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Les fourrages ligneux, une ressource à valoriser et à préserver

En Pays de la Loire, des éleveurs et techniciens travaillent sur la valorisation des fourrages ligneux. Une ressource complémentaire qu’il convient de bien gérer pour la maintenir sur le long terme.

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© V.Bargain

En Pays de la Loire, dans le cadre du projet Climatveg, qui vise à identifier des solutions innovantes face au changement climatique, des travaux sont menés depuis deux ans sur la valorisation des ligneux par dix éleveurs suivis par la chambre d’agriculture et les Civam.

« Les ligneux peuvent offrir une ressource complémentaire qui diversifie la disponibilité alimentaire sur l’année, souligne Simon Logerais, chargé de mission à la chambre d’agriculture. Et si les espèces varient selon le contexte pédoclimatique, les leviers pour les utiliser sont communs et pas si éloignés de ceux de l’herbe. »

Des éleveurs valorisent déjà des arbres en pâturage direct ou rame au sol. Selon Pâtur’Ajust, la valorisation des ligneux varie selon leur accessibilité (hauteur), la persistance du feuillage et l’appétence. Les frênes, ormes, trembles, robiniers, mûriers, alisiers sont autant d’espèces très appétentes.

« Les prunelliers sont aussi consommés et l’aulne est très appétent », note Grégoire Minday, éleveur en Loire-Atlantique. L’appétence varie aussi dans l’année. Les ronces, très appétentes en début de pousse, deviennent fibreuses l’hiver, mais redeviennent appétentes si elles sont gelées. La valorisation dépend aussi de la capacité de repousse, faible sur les espèces printanières, forte pour la ronce. Et elle varie sur l’année.

Les ligneux hauts sont intéressants l’automne et l’hiver, sans négliger les fruits tombés au sol. « Il est possible de valoriser les glands dès lors où les génisses sont habituées à en consommer jeunes et en limitant la durée », assure Simon Logerais. Les ligneux bas à feuilles persistantes sont disponibles toute l’année, ceux à feuilles caduques de la fin du printemps au début d’automne. Les arbres ont aussi un effet sur l’herbe. « Sous un arbre, l’herbe démarre plus tôt, mûrit plus tard, pousse un peu moins dense et repousse en fin d’été », poursuit le spécialiste.

Contrôler le pâturage

Un point important est de veiller au renouvellement de la ressource. « Un pâturage trop intense peut amener l’arbre à monter pour échapper à l’animal, constate Simon Logerais. Il faut recéper régulièrement. Il peut aussi entraîner la mort de l’arbre si les réserves, situées dans les racines et le bois, ne se reconstituent plus au fil des années par prélèvement inadapté et répété des feuilles et tiges. »

Il est conseillé de ne pas tout faire consommer et d’identifier un critère de sortie, « par exemple quand 50 % de la ressource a été consommée ». Le pâturage au printemps et début d’été, période d’élongation des nouvelles tiges, pénalise aussi le ligneux. L’étêtage ou émondage peut ou non favoriser sa survie selon le type de coupe.

La valorisation des fourrages ligneux peut se faire par pâturage direct ou par rame au sol, technique consistant à couper des branches et à les apporter au sol aux animaux.

Et le broyage est peu recommandé. « Après broyage, les ligneux se défendent en diminuant leur appétence, par la lignification rapide des tiges, la fabrication accrue d’épines, l’amertume des feuilles, l’augmentation des toxines. Il vaut mieux couper que broyer. »

Yann Robin, éleveur en Vendée, qui fait pâturer des aulnes, trembles et mûriers, a constaté qu’un aulne cassé à l’automne 2021 n’a pas du tout été consommé en 2022. La question des clôtures est également essentielle, pour que les animaux pâturent les feuilles et jeunes rameaux, mais n’attaquent pas trop fortement le bois ou l’écorce. « Et il faut éviter un pâturage long sur une haie sans clôture, insiste Maëllie Lottier, animatrice technique bocage au Civam 44. Cela peut entraîner le tassement du pied de la haie et le pâturage des repousses et de l’écorce. » Avant d’ajouter : « Dans tous les cas, il faut apporter des fourrages complémentaires pour éviter un impact physique sur les animaux. »

Caractériser le bol alimentaire

​​​​​La quantification des quantités consommées reste difficile. La ferme expérimentale des Etablières, située en Vendée, qui dispose de 32 km de haies, teste le pâturage des haies depuis 2022. « À l’automne 2022, les vaches ont peu mangé les haies, observe Sixtine Fauviot, responsable de la station. En juin, mères et veaux sont allés directement dessus. »

La station travaille sur une méthodologie pour caractériser le bol alimentaire des vaches. La méthode associe l’analyse de la hauteur et de la composition des haies, le comptage des feuilles, fleurs, fruits et longueurs de rameau consommés, le filmage des animaux…

La ferme expérimentale a également planté deux tables fourragères, une sur prairie humide (frêne commun, peuplier noir) et une sur prairie séchante, associant du mûrier blanc et trois variétés d’orme plus ou moins sensibles à la graphiose (champêtre, de Lutèce, vada). Les arbres sont plantés en lignes espacées de 5 m, conduites en taillis ou en têtard, avec des espèces alternées ou des lignes mono-espèces.

Avis d'éleveur : Grégoire Minday, en Loire-Atlantique

« Les fourrages ligneux viennent en appoint du foin, de l’enrubannage ou du pâturage »

 

 
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Grégoire Minday, éleveur de vaches nantaises à Notre-Dame-des-Landes, en Loire-Atlantique © V. Bargain

« J’élève 30 vaches nantaises sur 53 hectares à Notre-Dame-des-Landes, en Loire-Atlantique. Le projet d’aéroport, aujourd’hui arrêté, fait que le bocage a été préservé. Il y a sur la ferme 14 kilomètres de haies. Je souhaite aujourd’hui les entretenir. Comme l’entretien coûte cher, je recherche une valorisation économique des haies, en bois d’œuvre, bois bûche, BRF pour la litière et en tant que fourrage.

Depuis deux ans, je mets les animaux sur des parcelles humides non encloses, pour qu’ils consomment des ligneux. Il y a surtout des saules, mais aussi des trembles, chênes, châtaigniers, alisiers, poiriers sauvages. Les animaux pâturent en direct et j’apporte des branches en rame au sol. En 2022, j’ai coupé des branches avec une perche élagueuse. En 2023, j’ai utilisé une tronçonneuse sur le godet du tracteur. Et nous réfléchissons en Cuma à acquérir une nacelle sur le troisième point du tracteur.

Les chênes et châtaigniers sont moins appréciés, mais les animaux en mangent quand même. Les peupliers, saules, poiriers sont davantage consommés. En 2022, j’avais mis 15 bœufs et génisses, sans fourrage complémentaire. La plupart des animaux sont restés en bon état. Mais avec le piétinement, des racines d’œnanthe safranée sont apparues et des animaux en ont mangé. Quatre de mes broutards sont morts.

En 2022, j’y ai mis aussi des vaches avec leurs veaux, sans apport complémentaire, mais ces dernières ont perdu en lactation. Depuis, j’apporte systématiquement du foin, de l’enrubannage ou de l’herbe sur pied quand je fais pâturer des fourrages ligneux. L’idée est d’être économe, même en été, et d’utiliser le moins possible de terres cultivables. »

 

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