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Les adeptes de la vente directe réajustent les tarifs

La hausse du prix des carburants, des frais de découpe et de nombreux intrants a contraint les adeptes de la vente directe à revoir leurs tarifs à la hausse. Pour autant, la progression du prix des animaux en filière longue ne les incite pas forcément à réduire cette activité.

© Y.Kerveno - archives

La vente directe est loin d’être une activité marginale pour les tonnages de viande écoulés sur le territoire français. La proportion des animaux destinés à être commercialisés en vente directe ou pour l’autoconsommation est très variable selon les différentes catégories de gros bovins.

La dernière étude de l’Institut de l’élevage intitulée Où va bœuf ? réalisée à la demande d’Interbev et destinée à mieux comprendre vers quels débouchés sont orientées les viandes issues des carcasses des différentes catégories de bovins français permet d’en savoir un peu plus sur le sujet.

D’après ce document publié en 2019 et qui mériterait d’être réactualisé, 8 % des vaches allaitantes et 6 % des génisses issues de ces mêmes troupeaux avaient été commercialisées en vente directe en 2017 ou avaient été destinées à l’autoconsommation (NDLR : l’étude globalise ces deux débouchés). Ces proportions sont nettement plus contrastées pour les mâles. La vente directe aurait concerné cette même année moins de 3 % des jeunes bovins allaitants, pratiquement aucun jeunes bovins laitiers, mais 17 % des bœufs.

Précisons que cet état des lieux concerne les seuls gros bovins et ne fait donc pas mention de ce qui est pratiqué pour les veaux, qu’il s’agisse de veaux sous la mère ou de veaux lourds, type veau d’Aveyron.

L’impact des différents confinements

Les confinements successifs, plutôt favorables au développement de cette forme de commerce, ont pu faire évoluer les ventes. C’est d’ailleurs ce qui ressort d’une enquête réalisée par le RMT alimentation locale (voir ci-contre). Mais plus que les effets des confinements successifs, c’est surtout la progression plus ou moins importante du prix des animaux finis dans les autres différents circuits qui pourrait inciter certains éleveurs à lever le pied sur la vente directe.

En quête de valeur ajoutée, bon nombre des adeptes de ce mode de commercialisation se sont lancés dans cette activité quand les prix des bovins finis étaient particulièrement dépréciés, que ce soit au moment de la première crise de l’ESB ou voici trois ou quatre ans ; quand les prix des femelles finies étaient très en deçà de leurs coûts de production.

Ne pas changer le fusil d’épaule

Même si les éleveurs interrogés pour les besoins de cet article saluent bien entendu la progression des tarifs dans les autres circuits, ils n’entendent pas pour autant changer leur fusil d’épaule. « Nous ne voulons pas laisser tomber ce mode de commercialisation démarré novembre 2019. Même si le confinement nous a bien aidés pour démarrer, on a peiné à se faire une clientèle. On fait tout pour la satisfaire. Et puis si l’an prochain le prix des femelles dégringole dans les filières longues, on sera bien content d’avoir nos fidèles clients », souligne Yoan Bony, en Gaec avec sa mère Agnès à Vernines, un village situé dans l’ouest du Puy-de-Dôme où ils élèvent une soixantaine de mères aubracs à un peu plus de 1 000 mètres d’altitude.

Un avis partagé par Kevin Morel, éleveur à Vroil dans l’est de la Marne. « L’écart de marge entre une génisse commercialisée en vente directe ou chez Bigard est actuellement moins attractif, même si j’ai réévalué mes tarifs. J’en commercialise actuellement une dizaine par an en direct. Et je tiens à continuer car on ne sait pas de quoi demain sera fait. »

Réévaluer ses tarifs

Pour faire en sorte que cette activité conserve tout son attrait, ces adeptes de la vente directe ont comme lui réévalué leurs tarifs. Une décision de toute façon indispensable compte tenu de la hausse de toutes les charges liées à cette activité. « Je vends au moins 90 % de mes volumes sur l’agglomération lyonnaise. En dehors des mois d’août et décembre, je m’y rends tous les quinze jours pour livrer mes commandes », explique Florence Demeule, éleveuse en EARL avec son mari à Rigny-sur-Arroux en Saône-et-Loire avec un cheptel de 40 mères charolaises conduites en bio.

« Après avoir recalculé toutes mes marges compte tenu de la hausse des coûts de transformation et du transport, j’ai augmenté mes tarifs en avril dernier. » Elle a pour cela travaillé en toute transparence avec sa clientèle en leur envoyant un courriel récapitulant la hausse de tous les différents intrants (carburant, charges liées à la découpe, coût du sous vide… ) « Je vends tout au morceau et non en caissette. La hausse est probablement moins durement ressentie que si je vendais des colis de 10 ou 15 kg comportant un assortiment des différents muscles de la carcasse. »

Et de préciser également que sa clientèle lyonnaise dispose globalement d’un certain pouvoir d’achat. « Ce sont des personnes qui ont un réel intérêt pour les produits bio et sont très sensibilisées au fait de pouvoir acheter directement auprès du producteur. »

Même si sa clientèle est manifestement très différente car moins urbaine, Kévin Morel a lui aussi fait évoluer ses tarifs en fin d’hiver. « Actuellement je suis à 12 euros du kilo pour des lots de steaks hachés, 13 euros pour les colis avec un assortiment de tous les muscles et 18 euros pour le colis "prestige" incluant une majorité de muscles à griller, explique le jeune éleveur. Tous les morceaux sont conditionnés sous vide. Ma clientèle ne m’a rien dit. Ils savent de toute façon que je suis plutôt moins cher que dans la grande distribution où la hausse des prix a été sensiblement plus importante ces derniers mois. »

Il s’interroge cependant sur la nécessité d’appliquer une nouvelle hausse cet automne pour maintenir les marges de l’atelier et faire en sorte qu’il continue de permettre une meilleure rémunération comparativement à une vente dans les filières longues.

Modifier la composition des colis

En commercialisant ses caissettes à 17,50 euros du kilo, Yoan Bony estime de son côté être à la limite de ce qui est acceptable pour ses clients habituels. « On a augmenté de 50 centimes en mai, mais on sent bien que l’on ne pourra plus beaucoup progresser. À ce tarif, on arrive à un palier. Notre clientèle n’a pas forcément de gros moyens et nombre de nos clients sont passablement inquiets compte tenu des différentes hausses de tarifs d’ores et déjà annoncées d’ici la fin de l’année. Donc plutôt que de réaugmenter les prix, on a choisi pour cet automne de modifier la composition des colis. »

Selon le poids de la vache ou de la génisse, les colis seront donc légèrement alourdis (12 à 14 kg contre dix auparavant) mais incluront systématiquement une côte, ce qui n’était pas possible avec des colis plus légers. Autre évolution, la quantité de steak haché va légèrement diminuer pour être remplacée par autant de pot-au-feu dans la mesure où même si c’est un produit très apprécié, les steaks hachés sont analysés comme coûteux à fabriquer.

Et de préciser pour autant que ses habituels clients n’ont pas été placés devant le fait accompli. « On leur a clairement exposé notre problématique à la fois sur notre page Facebook mais également de vive voix quand ils sont venus sur la ferme. Mais ils sont compréhensifs et m’ont tous dit de faire comme ça dans la mesure où cela me permet de limiter l’impact de la hausse des frais d’abattage découpe transformation sur le prix du colis. Quand ils viendront chercher leur viande on va aussi leur suggérer de partager avec de la famille ou des amis. Ce sera peut-être aussi un moyen d’élargir notre clientèle ! », reconnaît l’éleveur auvergnat qui estime à 250 le nombre de personnes qui lui ont déjà acheté de la viande sans que ce soient tous des clients très réguliers.

« On propose également du veau. Ce sont des animaux nés en début d’hiver, engraissés sous la mère et complémentés en lait avec une tante. On les fait abattre en cours de printemps. Mais on en fait peu car je ne veux pas avoir d’animaux à l’étable en été quand il fait chaud. Nous avons une bonne demande pour cette catégorie mais nous n’avons pas augmenté les tarifs cette année », reconnaît Yoan Bony.

Il estime que l’image des veaux vendus en vente directe est parfois ternie par certains éleveurs qui proposent une viande de « veau » correspondant davantage à des broutards dont la viande est d’une couleur vraiment soutenue avec surtout des dépôts adipeux nettement insuffisants pour avoir un produit à la fois tendre et savoureux.

Différentes trajectoires selon les producteurs

Pour mieux connaître comment les acteurs de ces circuits ont traversé les semaines et mois qui ont suivi le confinement, une enquête en ligne a été conduite au printemps par le réseau mixte technologique alimentation locale. Elle comportait cinq questionnaires différents afin de croiser les données : vers les producteurs, les consommateurs, les accompagnateurs de circuits courts, les professionnels de l’alimentation (artisans, transformateurs…) et les points de vente en circuits courts.

Plus de 800 réponses ont été recueillies et traitées, illustrant l’ensemble des modes de vente : vente à la ferme, magasins de producteurs, marchés, Amap, boucheries s’approvisionnant directement auprès de producteurs pour une partie de leur gamme, plateforme de commande en ligne en circuit court… La viande bovine fait bien entendu partie des aliments proposés mais c’est loin d’être le seul produit concerné par les producteurs qui ont répondu à cette enquête.

Il n’y a pas de baisse généralisée des ventes en circuits courts, d’après les réponses obtenues. « Au niveau des producteurs (344 réponses), le chiffre d’affaires est le même qu’en 2019 pour plus de la moitié d’entre eux, en hausse pour plus d’un quart, en baisse pour moins d’un quart. La tendance générale est donc à l’augmentation par rapport à avant la crise Covid », précisent les auteurs.

Autre constat, quand les ventes sont en recul, cela ne concerne pas de produit particulier. Aucun mode de vente ne semble pas être plus affecté qu’un autre, même si les ventes sur les marchés ou directement à la ferme semblent les moins pénalisées. Les consommateurs ont visiblement bien modifié leurs achats en circuits courts depuis le début de la crise. « Ceux qui consommaient déjà dans ces circuits avant la crise ont souvent augmenté leurs dépenses, d’autres, nouveaux, ne sont pas forcément restés, ce qui contribue à expliquer certaines baisses de vente. De plus, localement, des consommateurs ont pu changer de circuit court, préférant désormais un circuit plus près de chez eux ou plus pratique. »

Enfin si certains producteurs ayant opté pour les circuits sont en difficulté, c’est aussi souvent lié à un prévisionnel trop optimiste. « Les points de vente en difficulté signalent fréquemment avoir pensé que la demande, très forte pendant le premier confinement, allait durer. Pour y répondre au mieux, ils ont investi, par des embauches ou des équipements. Une demande stagnante depuis quelques mois, alors que les frais de structure augmentent, suffit à créer un sentiment de menace, voire à mettre certains en difficulté économique. »

À savoir

Un circuit court est défini officiellement en France comme un mode de vente mobilisant, au plus, un intermédiaire entre producteur et consommateur. Cet intermédiaire peut être un magasin, une boucherie, un supermarché… Un produit en circuit court n’est pas forcément local, à l’inverse, un produit local n’est pas forcément issu d’un circuit court.

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