Les jumelles prolongent la saga familiale de la maison Robert Bach
Créée en 1962 en Corrèze, la boucherie-charcuterie salaisons Robert Bach a trouvé ses repreneurs. Anne-Sophie et Marie-Laure, les deux petites-filles du fondateur, installées depuis six ans, développent les marchés et l’entreprise.
Créée en 1962 en Corrèze, la boucherie-charcuterie salaisons Robert Bach a trouvé ses repreneurs. Anne-Sophie et Marie-Laure, les deux petites-filles du fondateur, installées depuis six ans, développent les marchés et l’entreprise.
La boucherie-charcuterie salaisons Robert Bach a pris son envol à la suite d’une difficulté de trésorerie. Une histoire peu commune pour cette entreprise située à Brive (Corrèze) dont le laboratoire se trouve dans un quartier plutôt résidentiel. Tout a commencé en 1962 avec la création d’une salaison. « Les clients payaient à 90 jours et les fournisseurs demandaient à être payés à 30 ou 60 jours. Il fallait un mois minimum pour faire sécher les saucissons, l’argent manquait », explique Anne-Sophie Bach, qui gère aujourd’hui l’entreprise avec sa sœur jumelle Marie-Laure. Il fallait développer l’activité autrement, d’où l’idée d’acheter un camion magasin en 1969 et de commencer les marchés, place de la Guierle, cœur historique des marchés brivistes. Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de huit personnes qui travaillent à temps plein dans l’entreprise et toujours dans le même laboratoire. Entre-temps, la flotte de camions a été multipliée par deux. « C’est en rentrant d’un marché que notre vieux camion est tombé en panne, raconte Anne-Sophie. Un collègue nous a prêté le sien et avec ce camion neuf, nous avons fait un très bon chiffre d’affaires. Nous avons alors choisi d’en acheter un neuf et de garder l’ancien pour mettre sur pied une deuxième tournée ». Le nouveau camion acheté en 2013 pour 80 000 € sera suivi d’un deuxième en 2015 (90 000 €). Des investissements conséquents mais sécurisants. « Nous les avons adaptés à notre façon de travailler et il n’y a plus le risque de ne pas avoir de froid en arrivant sur le marché », constate Marie-Laure Bach. En conséquence, « il fallait que nous trouvions des marchés supplémentaires », souligne Anne-Sophie Bach.
De trois à dix marchés par semaine
De trois marchés, l’entreprise passe à dix par semaine et, en été, les foires de pays viennent compléter la gamme. L’organisation des journées est simple : le matin est consacré au marché, l’après-midi au travail de la viande et à la préparation du marché du lendemain. Cette organisation « permet de se consacrer à une seule chose à la fois », estiment les sœurs jumelles de 26 ans. Mais les journées sont longues, de 5 heures du matin à 20 heures le soir, du lundi au samedi. Le dimanche est consacré à l’administratif et au repos, voire à orchestrer de nouveaux projets. Anne-Sophie est également présidente du syndicat des bouchers du département et membre de l’association des marchés de Brive. Pas le temps de chômer. Des enfants ? « Nous n’arriverions pas à les placer dans nos journées ! » répond avec humour Anne-Sophie. L’un des objectifs est donc de se libérer du temps en s’appuyant sur une équipe solide. « C’est notre premier objectif aujourd’hui et l’équipe reste difficile à monter au bout de six ans », continue Anne-Sophie. Deux apprentis, l’un en charcuterie, l’autre en boucherie, viennent la renforcer. « Notre philosophie, c’est la transmission. C’est motivant et parfois lorsque nous n’en pouvons plus, ce sont eux qui viennent nous soutenir ! », raconte Anne-Sophie, sourire aux lèvres. L’entreprise ferme deux fois dans l’année, soit un mois au total.
« Les éleveurs ont su nous trouver ! »
Chaque semaine, l’entreprise écoule un peu moins d’une vache, quatre agneaux en hiver et huit en été, un veau et demi ainsi que quatre à six porcs, achetés à l’abattoir de Brive, situé à dix minutes du laboratoire, ou de Lubersac. « Nous ne travaillons qu’avec des éleveurs locaux. Nous sommes dans l’un des départements les plus privilégiés de France en termes d’élevage », souligne Anne-Sophie. Pour les bovins, les éleveurs appellent la boucherie quand ils possèdent un animal bien conformé. Les autres catégories sont en Label rouge. « Les éleveurs ont su venir nous trouver. Tout le monde joue le jeu et tout le monde est valorisé », relève Anne-Sophie. Actuellement, une vache classée E est achetée environ 5,95 €/kg C à l’abattoir et le veau label rouge près de 10,60 €/kg C. Le rendement carcasse jongle entre 59 et 62 %. Les fabrications varient en fonction des saisons : tripes et boudins en hiver, brochettes et saucisses en été. Le côté traiteur a été volontairement peu développé, car d’autres sur les marchés ont pris le créneau. « Les clients viennent pour la différenciation sur nos viandes, nous laissons mâturer notre viande de bœuf au minimum trois semaines », observe Anne-Sophie. Côté tarifs : rumsteck à 27,90 €/kg, épaule de veau à 22,90 €/kg, blanquette de veau en boîte de 800 g à 24,90 €, bœuf bourguignon en boîte de 800 g à 16,50 €. En 2018, l’entreprise a remporté, parmi 600 candidats, la médaille d’or du concours international de la Confrérie des chevaliers du goûte-boudin de Mortagne-au-Perche en Normandie pour son boudin aux châtaignes (12,50 €/kg). Ce produit peut se retrouver chez le Leclerc de Brive. Mais ce n’est pas l’objectif des petites-filles de Robert Bach, bientôt 91 ans, que de travailler avec la grande distribution. « L’entreprise a toujours séparé ses ventes entre le détail et le professionnel. À l’époque de mon grand-père, 20 % des ventes étaient issues du détail et 80 % des professionnels de la restauration. Aujourd’hui, le ratio s’est inversé », analyse Anne-Sophie.
Des valeurs d’entreprises affichées
La maison Robert Bach se développe avec des investissements réguliers au fil des ans. Pour autant, Robert Bach, resté gérant de son entreprise, ne tire pas de salaire de l’activité et ses deux petites-filles, elles salariées, perçoivent l’équivalent d’un SMIC et ce depuis peu. « C’est notre choix de valoriser les membres de l’équipe et de réinvestir. L’objectif est avant tout de faire vivre l’entreprise », affirme Anne-Sophie. Bientôt devrait s’ouvrir une boutique sur Brive, un nouveau challenge, nécessitant d’augmenter la production et d’embaucher. Au-delà du personnel, la limite reste la taille du laboratoire (200m²) et de l’espace de stockage (150m²). « Nous cherchons un autre local. Mais ce n’est pas facile à trouver car notre zone de recherche est restreinte afin de ne pas rajouter des heures de transport à nos journées », explique Anne-Sophie. Le camion frigorifique, utilisé pour le transport des carcasses, a sa place dans la cour de la maison, avec l’un des deux utilisés pour les marchés. Le troisième est garé tous les soirs sur le trottoir. Il n’a été victime de vandalisme qu’une seule fois. Les sœurs jumelles, toutes les deux diplômées d’une école de commerce et de gestion (EGC), sont accompagnées dans leur projet par un cabinet de conseil. « Nous avons du mal à avoir du recul sur notre activité. Il faut tout gérer et nous avons le nez dans le guidon. Je dis souvent que l’on vit boucherie, on dort boucherie, on mange boucherie ! Ce sont des métiers passions et il est très difficile de se dégager du temps », constate Anne-Sophie. Et, en plus de la boutique, les projets ne manquent pas, comme celui de développer de nouvelles recettes de charcuterie ou un secteur viande haut de gamme (Angus, etc.).
Les sœurs Bach, des « filles à côtelettes » !
Anne-Sophie et Marie-Laure Bach ont fait partie de la campagne publicitaire initiée par Interbev pour le lancement du Club des « Filles à côtelettes » début 2018. Contactées par l’interprofession, il leur était impossible, selon elles, de refuser. Discrètes localement sur cette aventure, elles ont permis cependant de faire mieux connaître le secteur, à la suite de nombreux reportages. Mi-novembre, elles étaient encore en déplacement à Paris, du côté de Rungis, pour promouvoir la consommation de viande à la suite de cette initiative. Dans un milieu plutôt masculin, leur présence interpelle. Même si, dans la famille Bach, il n’y a pas eu de différence entre homme et femme, « nous ne pouvons pas porter des carcasses comme les hommes », constate Anne-Sophie. De fait, cela entraîne une juste complémentarité dans l’entreprise.