Mercosur, Egalim, normes, FCO et MHE : pour l'élevage bovins viande, quelles sont les positions des syndicats agricoles ?
Regards croisés des syndicats agricoles sur les sujets d’actualité qui agitent l’élevage bovin viande en cette fin d’année 2024.
Regards croisés des syndicats agricoles sur les sujets d’actualité qui agitent l’élevage bovin viande en cette fin d’année 2024.
Les syndicats agricoles d’éleveurs de bovins viande sont unanimes quant à leur opposition à l’avancée vers un accord entre l’Union européenne et le Mercosur, une position aujourd’hui largement partagée par l’ensemble du monde de l’élevage et au-delà. « C’est une très bonne chose d’avoir une position si solide. Nous avons initié cette mobilisation », commente Patrick Bénézit, éleveur dans le Cantal et président de la Fédération nationale bovine. « On réitère que la France, comme chaque pays de l’union, a son droit de véto. Si la Commission fait passer le texte à la majorité qualifiée en scindant l’accord, ce serait un déni de démocratie scandaleux puisque ce n’est pas conforme au mandat politique qui lui a été donné. »
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La Coordination rurale porte le débat sur sa demande au sujet du Mercosur à « faire respecter l’exception agri culturelle pour sortir de tous les accords de libre-échange », présente Stéphane Charbonneau , éleveur de charolaises et engraisseur de jeunes bovins en Vendée, responsable de la section viande de la Coordination rurale. Le syndicat va travailler auprès des députés européens pour que cet accord en 2025 n'aille pas au-delà.
Laurence Marandola, éleveuse en Ariège et porte parole de la Confédération paysanne, explique que son organisation continue le combat, reste très mobilisée. « Nous n’en voulons pas, ni aujourd’hui ni demain. Le gouvernement français doit arrêter de dire qu’il est contre cet accord en l’état, puisque cet accord est bouclé sur le fonds depuis 2019. Nous exigeons que la France obtienne le retrait définitif du mandat de négociation dont la commission européenne dispose sur l’accord UE-Mercosur. »
FCO, MHE : comment organiser une gestion pérenne ?
Concernant la gestion des maladies vectorielles, la FNB considère qu’un grand pas a été franchi 2024 : « Il n’y a pas eu de blocages commerciaux comme l’année dernière et les cours de broutards ont continué de progresser durant l’automne. » L’obtention d’une enveloppe d’indemnisation des éleveurs ayant déclarés des foyers a été une longue bataille pour le syndicat. « On a obtenu, entre FMSE et enveloppes directement gérées par l’état, la prise en charge de la surmortalité des adultes. On continue notre action pour obtenir aussi l’indemnisation des pertes indirectes que représentent le sur-taux d’avortement et la sur-mortalité des petits veaux. » Que les vaccins soient disponibles en quantités suffisantes pour que tous les éleveurs puissent en avoir est toujours aussi en tête des objectifs.
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La FNB milite à Bruxelles pour des mesures de gestion pérennes des maladies vectorielles par une évolution des dispositions actuelles de la loi de santé animale. Elle souhaite obtenir la possibilité d’envoyer des bovins sur toutes les destinations européennes sous vaccin, y compris ceux sous autorisation temporaire d’utilisation, et sinon sous PCR.
Le syndicat continue aussi de demander que la commande des vaccins soit faite par l’Etat (même dans le cas où une partie du prix revient aux éleveurs), car les laboratoires, avec cette garantie, assurent beaucoup mieux les livraisons. « Cela a aussi l’avantage de coûter au final moins cher en anticipant et commandant de gros volumes. » Sur la mise en place d’une banque d’antigènes, Marc Fesneau puis Annie Genevard étaient d’accord pour le faire… « Cela pourrait permettre de disposer chaque année, avant l’arrivée des virus, d’un vaccin unique contre toutes les souches à risque de la saison. On sait que les sérotypes 1 et 12 nous menacent à plus ou moins long terme », présente Patrick Bénézit. La FNB formule aussi la proposition de pouvoir faire figurer pour les éleveurs en pied de facture les frais d’analyse pour la vente des bovins.
Pour la Confédération paysanne, le compte n’y est pas du tout dans le soutien aux éleveurs pour gérer les maladies vectorielles. Le 10 décembre 2024, elle annonçait accompagner les éleveurs souhaitant déposer un recours en justice contre l’Etat pour son inaction face au nouveau variant du sérotype 8 de la FCO. Le syndicat appelle sur ce thème à une action plus globale. « Il faut des vaccins à disposition sur tout le territoire, tout en laissant chaque éleveur libre de ses pratiques. Il faut aussi développer la prévention, avec des moyens pour la recherche sur ces maladies, et aussi ne pas négliger la voie de la sélection génétique sur la résistance des ovins et bovins.»
La Coordination rurale fait état de la colère de ses adhérents sur ce thème. « Cette année, notamment pour la FCO 8, on avait alerté à temps la Dgal qui n’a pas donné suite. Il faut limiter la casse pour l’année prochaine et pour cela, avoir les vaccins cet hiver avant que les troupeaux ne repartent au pré », explique Stéphane Charbonneau. « Or on a déjà compris qu’on ne va pas avoir assez de vaccins contre la MHE cette année. » Pour l’organisation, les mesures d’aides permettent « à peu près » d’indemniser les surmortalités des adultes entre les différents dispositifs en place, mais il faudrait aller bien plus loin.
Egalim : comment faire valoir un prix minimum pour les bovins ?
Sur le sujet de la loi Egalim, les positions se placent à divers niveaux selon les syndicats. « On attendait du gouvernement Barnier une amélioration du texte pour obtenir la sanctuarisation des prix payés aux producteurs », explique Patrick Bénézit, président de la Fédération nationale bovine. Un sujet en suspend avec le changement de gouvernement. « Les indicateurs de coûts de production - ou bien dans le cas où les cours viendraient à dépasser les coûts de production, une borne minimum - seraient ainsi incontournables. » Il rappelle que la possibilité de faire figurer un prix minimum dans les contrats est une spécificité dont bénéficie seulement le secteur de la viande bovine.
La FNB demande aussi le prolongement de l’encadrement des promotions et SRP (seuil de revente à perte) qui n’est en place pour l’instant qu’à titre expérimental. Au niveau européen, elle porte l’accent sur l’interdiction du contournement de la loi par le biais des centrales d’achat européennes. « Cela reste très important car les coûts de production vont certainement continuer à augmenter. Les cours des jeunes bovins de type viande et des vaches allaitantes de réforme sont toujours en-dessous de leur prix de revient. Les broutards s’en rapprochent. » La FNB rappelle que la contractualisation ne concerne pas 100 % des animaux puisque les reproducteurs et ceux qui passent par les marchés de bétail en vif en sont exclus, et qu'elle est ouverte pour étudier les modalités qu'on peut trouver notamment pour les veaux.
La Coordination rurale tient sa ligne sur un accord de principe pour la loi Egalim, mais elle demande que l’obligation de contractualisation ne porte que sur 70 % des animaux vendus par un élevage. «Le contrat ne doit pas engager seulement le premier acheteur, mais tous jusqu’au distributeur pour que la création de valeur se partage tout le long de la filière», remarque Stéphane Charbonneau.
« De plus cette loi est trop française. Si les jeunes bovins français sont plus chers que ceux de nos voisins, on est perdants. » Pour la Coordination rurale, la loi Egalim n’a toujours pas permis d’améliorer le revenu des producteurs. Depuis que les primes Pac ont été mises en place en 1992 dans le but de compenser les variations des prix de marché, le syndicat demande à sortir de ce système pour revenir à une régulation de la production. « On constate bien trente ans plus tard que ce système n’a pas empêché de faire disparaitre des élevages. C’est un échec. Nous restons sur notre logique « Des prix , pas des primes. » », commente Stéphane Charbonneau. « On connait la consommation de viande bovine, donc on pourrait équilibrer l’offre et la demande. »
La Confédération paysanne place le curseur sur le respect de prix minimum. « Nous voulons sanctuariser un prix minimum pour toutes les productions, ce qui est le cas sur une très petite partie du marché de la viande bovine aujourd’hui avec la loi Egalim. Il faut assurer au minimum un smic et la protection sociale à tous, même si les prix ont évolué ces deux dernières années ». Laurence Marandola fait référence pour ceci à la directive européenne « UTP » sur les pratiques commerciales déloyales. « En Espagne, elle s’applique : chaque agriculteur peut se retourner contre ses acheteurs. Mais se défendre seul est très difficile, il faudrait un moyen de grouper les actions. Cela a déjà été réussi par une organisation de producteurs de lait dans le nord de l’Italie contre Lactalis. »
Le Modef dans un communiqué du 6 décembre, demande « en urgence la mise en place de prix minimum garantis par l’Etat pour les produits agricoles afin de rémunérer le travail paysan, la maîtrise des productions en instaurant des quotas pour toutes les productions, et l’encadrement des marges de la grande distribution, des transformateurs et de l’agroalimentaire grâce au coefficient multiplicateur. » Le syndicat explique que le coefficient multiplicateur obligerait le distributeur à répercuter les variations de ses prix d’achat aux consommateurs, et les inciterait à acheter aux agriculteurs à des prix raisonnables pour conserver une marge unitaire attractive.
Comment faire évoluer les normes en élevage ?
Sur le thème des normes, les positions des différents syndicats sont assez tranchées. La Coordination rurale en fait un de ses chevaux de bataille avec en particulier une demande de moratoire immédiat sur les contrôles, la dissolution de l’OFB (communiqué de presse du 21 novembre).
La FNB argumente sur les avancées significatives obtenues depuis un an. « Pour la directive IED (relative aux émissions industrielles), la décision du Parlement européen de juillet 2023 d’exclure les bovins du champ d’application est une victoire très claire de notre réseau. On entend bien que cette décision soit maintenue pour toujours », note Patrick Bénézit.
La FNB aussi attend « des assouplissements » sur la réglementation des ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement). «On a eu des engagements de la part du ministère sur le seuil pour être soumis à la procédure d’enregistrement qui se situe à partir de 400 veaux de boucherie ou bovins à l’engrais. »
La Confédération paysanne défend très fortement la relocalisation de l’élevage herbager, intégré dans son territoire. « On est opposé à la concentration des élevages dans des structures de grande taille car cela rend impossible le lien au territoire, et derrière l’autonomie et la résilience alimentaire, tout en impactant la qualité de vie des riverains », défend Laurence Marandola. « Plus généralement sur les normes, il y a collusion entre la complexité à remplir les formulaires qui est bien un problème important, et le fond du sujet à savoir la poursuite d’un résultat. »
Sur la Pac, pour la FNB, les gros allégements obtenus sur les mesures de gestion des prairies en zone humide et du ratio régional de surfaces en prairies permanentes sont très positifs car l’autonomie fourragère des élevages concernés se trouvait compromise. « Pour les prairies sensibles, nous souhaitions obtenir mieux, mais les dérogations redonnent un peu de souplesse aux systèmes d’élevage les plus concernés. » Le syndicat porte encore de nombreuses demandes et cite notamment pour les haies les dates d’autorisation de la taille, l’encadrement du curage des fossés…
Les dérogations obtenues auprès de la Commission européenne pour l’application des BCAE concernant les prairies ne sont pas pour la Confédération paysanne un bon signal. « Les dérogations de cette année vont trop loin et risquent d’affaiblir la protection des sols », considère Laurence Marandola. « Mais la France peut très bien décider de prendre des mesures plus fortes, comme revaloriser très fortement le montant de l’écorégime, de l’aide aux légumineuses et celui des MAEC systèmes herbagers ; On peut en 2025 fixer les montants des versements de l’année 2026 », stipule Laurence Marandola. « On demande en premier lieu le paiement pour tous du solde des aides 2023, qui aurait du intervenir au plus tard le 30 juin 2024. Or ce n’est pas le cas. »
La Coordination rurale rappelle qu’elle est pro-Europe. « On est d’ailleurs le seul syndicat à demander le respect du RZUE (règlement zootechnique de l’Union européenne) », pointe Stéphane Charbonneau. « La Coordination rurale milite pour que les médicaments vétérinaires ne continuent pas à être 40 % moins chers en Espagne, et pour que certaines molécules vétérinaires soient autorisées en Espagne ou en Belgique alors qu’il n’est pas possible de les avoir en France, que les indications pour les vaccins soient les mêmes en France et en Italie… »
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Tous s’accordent sur l’assurance prairies à maintenir la pression afin de garantir la possibilité pour les éleveurs d’avoir recours à une expertise de terrain en contestation de l’indice satellitaire. « Il va y avoir un décret, mais il n’est pas encore formalisé », informe Patrick Bénézit de la FNB.
Faut-il soutenir l'engraissement en France ?
Sur l’équilibre à trouver entre export de broutards et soutien à l’engraissement en France, FNB et Coordination rurale sont sur la même ligne. Pour la FNB, « consolider les systèmes naisseurs engraisseurs, notamment en essayant de faire en sorte qu'ils accèdent à de vraies conditions contractuelles, est une priorité dans la conjoncture actuelle.» En effet, l'attraction du marché du maigre est très forte, tandis que les engraisseurs spécialisés accèdent déjà à la contractualisation du fait de la forte demande sur le marché de la viande.
« Mais attention pour l’export de ne pas dépendre de marchés volatils » marque Stéphane Charbonneau, rappelant l’épisode du bateau de jeunes bovins destiné à l’Algérie qui a été rapatrié en France pour défaut de conformité des passeports. « Aujourd’hui, il est plus rentable d’engraisser 8 à 9 jeunes bovins par hectare de maïs plutôt que de le vendre en grain. A condition qu’un plan sur l’eau permettant une irrigation à partir de retenues collinaires puisse sécuriser cette activité ». Stéphane Charbonneau évoque aussi un important besoin de formation en élevage bovins viande sur le calcul du coût de production, et le suivi technique en général. « Il y a des leviers techniques à actionner dans un certain nombre d’élevages. On doit évoluer. »
La Confédération paysanne se porte grande défenseure du système naisseur-engraisseur là où les conditions pédo-climatiques s’y prêtent, pour viser l’autonomie en alimentation et en paille de litière. Des solutions techniques sont encore à travailler pour des régimes plus herbagers, et cela repose la question de l’orientation des races. Limiter les transports d'animaux est aussi un des éléments clé de la réflexion pour le syndicat.
Comment définir de nouveaux leviers fiscaux ou bancaires pour l'élevage ?
Sur le dispositif fiscal de la « déduction par vache », pour la FNB, les modalités annoncées par Bruno Lemaire fin 2023 étaient assez inopérantes avec un raisonnement ‘à la vache’ et sans impact sur le volet des charges sociales . Le dispositif a été retravaillé. Le texte est en attente du vote de la loi faute de gouvernement, mais il porterait sur soit la valeur, soit le nombre d’animaux, avec une déduction acquise au bout de six ans si le nombre de vaches n’a pas été réduit, et ce jusqu’à un plafond de 15 000 euros avec transparence totale. Le calcul des charges sociales se fera après déduction. « C'est une mesure très importante pour nous car elle représente un nouveau levier pour les élevages allaitants qui peut chiffrer plusieurs milliers d’euros par an. Pour ceux qui sont au forfait, on avait déjà obtenu un relèvement du plafond. On a aussi obtenu la réintégration de 30 % de la déduction pour épargne de précaution, et la baisse des impôts fonciers passe de 20 à 30 % dans la future loi de finances.», présente Patrick Bénézit. « La défense des prix reste notre priorité..»
« La Confédération paysanne donne priorité aux leviers sur les prix et le revenu qui agissent à moyen à long terme, plutôt qu’à de la fiscalité pouvant créer des formes d’opportunités. Attention aussi à ce que des éleveurs ne soient pas bloqués à devoir garder des vaches en cas de gros aléas climatiques », réagit Laurence Marandola.
La Coordination rurale milite pour que les banques fassent un effort sur l’achat du foncier « sur lequel elles ne prennent que très peu de risques » pour favoriser les installations, et voit un allègement possible sur les charges salariales des éleveurs. « Quand un salarié est présent, cela favorise la vie familiale des éleveurs. »
Le Modef constate dans un communiqué du 6 décembre 24 que « les difficultés économiques et sociales continuent de s’accentuer » et « refuse la proposition de prêts garantis par l’Etat et les allégements fiscaux pour les plus grosses fermes. »
Romaric Gobillot, éleveur de charolaises dans la Nièvre et président de la président de la section bovine de la FDSEA de la Nièvre
« En région Bourgogne-Franche Comté, nous avons un énorme problème de retard sur le traitement des dossiers d’aides Feader du PCAE, déposés dans le cadre de l’ancienne programmation 2014-2022. L’état a repris en partie la main : une petite partie des dossiers a été transférée aux DDETSPP et aux chambres d’agriculture fin 2023. Mais la situation est calamiteuse avec une très grande quantité de dossiers en attente, et des fonds qui risquent d’être définitivement perdus pour le développement des exploitations de la région à défaut de traitement avant la date limite pour l’instruction de juin 2025. Et ceci alors que la nouvelle programmation des fonds Feader (2023-2027) est ouverte. Pour la Frsea et JA de Bourgogne-Franche Comté, c’est de l’incompétence administrative, voire une attitude politique de la part de la région.
Nous faisons face à des attaques quotidiennes en cette fin d'année de loups sur les troupeaux ovins et bovins dans la Nièvre. Nous en sommes à 350 ovins prédatés en 2024 dans la Nièvre, plus des pertes indirectes avec des brebis vides ou qui ne s’occupent pas bien de leurs agneaux. Sur les bovins, il y a des pertes de petits veaux nés à l’automne et celle d’une génisse de 500 kg. Avec le pâturage non gardé, des animaux en nombreux lots dans des parcelles de bocage, les moyens de protection classiques (chiens de protections, clôtures) sont inopérants. Il est très difficile d’obtenir des autorisations de tir, et nous pensons que les tirs ne vont pas permettre de réguler la population de loups vu le comportement de reproduction de l’espèce. Des élevages ovins vont disparaitre car avec le prix très élevé des animaux et leur rareté, certains ne peuvent par racheter 30 reproductrices pour reconstituer un cheptel.
Sur le sujet des maladies vectorielles, il y a des avancées mais il y a encore de quoi faire. D’une façon générale, on demande la suppression de l’excès de normes qui nous étouffent au quotidien. »
Philippe Babaudou, éleveur de limousines et d’ovins et arboriculteur en Haute-Vienne en bio, et co-porte parole de la confédération paysanne de Haute-Vienne
« Nous sommes dans une situation paradoxale, où les cours sont élevés mais les revenus ne progressent pas suffisamment à cause des charges, notamment de mécanisation. Les éleveurs n’ont pas de perspectives avec une décapitalisation massive en élevage bovins allaitants, et toute la problématique des départs en retraite.
En Haute-Vienne, nous sommes mobilisés contre le projet porté par la société T'Rhéa de l’agrandissement, sur la commune de Peyrilhac, au nord-ouest de Limoges, d’un atelier d’engraissement. Il vise à terme une dimension de 2 500 places de jeunes bovins en dix bâtiments et 600 bovins au pâturage. Pour l’instant, le projet est stoppé après une première enquête publique sur plan d’épandage qui ne tenait pas la route. Le nombre d’animaux dilue le lien au territoire, et présente des risques de pollution et nuisances pour les riverains. Au-delà, ce projet illustre la financiarisation de l’élevage et le fait que certaines fermes soient intransmissibles. C’est un modèle répandu dans le monde, mais qui n’est pas le nôtre. Nous voulons continuer avec des exploitations de taille « moyenne » en polyculture élevage.
Nous connaissons d'autre part dans notre région des retards de paiement, notamment des MAEC. On nous incite à aller vers des pratiques et les paiements trainent.
En bio, nous travaillons sur le partage de la valeur des animaux. Même quand nous les vendons au cours du conventionnel, les systèmes restent économiquement fonctionnels avec de faibles niveaux de charges. Mais sans l’aboutissement de vendre en circuit bio, la démarche perd de son sens. Les collectivités n’ont plus les moyens de se fournir avec notre viande bio, et sinon ils valorisent surtout des avants sur lesquels il y a peu de marge. Et on sait bien que les marges de la grande distribution sont beaucoup plus grandes sur les produits bio que sur les produits conventionnels.
Sur le loup, les élevages bovins ne sont pas éligibles aux aides à l’équipement de protection (patous, clôtures…). La question qui se pose est : est ce qu’on se défend contre le loup ou bien est-ce qu’on ne veut pas du loup ? Le loup peut gagner du terrain dans notre région.
Un autre sujet local pour nous sont les difficultés que connait l’abattoir de Limoges, l’un des plus gros abattoirs publics de France qui sert pour des circuits courts locaux. La chaine pour les porcs a été fermée il y a deux ans, et on nous parle de plans sociaux alors que ses trois gros apporteurs développent leur activité dans d’autres sites. »
Jérôme Batret, éleveur d’aubracs en bio et maraicher, président de la coordination rurale de Haute-Loire
« Nous défendons la fierté de vivre de notre métier. On prend en main la commercialisation de nos animaux en faisant nous-mêmes nos factures, ce qui est juste normal par rapport à tous les autres métiers. Nous voulons qu’on nous laisse les moyens de travailler, avec davantage de liberté et on ne veut plus des normes. Le revenu des éleveurs de bovins viande est le premier frein à l’installation.
La région Auvergne-Rhône Alpes est l’une de celles où l’agriculture est la plus aidée. Je vais pourtant toucher mes primes bio de 2023 avec plus d’un an de retard. En parallèle de quoi par exemple moi, je suis contrôlé pratiquement tous les mois en tant que responsable syndical
Au sujet de la gestion des maladies vectorielles, on ne veut pas juste être dépendant des vaccins. On ne veut pas non plus devoir faire de multiples injections aux animaux. Il faudrait que la recherche nous donne des moyens de prévention, peut être des pièges à phéromones, voir ce qu’on peut faire en prévention dans les bâtiments..."