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Monitoring : les capteurs embarqués à la conquête des élevages allaitants

À la recherche de simplicité de conduite et de sérénité dans leur métier, un nombre croissant d’éleveurs allaitants optent pour le monitoring animal. Si c’est avant tout la surveillance des vêlages qui les motivent à s’équiper, ceux qui y goûtent trouvent bien d’autres intérêts à ces technologies.

La recherche de progrès génétique et d’améliorations techniques dans la gestion de la reproduction est une source de motivation forte à l’équipement.
La recherche de progrès génétique et d’améliorations techniques dans la gestion de la reproduction est une source de motivation forte à l’équipement.
© L. Pouchard

Fabricants, distributeurs et techniciens sont unanimes, les éleveurs allaitants sont de plus en plus enclins à s’équiper de capteurs embarqués pour piloter la conduite de leur troupeau. « Si elles n’ont aucune vocation à remplacer l’œil de l’éleveur, ces technologies sont perçues aujourd’hui comme un réel outil d’aide à la décision », partage Fabrice Broyer, directeur commercial monitoring SenseHub (MSD Santé animale). En bovins viande, l’attrait premier à l’équipement, c’est la détection des vêlages. « Contrairement à l’ancienne génération d’objets connectés tels que le thermomètre vaginal, le seuil d’alerte est désormais paramétrable », développe Julien Girardot, pour iOtee. Ainsi, les éleveurs peuvent choisir s’ils veulent être systématiquement prévenus ou bien seulement en cas de nécessité (vêlage difficile).

Maximiser l’insémination

L’autre intérêt phare pour le monitoring animal concerne la détection des chaleurs. « Le capteur, qui permet de mieux cibler les animaux à surveiller et donc de gagner du temps, séduit cette nouvelle génération qui aspire à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle », partage François Milon, responsable monitoring iOtee pour la coopérative Gènes diffusion. D’après l’expérience des experts interrogés, les éleveurs attirés par cette fonctionnalité souhaitent en général en parallèle soit, se mettre à l’insémination artificielle (IA) soit, accroître la proportion de femelles conduites en IA, voire se passer complètement de taureaux de monte naturelle en rattrapage. Selon Pierre Lechevallier, responsable zootechnique iOtee pour l’association Littoral normand, il s’agit d’une réelle tendance de fond, notamment chez les jeunes.

Pousser un cran plus loin la technicité

« Je rencontre aussi beaucoup d’éleveurs qui choisissent un détecteur de chaleurs dans le but de se défaire de l’utilisation d’hormones pour la synchronisation des chaleurs. Selon le protocole utilisé, une fois cette pratique stoppée, l’éleveur peut aisément économiser une vingtaine d’euros par animal lors de la première IA », estime-t-il. C’est le cas notamment de Sébastien Plaire, éleveur de charolaises en Charente-Maritime, qui, au passage de son exploitation en agriculture biologique, était à la recherche de solutions alternatives pour continuer à grouper les chaleurs. Les colliers de monitoring ont été l’option retenue par l’éleveur.

Une chose est sûre, une fois l’outil testé, « on a du mal à s’en passer, surtout quand la mise à la reproduction des vaches et génisses est groupée, appuie Pierre Lechevallier. On gagne grandement en sérénité, quand on sait que la majeure partie des femelles expriment leurs chaleurs la nuit. »

La recherche de progrès génétique et d’améliorations techniques dans la gestion de la reproduction est une autre source de motivation forte à l’équipement. « Une réduction du nombre de paillettes par vache et de l’intervalle vêlage-vêlage est souvent observée », indique le responsable zootechnique iOtee.

« Le capteur, qui permet en effet de déceler des chaleurs plus discrètes que celles repérables par l’éleveur, accroît automatiquement le nombre de femelles – pour la plupart inséminées sur une fenêtre assez courte – et, in fine, le nombre de femelles pleines », justifie Julien Girardot. Le retour sur investissement peut alors être approché avec un montant à la vache pleine ou au veau, et en fonction des résultats, l’éleveur peut se donner un challenge d’amélioration.

« Pour les profils d’éleveurs souvent assez animaliers et très techniques, les capteurs embarqués sont également un moyen pour eux de mieux connaître leurs vaches », rapporte François Milon, pour iOtee. Dans cette optique, certains sont tentés d’élargir le champ des fonctionnalités aux suivis de la santé et du bien-être. « C’est souvent une fois que les éleveurs ont l’outil en main qu’ils se rendent compte de l’intérêt d’aller chercher d’autres informations, indique Fabrice Broyer, directeur commercial monitoring SenseHub. La possibilité aujourd’hui de s’équiper de stations solaires à distance dans les pâtures ouvre le champ des possibles pour monitorer son troupeau toute l’année. »

Lire aussi | Gestion de troupeau : quel logiciel est fait pour vous ?

Gagner en temps et en confort de travail

En parallèle, les mentalités évoluent, les systèmes d’exploitation aussi. Lorsque le cheptel s’agrandit, que les terres et bâtiments d’élevage sont éparpillés et la main-d’œuvre limitée, les technologies de monitoring peuvent être une bonne option pour soulager la charge physique et mentale. « Ce sont avant tout les gains de temps, de confort au travail et d’attractivité pour le métier qui motivent les éleveurs à s’équiper », confirme Clément Allain, s’appuyant sur une enquête conduite par l’Institut(1). Celle-ci révèle que le gain économique n’arrive qu’en sixième position. Cela reste à relativiser en fonction du type d’équipements. « Il suffit que le capteur ait permis de sauver deux veaux et/ou leur mère pour considérer l’investissement amorti », soutient Mathieu Chevalier, à la tête d’un troupeau de charolaises dans l’Allier, qui songe à équiper prochainement ses vaches de détecteurs de vêlage.

(1) Enquête nationale Sm@rt élevage sur les taux d’équipements des éleveurs en outils numériques réalisée au printemps 2023 par l’Institut de l’élevage.

Les engraisseurs comme nouvelle clientèle cible

Par le biais de ces fonctionnalités autres que la gestion de la reproduction, les fabricants et distributeurs de ces solutions ambitionnent d’élargir leur clientèle cible aux engraisseurs. « Des tests sont actuellement menés pour mieux cerner la manière dont les capteurs embarqués peuvent venir en appui de l’éleveur en atelier d’engraissement, révèle François Milon. Le suivi en lot sur la conduite alimentaire pourrait permettre par exemple de déceler des problèmes d’acidose. » « On ne bénéficie pas encore suffisamment de recul pour avancer un retour sur investissement, que ce soit sur le volet économique ou bien sur des notions purement qualitatives (confort de travail, gain de temps) mais on sent de réelles attentes, qui vont au-delà du poste naisseur », soulève Julien Girardot.

À la ferme expérimentale des Établières, en Vendée, des séries de jeunes bovins sont ponctuellement équipées de colliers de monitoring depuis 2021, en fonction des besoins des expérimentations et des protocoles mis en place. « L’idée est de vérifier si ce type d’équipements peut venir en appui dans le cadre de l’observation comportementale, dans une optique de gain de temps et d’organisation de travail », explique Sixtine Fauviot, de la chambre d’Agriculture des Pays de la Loire. Selon l’experte, des tests méritent d’être approfondis pour s’assurer de la véracité des données, car le rythme d’activité est fondamentalement différent en comparaison à une vache allaitante. Aussi, « compte tenu du croît rapide des jeunes bovins, une première difficulté de manutention se pose : les colliers nécessitent d’être repositionnés et desserrés régulièrement », indique la responsable du site des Établières.

Un bond en avant grâce aux algorithmes d’apprentissage

« Les nouvelles versions de capteurs nous ont permis de nous lancer réellement sur le créneau de l’élevage allaitant », fait savoir Julien Girardot, responsable monitoring iOtee au sein de l’organisme de conseil Seenovia. Pour Clément Allain, chef de projet élevage de précision à l’Institut de l’élevage (Idele), « la récente mise au point d’algorithmes spécifiques aux systèmes bovins viande, qui se caractérisent par une grande diversité de races et de pratiques d’élevage, a en effet largement contribué à cet élan ». Matthieu Marteau, responsable des solutions de monitoring chez Innoval, explique : « Le comportement des femelles allaitantes n’est pas aussi descriptible et standardisé que celui des laitières. Il peut être altéré par la présence des veaux, une conduite plus extensive, des déplacements quotidiens plus importants ou encore des expressions de chaleurs plus discrètes. Cela a nécessité une analyse plus fine pour atteindre un niveau de performance équivalent. C’est pourquoi l’algorithme allaitant combine à la fois un modèle de calcul défini par l’Homme (dit mécaniste) et un apprentissage autonome (machine learning) qui le « nourrit » de l’ensemble des cas rencontrés. Avec ce système et le consentement des utilisateurs, chaque élevage contribue au développement des performances de l’outil. »

Le saviez-vous ?

Ça bouge chez Medria solutions ! La filiale monitoring de Seenergi, Gènes diffusion et Sofiprotéol étoffe ses services et change de nom pour devenir iOtee, Sens et Tech pour l’agriculture. iOtee poursuit la distribution de la solution FarmLife et lance en septembre 2024 une nouvelle solution dont elle est le concepteur et le fabriquant : Mozae (Monitoring zootechnie agriculture élevage). Quant à la coopérative Innoval, devenue actionnaire majoritaire de l’agritech ITK depuis 2023, elle lance également cette année sa propre solution baptisée Neo.

Définir des indicateurs spécifiques pour le jeune veau allaitant

Dans le cadre d’un projet multi-acteurs débuté en 2021, intitulé Go Meat(1), des groupes d’éleveurs bovins viande du bassin charolais de la région Bourgogne-Franche-Comté ont été interrogés sur leurs attentes envers les nouvelles technologies pour simplifier leur travail, améliorer les performances de leur système ou encore accroître l’attractivité de leur métier. Parmi les principales pistes de travail est ressorti le suivi du jeune veau allaitant. « Les capteurs embarqués sont un moyen d’y répondre, mais ceux existants sont conçus essentiellement pour les bovins adultes », soulève Jérémy Douhay, de l’Idele. Des essais doivent être menés à Ferm’Inov (Ferme de Jalogny), en Saône-et-Loire, pour collecter de premières données en routine couplées à des observations et voir s’il est possible d’adapter l’algorithme de la boucle avec la définition d’indicateurs spécifiques pour le jeune veau (suivi de la température, prise de colostrum, distance mère veau…).

(1) Groupe opérationnel monitoring en élevage allaitant herbager

 

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