Matilde Moro, directrice d’Asoprovac, association des producteurs espagnols de viande bovine
« Notre administration nous a aidés à conquérir de nouveaux marchés »
L’Espagne a su rebondir après les crises des prix des matières premières en retrouvant de la compétitivité et de la cohérence nationale pour reconquérir les marchés des pays tiers.
L’Espagne a su rebondir après les crises des prix des matières premières en retrouvant de la compétitivité et de la cohérence nationale pour reconquérir les marchés des pays tiers.
Matilde Moro - Nous avions un besoin important de diversification du marché après deux crises de prix des matières premières au cours desquelles les producteurs ont beaucoup souffert. L’amélioration des conditions sanitaires en Espagne et l’aggravation dans d’autres pays européens ont également joué. Il faut surtout souligner qu’il ne s’agissait pas de nouveaux marchés, mais de la reconquête de pays vers lesquels nous exportions quelques années auparavant. L’ouverture de la route du Maghreb aux bovins vivants — d’une qualité égale à la viande consommée en Espagne — a commencé dans les premières années du siècle, coïncidant avec les problèmes de l’ESB dans certains pays européens. Depuis lors, le marché est resté fluctuant en fonction des prix internationaux (parité euro/dollar) et de la concurrence extérieure à l’UE.
M. M. - C’est probablement la somme de la bonne génétique et d’une alimentation efficace. L’Espagne utilise beaucoup de génétique française et la génétique espagnole a également progressé. Tout cela favorise la compétitivité de la production espagnole ainsi qu’un type de viande apparemment plus apprécié dans ces pays. L’Espagne dépasse probablement en qualité les pays de l’Est et propose des prix plus attractifs que ses principaux voisins.
M. M. - Les crises des prix des matières premières ont à l’évidence rendu le secteur de l’engraissement plus fort et plus professionnel. Cela a favorisé la diversification des approvisionnements pour les matières premières, avec en particulier une moindre dépendance au soja. Par conséquent, nous espérons, que dans les crises futures, les conséquences seront moins fortes. Cependant, nous ne cesserons jamais de dire que l’Europe est à l’origine d’une politique totalement insoutenable en matière d’OGM. Nous nous imposons des normes et des surcoûts que ne respectent ni ne respecteront les produits d’origine animale en provenance de pays tiers. C’est un autre boulet qui s’ajoute à la grande liste de différences dans les normes de production qui ne sont jamais mentionnées dans les accords de libre-échange et qui nous affaiblissent.
M. M. - Jusqu’à l’an dernier, l’Espagne ne pouvait pas s’appuyer sur une interprofession nationale. Par conséquent, cet excellent travail a été réalisé exclusivement par les opérateurs espagnols grâce à leurs relations commerciales dans les pays tiers. Ces opérateurs ont également réussi à mettre sur pied une organisation logistique compliquée dans un pays aussi individualiste que l’Espagne et dans lequel l’exportation a été, dans un premier temps, considérée comme quelque chose de ponctuel. Les producteurs n’avaient pas vraiment conscience qu’un volume stable d’exportation se maintiendrait.
M. M. - Cette organisation du secteur bovin et la préparation à l’exportation ont en effet été accompagnées en permanence par l’administration centrale. Dans un pays aussi décentralisé que l’Espagne, ce n’est pas une mince affaire et cela nécessite de nombreuses démarches et la participation de tout le monde. Notre association de producteurs, Asoprovac, s’y est pleinement associée. L’administration s’est montrée très coopérante, en plus de recevoir des délégations étrangères, d’assurer le suivi, de donner les informations… Il est également important de souligner la stratégie de notre pays dans l’accompagnement économique de la lutte contre la FCO. Elle n’a pas toujours été applaudie par l’ensemble du secteur, mais, grâce aux gros efforts des producteurs du sud-ouest espagnol, elle est totalement contrôlée. Cela nous a finalement permis de maintenir une situation sanitaire de nature à offrir des garanties suffisantes pour ouvrir et maintenir les marchés.
M. M. - Notre situation géographique est stratégique pour accéder aux pays tiers. Elle est également complexe car nous sommes peut-être plus exposés que d’autres à l’arrivée de maladies comme la FCO. Nous avons également des difficultés dans certaines zones très extensives où il y a beaucoup de contacts avec les cervidés et autres sangliers…. Cela complique la lutte contre la tuberculose. Cependant, le ministère espagnol a été pionnier dans la mise en œuvre du plan PATUBES qui vise à comprendre l’influence de la faune sauvage dans les différents scénarios épidémiologiques de la tuberculose bovine, ainsi que les mesures à mettre en œuvre pour réduire la transmission entre les espèces sauvages et domestiques. Ce réseau sera sans aucun doute fondamental non seulement pour la tuberculose mais aussi pour la surveillance et le contrôle d’autres maladies. D’autre part, un plan de contrôle contre l’IBR sera bientôt lancé, ce qui sera sans doute indispensable à moyen et long termes pour accéder à de nouveaux marchés. Notre situation sanitaire ne cesse de s’améliorer.
M. M. - C’est difficile à dire, cela dépend de tellement de facteurs… Si rien d’inhabituel n’arrive, nous espérons au moins maintenir les chiffres actuels, d’autant plus que d’importants investissements vont être réalisés dans les principaux ports d’expédition afin de maximiser le bien-être des animaux et la biosécurité des opérations. Nous sommes persuadés aussi que l’exportation de viande bovine va s’accroître car, avec la nouvelle interprofession, Provacuno, il se fait un excellent travail.