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Marché des reproducteurs
Les sélectionneurs subissent le contrecoup de la crise

Le marché des reproducteurs est en général le premier à subir le contrecoup des crises qui frappent les producteurs de viande bovine. Ce constat se vérifie une fois de plus cette année.

«Le marché du reproducteur est très lié au moral des éleveurs. Quand tout va mal, et qu’il faut compresser le niveau des charges, les achats de génétique sont bien souvent le premier poste à trinquer sur une exploitation », souligne Yves Jehanno, responsable technique de Bovins Croissance dans l’Allier et fin connaisseur des sélectionneurs charolais du secteur. « Dans la plupart des élevages, pour les veaux de l’année, il n’y a eu que très peu de demandes jusqu’à présent. Ceux à la réputation bien assise ont en moyenne vendu moitié moins d’animaux que d’habitude. Les élevages un peu moins renommés ne commencent à vendre que maintenant. Le marché n’a pas encore vraiment démarré. » Une certitude cependant, les sélectionneurs préparent nettement moins d’animaux pour les concours de fin d’automne. Un phénomène qui serait d’abord lié à la volonté d’anticiper un nombre de transactions pressenti en recul avec aussi la crainte d’être obligé de faire des concessions sur les tarifs alors même que les coûts de complémentation ont explosé. Les échos du marché sont sensiblement les mêmes en région Midi-Pyrénées. « On a vraiment commencé à ressentir l’impact de la crise à partir d’avril dernier. Depuis, notre activité est divisée par deux. Ce n’est pas toujours une affaire de prix, c’est simplement que les clients se font rares. Entre la hausse des charges, la baisse du prix des broutards et les menaces de fermeture de marché liées à la fièvre catarrhale, beaucoup d’éleveurs tendent à baisser les bras. Il sont fatigués du peu de perspectives offertes à leur métier et dans ce contexte, acheter un nouveau taureau est un peu le dernier de leur souci », souligne Bernard Guibbaud, technico-commercial du GIE Liredoc qui commercialise des reproducteurs limousins en provenance du Tarn et de l’Aveyron. Pour l’instant, l’activité de ce GIE repose sur les trop rares élevages détenteurs de vaches croisées qui souhaitent homogénéiser leur cheptel mais également sur les producteurs de veaux d’Aveyron et du Ségala. « C’est la clientèle la moins touchée pour l’instant. J’estime que 75 % de ces éleveurs achètent leurs génisses de renouvellement à l’extérieur. » Pour Charolais Expansion, partenaire commercial privilégié de tous les éleveurs adhérents au herd-book Charolais, le marché français du reproducteur est particulièrement étroit surtout si l’on ne parle que des femelles d’élevage. « Il correspond à quelques jeunes ou à des éleveurs laitiers qui constituent un cheptel », explique Julie Chaudron, son animatrice. « Jusqu’à présent, beaucoup de sélectionneurs charolais de l’Allier vendaient quelques génisses pleines sur le marché français. Mais cette année, c’est zéro. Il n’y a plus de marché. C’est pour moi lié à l’arrêt très net de la progression du cheptel allaitant français », ajoute Yves Jehanno.

Pas d'export pour désengorger les étables

Face à la torpeur du marché intérieur, les possibilités de vente à l’export ne sont malheureusement pas légion pour venir désengorger les étables. Le volet sanitaire lié aux deux sérotypes de la fièvre catarrhale vient plomber la plupart de ces débouchés. « D’habitude, l’activité de KBS Génétic est pour 70 % basée sur l’exportation. Cette année ce ne sera pas plus de 30 % », déplore Jean-Luc Kress à la tête de cette entreprise spécialisée dans le négoce de génétique allaitante, principalement en race Limousine. « Si on pouvait faire quelques exportations de masse en direction de pays comme la Pologne, la Russie, la République Tchèque ou la Roumanie, cela permettrait de vider les étables, mais les contraintes sanitaires actuelles ne nous le permettent pas », se désole Bernard Guibbaud. Face à l’avancée rapide des deux sérotypes, une plus grande harmonisation des politiques sanitaires dans les pays européens est jugée commeun préalable indispensable à la possibilité de rétablir les flux d’animaux reproducteurs. Ne pas pouvoir commercialiser les reproducteurs français à l’export est une situation jugée d’autant plus frustrante que bien au-delà de nos frontières, nos génisses et taureaux seraient les bienvenus chez des éleveurs souhaitant répondre à une demande croissante en viande bovine. C’est en particulier le cas de la Russie où les marchés potentiels sont bien réels et où la Charolaise a déjà fait une belle percée en 2006 et 2007 avec des clients satisfaits à la fois des premiers résultats mais aussi du bon suivi « après-vente » qui a fait suite à l’envoi des premiers animaux. « Dans ce pays, nos contacts auraient pu aboutir avec là encore de gros volumes d’animaux auprès de deux nouveaux clients s’il n’y avait pas eu ce problème de fièvre catarrhale », estime Julie Chaudron. « Lors du dernier Space, il y avait une importante délégation russe. Ce pays serait acheteur de génisses tant de race laitière qu’allaitante. Australiens et Canadiens sont sur les rangs. En Europe, les Allemands sont aussi très présents. L’atout de la France est d’abord la qualité de ses races à viande, puis un gros réservoir d’animaux disponibles. Ce sont des marchés de masse. En Europe, peu de pays hormis la France sont susceptibles de fournir un lot de 1 000 génisses allaitantes de même catégorie et même âge. Le volet sanitaire est actuellement en cours de négociation avec la Russie. Pour l’instant on ne peut malheureusement guère en dire davantage », ajoute Gilles Lequeux, responsable commercial d’Interlim, la structure en charge de la commercialisation des reproducteurs limousins pour le pôle de Lanaud. Il n’en demeure pas moins que face à ces hypothétiques ouvertures de marché, les éleveurs ne pourront pas garder trop longtemps leurs animaux dans cette attente. « Si les choses n’évoluent pas, les génisses les plus jeunes vont partir à l’engraissement. La plupart des éleveurs qui ont des génisses de 30 mois pleines en attente vont les faire vêler et vendront dans les mois suivants davantage de vaches de réforme », conclut Bernard Guibbaud.

Jean-Luc Kress, KBS Génétic

"L’ambiance est franchement mauvaise sur le marché des reproducteurs"

« Des reproducteurs à vendre, ça ne manque pas. Partout les étables sont pleines et ce, quelle que soit la race avec aussi l’impact des nombreuses cessations d’activité. Heureusement, la météo est avec nous. L’arrière-saison fourragère est très bonne dans plusieurs régions. L’herbe est abondante et cela évite d’acheter aliments et fourrages. Pour l’instant, les éleveurs sont en « wait and see ». Ils n’ont pas le moral, mais espèrent des jours meilleurs. Ceci étant, je n’ai pas l’impression que l’on se rende compte de la gravité de la situation dans les hautes sphères parisiennes où on doit vraiment considérer le marché du reproducteur comme la cinquième roue de la charrette. Bien entendu, si on n’arrive pas à vider les étables, la seule solution sera d’engraisser les animaux pour les faire tuer. Il n’y aura pas d’autre solution. »

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