L’herbe est le premier levier pour l’autonomie protéique en élevage allaitant
Pour améliorer leur autonomie protéique, les élevages bovins viande misent avant tout sur les prairies et les méteils. Une gestion fine du pâturage en toutes saisons et des fauches précoces permettent d’optimiser leur richesse protéique.
Pour améliorer leur autonomie protéique, les élevages bovins viande misent avant tout sur les prairies et les méteils. Une gestion fine du pâturage en toutes saisons et des fauches précoces permettent d’optimiser leur richesse protéique.
"En élevages bovins viande, l’herbe est le premier et le plus puissant levier pour progresser vers l’autonomie protéique", entame Marion Kentzel de l’Institut de l’élevage, en charge du volet bovins viande du programme Cap protéines. Il y a toujours eu nécessité technique et économique à valoriser les fourragères prairiales pour le volume et l’apport énergétique qu’elles apportent. La valorisation de leur richesse en protéines est devenue aussi un objectif. "Il faut certes sécuriser la production par rapport aux aléas climatiques, mais il n’y aura pas moins cher que l’herbe", resitue la spécialiste.
C’est ainsi que les pistes fourragères s’appuient essentiellement sur les prairies. Une gestion fine du pâturage en toutes saisons et des fauches précoces permettent d’optimiser leur richesse protéique. Les méteils et les légumineuses - luzerne, trèfle blanc, trèfle violet, lotier, vesces, pois fourrager… - sont l’autre pilier en élevage bovins viande pour atteindre un bon niveau d’autonomie protéique. Des cultures dérobées d’été font aussi leur part. Enfin, des protéines se cachent aussi dans les arbres fourragers, qui peuvent constituer un apport ponctuel intéressant.
Bien valoriser les protéines disponibles
L’autonomie peut être améliorée non seulement en produisant plus de protéines, mais aussi en valorisant mieux celles qui sont produites. Rappelons que pendant l’engraissement, il est recommandé d’apporter entre 100 et 105 g de PDI/UF pour les jeunes bovins de races allaitantes et entre 90 et 100 g de PDI/UF pour les femelles en finition. Au-delà de ces ratios, le complémentaire azoté est gaspillé, puisque les croissances ne sont pas améliorées.
Faire analyser un échantillonnage bien pensé de ses fourrages, calculer et réajuster les rations régulièrement, vérifier que les quantités distribuées correspondent bien à ce qui est prévu permet de bien travailler. Selon l’organisation du fonctionnement du troupeau, on peut voir aussi s’il est possible d’alloter les bovins de façon à distribuer des rations au plus près de leurs besoins.
Une évolution souvent en plusieurs étapes
« Pour évoluer vers davantage d’autonomie protéique, un système d’élevage s’engage sur une trajectoire qui peut s’étaler sur une dizaine d’années », explique Marion Kentzel. Souvent, cela commence par l’implantation de quelques hectares de luzerne ou de mélange graminées-légumineuses, qui entraîne une réflexion plus globale sur la gestion de l’herbe et sur le système fourrager dans son ensemble. Dans une phase suivante, surgit la question du niveau de productivité animale par rapport à la ressource fourragère de l’exploitation. Et parfois, cette évolution conduit à changer les objectifs zootechniques (poids des animaux, race, débouchés commerciaux…) pour atteindre un autre équilibre.
Pourquoi chercher l’autonomie protéique ?
Un certain niveau d’autonomie protéique permet de parer son élevage face aux fluctuations des marchés mondiaux des matières premières.
Cela permet de se passer du soja sud-américain - objet de controverses. La France a importé 3,2 millions de tonnes de tourteaux de soja en 2020. Les bovins viande en consomment environ 8 %. Les volailles de chair et de ponte en sont les premières destinataires (44 % du total) suivies par les bovins laitiers et mixtes (36 %), et les porcs (6 %).
Et l’autonomie protéique est un moyen de participer à l’effort pour de meilleures performances environnementales, car elle va globalement de pair avec une plus faible empreinte carbone. D’après une étude de l’Institut de l’élevage et Terres Univia (1), même si le niveau d’autonomie en protéines n’a pas d’effet systématique sur les émissions de GES, il favorise - via les choix d’assolement faits - le stockage du carbone dans les sols.
Cap protéines : deux ans pour renforcer les connaissances agronomiques et zootechniques
Cap protéines est un programme de recherche et développement sur deux ans qui se termine en décembre 2022. Le volet qui concerne les élevages de ruminants, piloté par l’Institut de l’élevage, vise à accroître l’autonomie protéique des élevages et des territoires.
Près de cent vingt partenaires techniques ont participé, des essais spécifiques ont été mis en place sur 21 sites, des plateformes de démonstration ont été montées, des portes ouvertes en élevage organisées, et 330 fermes pilotes de ruminants ont été identifiées.
Parmi elles, une quarantaine d’élevages de bovins viande témoignent de leur réussite à progresser vers l’autonomie protéique, chacune faisant l’objet d’une fiche et souvent d’une vidéo à retrouver sur le site cap-proteines-elevage.fr.
Ce programme fait partie du Plan protéines de France relance commencé en décembre 2020.
L’efficience protéique nette pour mieux approcher la compétition feed/food
Les ruminants sont souvent accusés de "gaspiller" des protéines au détriment de l’alimentation humaine.
En moyenne, 93 % des protéines consommées par les bovins viande français ne sont pas consommables par l’homme, rapporte l’Institut de l’élevage (1). C’est 89 % en élevage bovin laitier, et 90 % en ovins viande par exemple.
Pour avoir une vision plus juste de la "compétition" entre alimentation humaine et alimentation animale, aussi appelée "compétition feed/food", le GIS Avenir élevage propose de calculer l’efficience protéique nette de conversion des aliments. Cette notion permet de faire la balance entre d’une part les protéines animales produites par un élevage, et d’autre part les protéines consommables par l’homme qui y sont consommées par les animaux.
Prioriser les fourrages et les coproduits
Si le résultat est supérieur à 1, le système d’élevage est producteur de protéines pour l’alimentation humaine. S’il est compris entre 0 et 1, le système est consommateur de protéines.
Sur les systèmes d’élevages bovins viande, l’Inrae a calculé en 2018 une efficience protéique nette de 0,71 pour un cas-type naisseur-engraisseur du Grand Ouest, et de 0,67 pour un cas-type naisseur-engraisseur du Massif central. C’est 1,88 en système bovins lait, qui exporte beaucoup plus de quantités de protéines ramenées à l’animal, et 0,34 en système ovins viande de montagne du Massif central.
À l’échelle des filières, selon l’Inrae, les calculs montrent que toutes les productions animales peuvent être productrices nettes de protéines, à condition de maximiser la part des végétaux non consommables par l’homme dans les rations. C’est-à-dire de donner la priorité, après les fourrages et notamment l’herbe sous toutes ses formes, aux coproduits d’industries agroalimentaires et résidus de cultures. La distribution de protéagineux et de céréales est en revanche plutôt à réduire.