" Les craintes sont liées à la portance des sols et au temps de travail "
Shane Bailey est le gérant de PatureSens, un cabinet de conseil en gestion de pâturage. Il organise régulièrement des formations dans la plupart des régions d’élevage.
Shane Bailey est le gérant de PatureSens, un cabinet de conseil en gestion de pâturage. Il organise régulièrement des formations dans la plupart des régions d’élevage.
Les deux craintes régulièrement mises en avant par les éleveurs sont liées à la portance des sols, en particulier lors de la mise à l’herbe, et au temps de travail. Pourtant, avec le pâturage tournant dynamique (PTD), le temps d’occupation est très court. Quand les sols sont peu portants, laisser les animaux 24 à 48 heures sur une petite fraction de la parcelle n’a pas le même impact en termes de piétinement que si on les laisse 5 à 6 jours – voire davantage en cas de pâturage continu - sur l’ensemble de la surface. En allaitant, il y a aussi un frein lié au nombre de lots, lequel est souvent la conséquence du morcellement du parcellaire. C’est une contrainte bien réelle dans beaucoup d’élevages.
Au cours de nos formations, nous nous appuyons toujours sur le témoignage d’éleveurs qui ont mis en place cette pratique. On visite leurs élevages et on analyse comment ils travaillent. Cela suscite beaucoup de discussions. Opter pour le pâturage tournant dynamique signifie forcément passer du temps pour aller voir ses lots et les faire tourner. La possibilité d’avoir recours à cette technique dépend de la localisation de l’exploitation. J’émets certaines réserves pour les estives d’altitude. Quand les parcelles sont à plus de 1 000 mètres, les contraintes liées au climat et au relief font que le contexte est nettement plus compliqué. Pour autant, il y a beaucoup de régions en France où cette pratique pourrait être développée, et en particulier dans les départements spécialisés dans l’allaitant.
Le PTD remet en cause certains aspects liés à l’agronomie et à la production fourragère tels qu’ils ont été enseignés et vulgarisés dans les élevages français pendant des années. Il est compliqué de faire évoluer certaines pratiques quand elles sont devenues des habitudes. Certains lycées agricoles sont très ouverts et curieux, leurs enseignants nous sollicitent régulièrement, mais ce n’est pas toujours le cas. La limite est aussi dans la sélection qui a été menée pour nos races allaitantes. À moins de disposer de prairies à fort potentiel dans des zones favorables, les bovins de grand gabarit, à forte conformation, aux besoins alimentaires conséquents tant sur le plan quantitatif que qualitatif sont désavantagés comparativement à des animaux de format plus modestes, mais moins exigeants.
Certains le font. Ils cherchent à réaliser un copier-coller de ce qu’ils ont vu chez leur voisin ou dans d’autres élevages. Mais ce qui fonctionne ailleurs ne fonctionnera pas forcément chez eux, même s’il y a toujours des exceptions. Le plus souvent, quand ils sont réellement intéressés, les éleveurs finissent tôt ou tard par suivre une formation.
Certains aspects sont quand même difficiles à appréhender seul. C’est particulièrement vrai pour le cloisonnement des parcelles. Certains éleveurs ne le font pas aux endroits les plus opportuns. Il faut alors idéalement tout défaire… avant de tout refaire ! Du coup, certains abandonnent. C’est dommage de ne pas mieux anticiper. On ne devient pas non plus un bon herbager du jour au lendemain.
Dans les départements où le climat subit les influences méditerranéennes (Aude, Tarn voire Lot-et-Garonne), on arrive à faire passer des bêtes 5 à 6 fois par an sur un même paddock. Avec les conditions météo classiquement observées dans les Deux-Sèvres, en Vendée ou même dans le nord du Massif Central, on devrait arriver à les faire passer 7 à 8 fois. Pour les zones les plus favorables (Bretagne, Normandie et certains départements du Grand Est et des Hauts-de-France), on peut arriver à 11 passages si on a bien travaillé.
Le manque d’herbe lié à la sécheresse fait que nous incitons à introduire des espèces (chicorée, plantain…) qui produisent du fourrage au cœur de l’été si la sècheresse n’atteint pas une trop forte intensité. C’est un atout pour accroître le nombre de passages.
Pour un élevage bovin allaitant, le coût lié à la mise en place des clôtures oscille entre 70 et 90 euros par hectare. Ce chiffre correspond à l’achat du fil et des piquets la première année. Pour la mise en place du réseau d’abreuvement, il faut tabler sur une somme sensiblement équivalente.