Comment a évolué le marché mondial de la viande bovine en 2021 ?
Caroline Monniot - Entre 2020 et 2021, le marché mondial était en demande de viande bovine et l’offre n’a pas pu y répondre pleinement. En effet, la production mondiale a tendance à stagner depuis 2018. Les volumes exportés par les onze principaux pays sur ce marché ont augmenté de 168 ktéc en 2021, alors que la hausse des importations a cru deux fois plus vite, avec 384 ktéc. Les pays importateurs ont donc dû se tourner vers d’autres fournisseurs plus modestes.
On constate aussi qu’en cinq ans, l’Asie est devenue le « focus » de ce marché mondial. C’est dans cette direction que sont dirigés désormais les flux les plus importants. La Chine, avec 41 % des volumes expédiés par les dix principaux pays vendeurs, a maintenant une influence considérable sur le marché mondial de la viande bovine.
Quelles sont les perspectives pour ce deuxième semestre 2022 sur le marché mondial ?
C. M. - Sur l’année 2021, les USA et le Canada étaient en phase d’accélération de leur décapitalisation mais devraient ralentir maintenant leurs ventes. Le Mexique poursuit sa croissance continue du cheptel, et avec elle celle de ses exportations. Les deux poids lourds du Mercosur - Brésil et Argentine - ont connu un repli historique de leur production et étaient beaucoup moins présents sur le marché mondial en 2021. Mais cette année, ils sont de retour.
En Inde, la production abattue a repris sur 2021 ce qu’elle avait perdu en 2020 à cause de la désorganisation des abattages. Elle pourrait poursuivre à la hausse sur 2022, mais les épisodes de chaleurs extrêmes rendent sa situation très incertaine. L’Australie était encore occupée en 2021 à recapitaliser après plusieurs années de sécheresse, et elle devrait revenir significativement elle aussi sur le marché mondial cette année.
La compétitivité relative des différents grands pays du marché mondial a-t-elle évolué ?
C. M. - La hausse générale des prix à la production se poursuit depuis le début de l’année 2022. Si on compare les prix à la production sur le marché mondial, on constate que l’Australie qui était la plus compétitive il y a quelques années a vu ses prix littéralement flamber depuis début 2020 et se retrouve maintenant largement au-dessus des autres.
Les prix aux USA ont eux aussi beaucoup augmenté et ils ont rattrapé les prix européens. Les prix au Brésil et en Argentine augmentent de façon extrême en monnaie locale, mais du fait de la dépréciation de leurs monnaies, ils restent relativement compétitifs par rapport à ceux des autres géants du marché de la viande bovine.
Dans ce contexte mondial, quelle est la situation de l’Union européenne ?
C. M. - L’Union européenne est en situation de quasi-pénurie. La baisse de production de viande bovine de l’UE à 27 représente 6 % en cinq ans, avec sur 2021 une petite baisse de 0,4 %. Les prévisions de production pour l’UE en 2022 sont entre -1 et -2 % mais la baisse sera peut-être beaucoup plus forte.
Les importations européennes avaient chuté de 20 % en 2020 avec la crise sanitaire, et l’année 2021 s’est terminée sur une nouvelle baisse, de 8 %. En effet, quand la restauration a repris de l’activité, le marché mondial de la viande bovine était « à sec » et les restaurateurs ont eu bien du mal à se fournir en viande du Mercosur notamment. Depuis l’an dernier, on observe une reprise des flux entre États membres, mais ils ne sont pas au niveau de l’avant crise du Covid.
Cette situation a conduit naturellement à une hausse des prix partout en Europe, emmenée par l’Allemagne, qui a été extrêmement forte. Globalement, les prix européens convergent depuis le deuxième semestre 2021. Ils commencent à plafonner dans différents États membres, à l’image des prix des jeunes bovins en Espagne depuis fin mai. L’inflation est une source d’inquiétude par rapport aux hausses de prix qu’on pourrait passer sur le marché de la viande bovine par rapport au pouvoir d’achat des consommateurs.
Les cotations européennes s’essoufflent à cause de l’inflation