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Pâturage tournant dynamique : « Mes salers pâturent toute l’année en rotation de 12 à 24 heures »

Au Gaec La Saint Frère, en Vendée, Gaël Murzeau s’appuie sur le techno-pâturage initié par son père il y a une dizaine d’années, pour faire pâturer une bonne partie de son troupeau sans interruption.

Au Gaec de La Saint Frère, à Chanverrie, en Vendée, l’instauration du techno-pâturage s’est inscrit dans la durée. Cette transformation du système a été engagée il y a dix ans avec le cabinet de conseil Paturesens, pour parvenir à une gestion fine du pâturage valorisant au maximum l’herbe pâturée au bon stade, tout en minimisant les stocks fourragers.

Des évolutions progressives ont également été apportées dans la conduite d’élevage, jusqu’à la mise en œuvre de l’hivernage en plein air. Cent mères et leur suite sur un troupeau de 140 mères salers passent désormais l’hiver dehors avec de l’herbe pâturée et du foin, sans pénaliser les croissances et sans complémentation pour les broutards.

Tout a commencé en 2013 par le découpage de l’intégralité des prairies en couloirs de 40 mètres de large avec des piquets fibres disposés tous les 25 mètres pour organiser des unités de 10 ares. « L’utilisation d’un fil avant, fil arrière, nous permet d’ajuster la surface pâturée par chaque lot, qui ne reste pas plus de 24 heures sur le même paddock », explique Gaël Murzeau, en Gaec avec sa mère. Pour calculer la surface nécessaire à attribuer aux différents lots, les exploitants utilisent un herbomètre de début mars à fin juin. « Au printemps, on mesure une fois par semaine. » Les animaux rentrent quand le stock de matière sèche avoisine les 3 000 kilos de matière sèche à l'hectare et ressortent à 1 500 kilos.

Des lignes d’eau, tous les deux couloirs, ont été installées pour y brancher des abreuvoirs de 60 litres, faciles à déplacer manuellement. Le coût des investissements est estimé à environ 200 euros par hectare.

Des animaux d’un plus petit gabarit

« Puis, pour mieux coller à nos pratiques, nous avons souhaité changer de race », observe Gaël Murzeau. Le choix des éleveurs s’est porté sur des animaux de plus petit gabarit. « Et je ne voulais pas surveiller les mises bas la nuit. » Les charolaises conduites en système naisseur-engraisseur avec double période de vêlages ont laissé la place aux salers. « Au départ, on engraissait les génisses à l’herbe. Nous avons stoppé cette pratique, trop chronophage en raison de la multiplication des lots à gérer au pâturage. Désormais, on n’engraisse plus que les réformes. De cette manière, on réduit le nombre de lots. » Les exploitants doivent faire tourner trois lots de vaches, un de génisses au taureau et un lot de génisses de 1 an avec les réformes.

Les broutards mâles comme femelles (hormis celles gardées pour le renouvellement) sont vendus au sevrage à 7 mois, à un poids moyen oscillant entre 280 et 300 kilos vifs. Le cheptel est passé de 80 à 140 vêlages par an sur la même surface avec un chargement similaire de 2 UGB par hectare. Les salers sont essentiellement conduites en croisement avec du charolais, sauf pour le renouvellement du troupeau. Les premières mises bas s’effectuent à 24 mois. Après sevrage, elles sont conduites en bâtiment avec de l’enrubannage et du maïs grain (acheté).

De l’herbe pâturée toute l’année

« Il y a trois ans, on a réalisé une nouvelle étude avec Paturesens. Nous avons décidé de regrouper les vêlages sur une seule période pour caler les besoins des animaux sur la pousse de l’herbe et limiter le nombre de lots. Pour l’instant, la période des mises bas s’étale sur trois mois, de fin décembre à début mars mais l’objectif est de la regrouper sur deux mois. » En parallèle, les éleveurs ont opté pour l’hivernage des animaux en plein air, pratique favorisée par les sols granitiques filtrants de l’exploitation. Seul un îlot de 10 hectares est retiré de la rotation hivernale si l’hiver est trop humide. Les lots sont ramenés tous les mois dans le parc de contention à côté des bâtiments pour suivre les croissances. Les éleveurs recherchent avant tout des mères laitières pour ne pas complémenter les broutards.

À partir de novembre, du foin est distribué aux vaches hivernées dehors. Elles le consomment le matin et profitent de l’herbe fraîche l’après-midi. Chaque année, du foin de moindre qualité est acheté à cet effet. Après avoir vêlé, les vaches ont à leur disposition de l’enrubannage. Les reproductrices reçoivent également une complémentation minérale lors de la phase de reproduction et de la préparation au vêlage sous forme de pierres à lécher. Une réflexion est en cours pour envisager une complémentation liquide dans l’eau d’abreuvement.

« Notre objectif est de toujours proposer de l’herbe fraîche dans la ration des vaches, souligne Gaël Murzeau. En regroupant la période de vêlages, on gère mieux le stock d’herbe d’automne. Les vaches alors pleines peuvent être rationnées pour faire du stock sur pied et reporter sa consommation l’hiver. De plus, cette herbe plus haute aide à la portance des sols. En période humide, on n’hésite pas à déplacer les animaux deux fois par jour ou à mettre à leur disposition une surface plus importante. » L’exploitation n’étant pas autonome en paille, le plein air permet des économies sur ce poste comme sur celui des stocks.

Jouer avec les stocks sur pied

Depuis l’instauration du techno-pâturage, les éleveurs privilégient l’herbe pâturée au stock. Les stocks récoltés se résument à 1 tonne par vache. « Selon les années, on arrête de faucher entre fin mai et début juin pour créer des stocks sur pied. Généralement, cela nous permet de passer le trou d’été. On vend un maximum de broutards dès juillet pour rationner les vaches. » L’année 2022 fut l’exception : des stocks d’enrubannage de l’année précédente ont été distribués aux animaux. « Mais avant la mise en place du pâturage tournant dynamique, on devait affourager au champ tous les étés », indique l’éleveur. Le rendement des parcelles pâturées est estimé à 12 tonnes de matière sèche à l’hectare, variable selon l’année climatique.

Les éleveurs n’ont pas semé de prairies depuis cinq ans. Les prairies temporaires de longue durée sont une base de ray-grass anglais, ray-grass hybride, fétuque et trèfles (blanc et violet). « Avec une gestion plus fine de l’herbe pâturée et la mise en place des stocks sur pied, on a amélioré la productivité et la flore de nos prairies, se réjouit Gaël Murzeau. On compte sur les stocks sur pied pour le ressemis naturel et pour passer les périodes critiques, l’été et l’hiver. C’est également un moyen de sélectionner une herbe adaptée à notre conduite et aux conditions pédoclimatiques de l’exploitation. »

Du fumier de canard est apporté tous les ans en décembre sur les prairies. Les sols bénéficient également d’apports de carbonate, de magnésium et de calcium. L’apport d’azote minéral a été arrêté avec la mise en place du pâturage tournant dynamique.

Chiffres clés

115 ha de SAU dont 5 de miscanthus, 20 de cultures et 90 de prairies temporaires de longue durée

2 ateliers hors sol (canards prêts à gaver et canards de chair)

2 UTH

140 mères salers

Réduire le temps de travail

Si le découpage cellulaire des parcelles a demandé un peu de temps à la mise en place du pâturage tournant dynamique, les éleveurs estiment avoir réduit leur temps de travail. « Il faut compter deux heures et demie par jour pour faire tourner les lots et surveiller les hauteurs d’herbe du début de printemps à la fin de l’automne », note Gaël Murzeau. Ce temps s’allonge à 4 heures en saison hivernale avec l’affouragement au champ. « Outre les économies de temps permises par ce système, le troupeau a également largement gagné en docilité. »

Avis d’expert

Thibault Mauny, éleveur et conseiller Paturesens : « Augmenter la rentabilité par le pâturage »

 

 
Thibault Mauny, éleveur et conseiller Paturesens
Thibault Mauny, éleveur et conseiller Paturesens © C. Delisle
« La mise en place du pâturage tournant dynamique permet aujourd’hui à Gaël Murzeau de gérer la majorité du troupeau en plein air intégral. Les associés du Gaec La Saint Frère ont compris l’intérêt de conduire avec un chargement important leur surface fourragère. Avec une rotation dynamique de 24 heures, ils ont réussi à améliorer la qualité floristique de leurs prairies, ce qui maximise la production laitière des vaches. L’herbe, très bien gérée, permet aux exploitants de mieux piloter leur ferme tout en étant autonomes et de diminuer leur coût de production. »

 

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