Les exportations sud-américaines de viande bovine battent encore des records
Les pays du Mercosur, notamment le Brésil et l’Argentine, ont battu des records d’exportations en 2019. Début 2020, les niveaux restent élevés, toutefois pandémie de Covid-19 et crise économique dans le bloc sud-américain pourraient venir bousculer cette ascension.
Les pays du Mercosur, notamment le Brésil et l’Argentine, ont battu des records d’exportations en 2019. Début 2020, les niveaux restent élevés, toutefois pandémie de Covid-19 et crise économique dans le bloc sud-américain pourraient venir bousculer cette ascension.
L’année 2019 affiche pour la seconde année consécutive un nouveau record absolu pour le bloc sud-américain, en termes d’exportations. Quatre pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) cristallisent à eux seuls environ 40 % des échanges mondiaux de viande bovine, avec presque 4 millions de tonnes équivalent carcasse (téc) exportées en 2019. Cette hausse résulte notamment de la croissance de la production. Elle croît de 4 % par an depuis 2016, pour atteindre 13,7 millions de téc en 2019, soit un quart de la production mondiale. « Production et exportations sont surtout tirées par le Brésil et l’Argentine qui poursuivent leur ascension en ce début d’année 2020. Mai a encore battu des records ! », souligne Baptiste Buczinski, chef de projet conjoncture viande bovine au département économique de l’Institut de l’élevage.
Des productions disparates selon les pays
Au Brésil, la production poursuit sa croissance grâce à l’amélioration de la productivité des troupeaux et aux prix qui restent incitatifs en vif comme en viande. Et malgré des prix intérieurs incitatifs, le jeu des monnaies fait que les prix brésiliens restent compétitifs sur le marché international.
En Argentine, la hausse de production est plus mesurée après deux années de décapitalisation, en raison de la sécheresse de 2018 et de la crise économique de 2019.
En Uruguay, le cheptel recule à nouveau (- 1 %) comme la production (- 4 %), affectée par un manque de bouvillons. Les exportations de bovins vivants, notamment en 2018 ont été telles qu’en 2019 il manquait de bouvillons à abattre.
Au Paraguay, on observe pour la seconde année consécutive une diminution de la production qui, pour des raisons économiques, est orientée autant que possible vers les marchés exports afin de pallier la chute de la consommation.
Environ 58 % des exportations du Mercosur proviennent du Brésil contre 21 % pour l’Argentine, environ 10 % pour l’Uruguay et autant pour le Paraguay. La Chine et Hong Kong concentrent en 2019, 48 % des envois de ces quatre pays. Année après année, la Chine confirme son intérêt pour la viande mercosurienne. Une croissance des envois est aussi à noter vers le Moyen-Orient. Les expéditions sont plus limitées en termes de croissance (voire décroissance) vers la Russie et le reste du monde, notamment vers l’Union européenne. « Si les exportations vers cette dernière demeurent contenues, la possible entrée en vigueur de l’accord de libre-échange entre le Mercosur et l’UE pourrait changer la donne. Notamment parce que l’Europe reste solvable et intéressante économiquement pour les exportations d’aloyaux. »
Mercosur, entre crise sanitaire et économique
La situation dans les pays du Mercosur est loin d’être stable. « L’Argentine se trouve à nouveau empêtrée dans la crise. L’état d’urgence alimentaire a été décrété en septembre dernier. Au Brésil, la situation n’est guère meilleure. La croissance a été relativement décevante en 2019. La crise politique est latente et ce, au-delà de la crise du coronavirus, le Brésil étant considéré comme nouveau foyer de l’épidémie. Depuis fin avril, la situation sanitaire se complexifie et commence à impacter les abattoirs. Au Paraguay, on observe des niveaux d’importations records. Les opérateurs préfèrent exporter la viande paraguayenne sur le marché mondial plus lucratif et importer depuis le Brésil pour sa consommation domestique avec par conséquent une descente en gamme et ce, pour des questions de pouvoir d’achat. À tout cela s’ajoutent des perspectives bousculées par le coronavirus », rapporte Baptiste Buczinski.
Jusqu’à fin mai 2020, ni la crise économique, ni la crise sanitaire qui touchent le bloc sud-américain n’ont semblé avoir d’effets majeurs. D’ailleurs, la demande de la Chine est restée ferme malgré la pandémie du coronavirus. Toutefois, les perspectives de croissance ou plutôt de décroissance, liées au Covid-19 (selon le Fonds monétaire international) montrent que la zone va entrer en récession ce qui devrait avoir des impacts assez importants sur la consommation et par conséquent, libérer du disponible exportable en 2020. Reste à savoir si le pouvoir d’achat des importateurs sera au rendez-vous. « Les premiers effets devraient se faire ressentir sur la fin de l’année. »
Des perspectives bousculées par le coronavirus
Où en est l’accord de libre-échange UE-Mercosur ?
On le sait, le pré-accord de libre-échange signé il y a un an, entre l’Union européenne et le Mercosur est défavorable à la viande bovine européenne, avec des effets potentiels sur le bien-être animal ou encore sur la biodiversité.
« L’accord demande désormais sa ratification au Parlement européen. Le vote contre des Pays-Bas au parlement ne présage pas du vote au Conseil. Ce vote pourrait avoir un réel impact mais il s’agit d’une motion et pas encore du vote formel sur l’accord qui ne pourra avoir lieu que postratification par le Parlement européen (PE). Pour le moment, il n’y a qu’un accord politique. L’accord doit encore être conclu puis passer par un screening juridique et une traduction dans toutes les langues officielles de l’UE. Tout ceci, avant les votes au Conseil et au PE, ce qui prendra encore du temps… », rapporte Baptiste Buczinski de l’Institut de l’élevage.
Quatre exportateurs dans le top 10 mondial
Sur les cinq pays adhérents du Mercosur (Brésil, Paraguay, Uruguay, Venezuela et Argentine), quatre font partie du top 10 mondial des exportateurs, avec des profils assez différents. On trouve d’un côté, l’Uruguay, petit pays (moins de 4 millions d’habitants) avec plus de 11 millions de têtes et dont la filière bovine est dédiée à l’export. De l’autre côté, le Brésil, pays continent qui compte 210 millions d’habitants et autant de bovins et dont la production demeure affectée à la consommation de la population domestique (75 %), même si le Brésil est le leader mondial sur le marché de la viande bovine. Et, on a l’Argentine au profil un peu plus fluctuant en lien avec l’évolution de la production et les crises économiques qui peuvent toucher le pays.
Des systèmes de production majoritairement à cycle long
« Les systèmes de production de ces pays restent des systèmes plutôt à cycle long (3 à 4 ans). Ils sont dépendants de l’herbe et donc très climatosensibles, même si les dernières années, la proportion d’animaux finis en feedlots progresse en Argentine comme au Brésil. On assiste toutefois à une intensification récente des pratiques, augmentant à la fois la productivité animale et celle à l’hectare. La production augmente aussi car les animaux sont abattus de plus en plus jeunes, de plus en plus lourds et les intervalles vêlages-vêlages se réduisent. La politique des industriels brésiliens (les trois majeurs que sont JBS, Mafrig et Minerva) pousse les éleveurs à plus de technicité même si on reste très loin des standards européens. Il subsiste toujours un enjeu du côté du naissage, point faible de la filière », rapporte Baptiste Buczinski, de l’Institut de l’élevage.
En 2019, la production du bloc sud-américain a de nouveau augmenté d’environ 500 000 tonnes. Avec toutefois, des dynamiques assez différentes selon les pays. Brésil (+ 5 %) et Argentine (+ 1 %) voient leur production en hausse, alors qu’elle est en retrait en Uruguay (- 4 %) et au Paraguay (- 10 %).