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« Nous démarrons un programme de relance de la race bleue de Bazougers »

Thierry Morin et Grégory Laguille sont éleveurs laitiers et allaitants en bio à Machecoul-Saint-Même en Loire-Atlantique. Passionnés par les races, ils en ont de nombreuses dans leur troupeau.

« Étant originaire de Mayenne, je suis attaché à la bleue de Bazougers. Je me rappelle que mon oncle trayait une vache de cette race. J’ai vu des troupeaux bleus jusque dans les années 80. La coopérative d’insémination disposant de doses de deux taureaux - Melchior qui est 100 % bleu de Bazougers, et un de ses fils Valeureux qui a du sang rouge des prés - nous avons commencé en 2016 à inséminer chaque année deux vaches normandes, puis rouge des prés et saosnoises, qui ont des types proches de la bleue de Bazougers.

Cinq ou six autres éleveurs avaient commencé à en faire autant de leur côté. Alain Coulon, éleveur de rouge des prés à la retraite, est le plus engagé. Il fait naître depuis plusieurs années une dizaine de veaux par an. Nous nous sommes réunis avec le concours de l’Institut de l’élevage, et nous avons créé en 2020 l’association bleue de Bazougers, dont je suis président. Le Crapal (conservatoire des races animales des Pays de la Loire) nous accompagne. Nous avons obtenu le code race 22 en 2018, et nous travaillons pour que les élevages engagés soient éligibles à la MAE 'protection des races menacées'.

Une vache herbagère avec une viande de qualité particulière

On avance bien. Un standard de la race vient d’être défini, et une commission génétique commence à travailler. Nous avons l’objectif de sortir un nouveau taureau par an. Le premier est Milou, un fils de Valeureux. Lionnais, un autre fils de Valeureux sur une croisée de races laitières, arrive aussi. Tout l’enjeu est d’élargir les souches, car on part avec très peu de matériel génétique, sans s’éloigner du type. On identifie des animaux ayant des caractéristiques de la bleue de Bazougers dans les races rouge des prés, saosnoise, et aussi normande : un type, le mufle noir, une robe rouge foncé,…

La bleue de Bazougers est une vache mixte de taille moyenne avec de la profondeur et assez large dans son dessus et son bassin, calme, avec des qualités d’élevage et en particulier une bonne production laitière. Nous, nous allons en traire une ou deux. La plupart des éleveurs sont en système allaitant et cherchent une vache herbagère avec une viande de qualité particulière. Le gène culard est présent dans la race. Les robes pie bleue sont les préférées, les noires sont les plus répandues, et d’autres comme la blanche sont acceptées. »

Bleue de Bazougers, troupeau d'Alain Coulon

 

Avis d'expert : Jean-Baptiste Tertrain de l’Institut de l’élevage

« Historiquement, il y a toujours eu des animaux noirs ou bleus en Mayenne, et plus particulièrement autour du village de Bazougers, près de Laval. Ces animaux étaient issus du croisement entre la race locale mancelle et la race fribourgeoise (introduite à la fin du XIXe siècle par les grands propriétaires du Maine et de l’Anjou) mais ils n’ont jamais été reconnus en tant que race. Actuellement, nous en sommes au début d’un programme de relance de la race bleue de Bazougers avec une dizaine d’éleveurs motivés et dynamiques.

L’objectif est d’apporter de la diversité génétique dans les origines, et d’inscrire à terme les premiers animaux au livre généalogique de la race. On dénombre environ 45 femelles descendantes de première ou deuxième génération de Valeureux ou Melchior. Parmi elles, une trentaine est issue de vaches de race rouge des prés ou saosnoise. Les autres sont essentiellement des croisées normandes… D’autre part, deux vaches âgées de 13 ans provenant de troupeaux historiquement de race bleue de Bazougers ont été repérées par des éleveurs engagés, avec dix de leurs filles et petites-filles (issues de taureaux rouges des prés ou saosnois).

Enfin, la commission génétique a identifié un certain nombre de vaches de race saosnoise présentant des robes proches de celle de la Bleue de Bazougers de couleur noire ou bleue, et des vaches de race rouge des prés avec des muqueuses noires ou fumées, très couvertes avec uniquement le bas des pattes et le ventre blanc. Ces vaches seraient intéressantes pour apporter de la diversité. Ces deux races seront mises en avant dans le programme car comme la bleue de Bazougers, elles sont issues du rameau manceau historique.

De plus, certains taureaux d’IA rouge des prés des années 80 garantissant des caractéristiques de mixité seraient susceptibles de produire des animaux avec des muqueuses sombres. Ils pourraient être utilisés en plus des quatre taureaux Bazougers déjà disponibles. Le gène culard est présent dans la race et il sera nécessaire de le maîtriser.

Ce travail génétique s’accompagnera d’une réflexion des éleveurs sur la valorisation économique différenciée des animaux. »

 

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