PAC 2023 : quels choix ont fait nos voisins européens pour les bovins viande ?
Chez nos voisins et partenaires européens, les aides couplées aux bovins viande évoluent globalement peu, et il n’y a pas particulièrement de signal fort envoyé en faveur de l’engraissement.
Chez nos voisins et partenaires européens, les aides couplées aux bovins viande évoluent globalement peu, et il n’y a pas particulièrement de signal fort envoyé en faveur de l’engraissement.
La Confédération nationale de l’élevage et l’Institut de l’élevage ont organisé une conférence en novembre durant laquelle différents intervenants ont présenté les plans stratégiques nationaux de nos voisins européens.
En Italie : un écorégime sur la réduction de l’usage des antibiotiques
En Italie, le budget global est pratiquement inchangé par rapport à la PAC précédente, tout comme celui des plans de développement ruraux gérés par les vingt et une régions. Le budget total des aides couplées animales est de 218 millions d’euros (M€) par an. Place est faite à une aide couplée sur le soja avec une enveloppe de 32 M€.
"Pour les bovins en engraissement, l’enveloppe annuelle est de 64,5 millions d’euros et le montant prévisionnel de la prime couplée s’élève à 58 euros", explique Alberto Menghi du CRPA (centre de recherche sur les productions animales en Emilie-Romagne).
Elle concerne les animaux âgés de 12 à 24 mois, détenus au moins six mois dans l’élevage dans des conditions spécifiques de production (en indication géographique protégée ou conformes à l’un des autres schémas de labellisation italiens). Hors cahier des charges, le montant prévisionnel de l’aide couplée est de 39 euros par jeune bovin sur une enveloppe de 3,2 M€.
Pour les vaches allaitantes, qui étaient 720 000 en Italie en 2021, celles qui sont inscrites à un livre généalogique sont éligibles à une aide couplée estimée à 121 euros (enveloppe de 27,2 M€). Pour les vaches non inscrites, l’aide est de 70 euros.
S’y ajoute la possibilité de bénéficier d’un écorégime sur la réduction de l’usage des antibiotiques et l’amélioration du bien-être animal. C’est le plus doté, et de loin des cinq écorégimes définis par l’Italie, avec un budget annuel de 365 M€.
Pour les jeunes bovins en engraissement, le niveau 1 de cet écorégime représente une aide de 54 euros par animal. Les éleveurs doivent pour cela s’enregistrer sur la plateforme Classy farm mise en place par les pouvoirs publics italiens. "Ceci représente une véritable révolution des pratiques, et va probablement prendre du temps à se concrétiser", observe Alberto Menghi. La réduction des antibiotiques sera basée sur le calcul de la dose quotidienne, et les résultats des élevages seront situés par rapport aux moyennes régionales.
Le niveau 2 de cet écorégime, avec un montant très attractif de 240 euros, nécessite de rejoindre le système national de certification du bien-être animal (SQNBA) qui, pour les vaches allaitantes, oblige à une durée de pâturage d’au moins quatre mois par an - tenant ainsi compte des périodes de fortes chaleurs où il n’est pas possible de sortir les vaches.
Irlande : un gros budget sur la génomique et l’empreinte carbone des élevages allaitants
En Irlande, il n’y a pas d’aide couplée aux animaux, mais un important programme du deuxième pilier en faveur des élevages allaitants : le Suckler Carbon Efficiency Program démarre en 2023. « Il est doté de 260 millions d’euros », explique Jérome Walsh du ministère de l’Agriculture irlandais.
La partie génétique est composée de quatre volets : stratégie de renouvellement des mâles et des femelles, génotypage, pesées, et enregistrement de données (conditions de vêlage, docilité…). Le montant estimé de l’aide est de 150 euros pour les 10 premières vaches et de 120 euros pour les suivantes.
Pour la partie carbone, l’aide est annoncée à 225 euros pour les 15 premiers hectares et 180 euros pour les suivants, avec un plafond de 1,5 animal par hectare. L’empreinte carbone est évaluée à partir d’un audit relativement simple, et des mesures permettant de réduire les émissions sont à adopter.
Espagne : une prime pour jeunes bovins à enveloppe constante et plafonnée à 1 400 animaux
En Espagne, le budget total de la PAC est similaire à celui de la période précédente, et il n’a pas été décidé de transfert entre les deux piliers pour la période 2023-2027. Mais au sein du premier pilier, l’enveloppe des aides couplées à l’élevage est en hausse de 11 % par rapport à la période précédente avec 543 millions d’euros, au profit de la « production durable » de lait de vache (+ 30 % de budget par rapport à la période précédente).
L’aide couplée pour « l’engraissement durable » de veaux non nés sur l’exploitation dispose d’une enveloppe égale à celle de la période précédente (26 M€). « Elle est plafonnée à 1 418 animaux par élevage. L’application de la convergence n’est pas favorable aux systèmes engraisseurs », explique Miguel Angel Riesgo Pablo, conseiller pour l’agriculture à l’ambassade d’Espagne à Paris. Une autre aide à l’engraissement est déclinée pour les veaux nés sur l’exploitation, elle aussi à budget constant (12 M€).
Pour les vaches allaitantes, l’aide reste là encore similaire à celle de la période précédente, mais un supplément pour les races autochtones est instauré. L’aide couplée à la production de protéines végétales voit son enveloppe doubler, avec 51 M€.
Allemagne : création d’une prime couplée à la vache allaitante
« Alors que cela n’existait pas sur la période précédente en Allemagne, les vaches allaitantes pourront bénéficier à partir de 2023 d’une aide couplée estimée à 78 euros », explique Udo Hemmerling du Deutscher Bauernverband, principal syndicat agricole allemand.
Cette nouvelle aide mobilisera une toute petite partie du budget du premier pilier. Le cheptel allaitant allemand comptait environ 640 000 « vaches mères » en 2021. La tenue d’un « agenda de pâturage » entre le 16 mai et le 30 septembre est requise pour en bénéficier. « Parmi les écorégimes qui ont été définis, peu sont vraiment attractifs ou appropriés aux élevages », observe d’autre part Udo Hemmerling.
À noter qu’en novembre 2022, le ministère fédéral de l’Agriculture a annoncé que pour des préoccupations de bien-être animal, « les certificats vétérinaires allemands pour les exportations de bovins, ovins et caprins vivants destinés à l’élevage seront retirés à partir du 1er juillet 2023 » (source : Agra).
Cette décision mettra fin à l’exportation de bovins vifs pour la reproduction (31 000 animaux en 2021). L’Allemagne avait déjà pris une mesure similaire pour l’envoi vers les pays tiers d’animaux destinés à l’engraissement et à l’abattage, ce qui concernait en 2021 quelques centaines d’animaux.
"Ces mesures n’empêchent pas des flux d’animaux de transiter par l’Allemagne, par exemple entre Autriche et Belgique", observe Udo Hemmerling qui explique aussi qu’en Allemagne, à partir de 2023, il est interdit de vendre les veaux nés dans l’élevage avant l’âge de 30 jours.
Pologne : une prime pour jeunes bovins plafonnée à 20 animaux
« Le modèle agricole polonais jongle, pour cette réforme, avec sa dualité : 90 % des exploitations font moins de 20 hectares, et avoisinent de très grandes exploitations peu nombreuses », explique Marie-Christine Le Gal, conseillère agricole à l’ambassade de France à Varsovie.
La Pologne a décidé un transfert important du deuxième vers le premier pilier. Le paiement couplé pour les jeunes bovins a un montant estimé à 75 euros par animal pour 2023, mais il est plafonné à 20 animaux par élevage.
Un écorégime a d’autre part été défini sur le bien-être animal pour toutes les filières animales avec une enveloppe importante de 1,4 Md€ pour la période. Pour les bovins, les mesures portent, avec un système de points, sur l’augmentation de la surface de logement d’au moins 20 % ou 50 % - mesure à mettre en rapport avec le fait qu’il y a encore beaucoup de vaches laitières à l’attache en Pologne, ce qui fait débat dans le pays -, le maintien sur litière paillée, l’accès à l’extérieur… Le montant de cette aide est estimé à 22 euros par point et par animal, ce montant étant dégressif au-delà de 100 unités de gros bétail (UGB).
À noter que la Pologne n’est pas dans la zone euro, donc les fluctuations monétaires du zloty peuvent avoir des effets sur le niveau d’aide.