisses). Les paddocks sont chargés sur la base de vingt-cinq ares par vache et un are par mois d’âge des veaux, soit environ trente-trois ares par mère suitée. À partir du 1er mai, les deux lots de vaches et veaux disposent de six parcelles et tournent tous les trois à six jours. « À partir de juillet, je préfère avoir de l’herbe sur pied pour ne pas avoir à alimenter les animaux », indique Gilles Dubin. À partir du mois d’août, l’éleveur prend la température des vaches. Quand le vêlage s’annonce, il les rentre en stabulation. Elles ressortent le jour même avec le veau. Le troupeau rentre en stabulation vers le 25 octobre, un peu avant les inséminations.
Les femelles sont engraissées à l’herbe, avec parfois un peu de concentré en fin de saison et, au pire comme par exemple en cas de sécheresse, du fourrage. « Un animal engraissé à l’herbe et sans aliment, même si les performances sont un peu plus irrégulières et s’il faut le garder un mois de plus, coûte moins cher à produire qu’une bête finie avec du maïs et des concentrés. La Charolaise valorise bien l’herbe », observe Gilles Dubin. Vaches et génisses (33 à 40 mois) sortent en moyenne entre 455 et 460 kilos carcasse et sont notées 3 en état d’engraissement.
Les génisses passent un mois et demi en stabulation
Les veaux sont complémentés en hiver (1,5 kg par jour au maximum) mais n’ont plus rien en pâture. Mâles et femelles sont sevrés mi-juin. Les femelles retournent à la pâture dix jours après le sevrage, jusqu’en janvier. En hiver (1er et 2e), elles reviennent en stabulation pendant un mois et demi seulement. Tout au long de leur cycle, elles n’ont jamais la moindre complémentation, sauf en cas de pénurie d’herbe. L’éleveur reconnaît que ces dernières années ont été favorables à cette conduite économe en aliment.
Maîtrise des charges et simplification du travail sont au cœur de ses préoccupations. La fertilisation minérale se limite à une tonne d’urée pour les céréales. En revanche, trente tonnes d’amendement calcaire (carbonate de calcium) sont épandus tous les ans. Les traitements phytosanitaires sont limités au strict minimum, seulement sur le triticale pur. Ce qui lui a permis de contractualiser une MAEC système. L’éleveur ne fait pas non plus de déparasitage systématique des animaux. « La gestion du pâturage doit aider à la maîtrise du parasitisme. » Seules les charges de mécanisation ont un peu tendance à s’envoler. La quasi-totalité des travaux sont réalisés en Cuma, souvent en service complet. Gilles Dubin travaille seul, avec un peu d’aide de son père. Une exploitation qui serait facile à convertir en bio ? Il y pense. « Le problème, c’est la valorisation des mâles », dit-il.
Des mâles engraissés en totale autonomie alimentaire
Les veaux mâles (380 - 400 kg) rentrent en stabulation et sont démarrés avec du foin. Puis ils ont de l’enrubannage de luzerne à volonté (3 kg en moyenne) et un mélange céréalier (2 kg au début et 9 kg à la fin). Comme pour l’engraissement des vaches, Gilles Dubin ne recherche pas la performance maximale mais à produire le moins cher possible. Il constitue son stock d’aliment (65 tonnes) à la récolte en mélangeant le stock de triticale - avoine - pois avec du triticale pur. Le surplus de triticale est vendu. Tout est broyé et stocké en silo couloir. D’une année à l’autre, la teneur en protéines est assez variable. L’éleveur n’achète pas de tourteau pour rééquilibrer l’aliment. « À la récolte, je fais évaluer la valeur azotée par le groupement. L’idéal serait d’être à 30 - 35 % de protéines. Mais je n’y suis pas toujours. » Au final, après un passage à l’herbe de trois mois, les vingt-deux taurillons ont fait l’an dernier une croissance de 850 à 900 grammes de carcasse par jour. Finis en autonomie complète, ils ont été abattus de mi-décembre à fin janvier à une moyenne de 433 kg de carcasse.
« Faire vêler une partie des génisses à 2 ans »
« L’évolution du système de Gilles Dubin s’est faite progressivement. Certains aléas (sécheresse…) ont pénalisé l’entreprise. Elle a trouvé, avec l’augmentation de surface et la mise en place de luzerne, une certaine stabilité. La mécanisation, essentiellement réalisée sous forme collective apporte une bonne productivité du travail de saison, mais reste à surveiller au niveau du coût. En termes d’évolution, l’éleveur aurait la possibilité de faire vêler une partie des génisses à 2 ans. Le potentiel génétique et la conduite le permettent. Cette pratique améliorerait la productivité du travail et du troupeau. Elle pourrait être combinée à une conversion à l’agriculture biologique, malgré un contrat MAE apportant déjà une aide significative à l’exploitation. »
Pascal Bisson, conseiller viande bovine, chambre d’agriculture des Deux-Sèvres