" Les pleureuses "
" Quand elles sont parties au loin et qu'il n'y a pas de parc, le plus difficile, c’est souvent de les rentrer ! En attendant d’y être acculé, l’éleveur se rassure parfois en se disant que ce n’est pas grand-chose et que ça va sûrement passer tout seul. C’est humain. Quant aux maladies transmises par les insectes, elles se fichent pas mal des clôtures, des distances et même des humains.
Dans ce troupeau, vaches et génisses occupent des parcelles voisines quand quelques génisses se mettent à pleurer en fermant plus ou moins un œil, surtout lorsque la lumière est vive. Les mouches qui s’abreuvent aux larmes transportent ainsi la bactérie de la kératite d’été d'une pâture à l'autre et d’une bête à l’autre. Oh ! Ça va sûrement passer... Ça va sûrement passer parce que les vaches ne manifestent rien d’autre qu’un petit larmoiement, comme souvent en été. Si ça n’est pas grave pour les vaches, pourquoi ça le serait pour les génisses ? Parce que les génisses qui n’ont encore jamais rencontré cette bactérie ne sont pas bien équipées pour se défendre. Alors, tout commence par du larmoiement et un tout petit ulcère qui s'étend en deux jours, puis l'œil se ferme, la rougeur apparaît à sa périphérie tandis que la cornée, d'habitude transparente, devient terne puis opaque et jaunâtre au voisinage de l'ulcère qui se creuse… À ce stade, il est grand temps de s'en occuper et de s'occuper aussi d'en éloigner les mouches.
Voilà les génisses déplacées et amenées dans un parc grâce à la main-d'œuvre familiale appelée à la rescousse. Sur le lot de douze, sept sont atteintes soit d'un œil soit des deux, et plutôt que de combiner antibiotique longue action et anti-inflammatoire par voie générale, nous avons opté pour des injections locales sous la muqueuse conjonctivale, très économes en antibiotique. Après trois injections espacées de quelques jours aux plus sévèrement atteintes, l'amélioration est devenue suffisante pour laisser la nature finir le travail. Celles-là au moins ne récidiveront pas l'année prochaine.