« Le plantain est la plante à tanins la plus intéressante »
Christophe Riffaud, éleveur de Limousines en Haute-Vienne, donne de plus en plus de place au plantain dans ses prairies multiespèces.
Christophe Riffaud, éleveur de Limousines en Haute-Vienne, donne de plus en plus de place au plantain dans ses prairies multiespèces.
Christophe Riffaud élève 160 Limousines au Dorat en Haute-Vienne, sur 210 hectares tout en prairies. Il pratique le pâturage tournant depuis une dizaine d’années. Le parcellaire est organisé pour ménager des temps de séjour de deux jours par paddock (au maximum trois jours) pour des lots de 35 vaches suitées, de 38 génisses par an et de 38 vaches de réforme. « Je me suis intéressé au plantain il y a quelques années suite à plusieurs voyages en Nouvelle-Zélande. J’ai commencé par introduire cette plante dans mes prairies multiespèces », explique l’éleveur, qui a depuis rejoint le Geda de son département ayant créé un GIEE (1) sur les plantes à tanins. Christophe Riffaud est très satisfait des croissances obtenues sur des multiespèces « classiques » semées avec deux à trois kilos de plantain et un peu moins de graminées que d’habitude. « Je pèse souvent les animaux. J’obtiens sur ce type de prairies des croissances de l’ordre de 1900 g/jour pour des veaux âgés de sept à huit mois. » L’éleveur met à disposition des veaux au pré un aliment complet riche en maïs, juste dans le but de leur garantir une présentation « commerciale ». « Le jour où le lot entre dans la parcelle, les veaux ne consomment d’ailleurs pas d’aliment », observe-t-il. L’éleveur n’est pratiquement jamais amené à récolter de surplus sur les pâtures. Du fumier est apporté chaque année mais jamais d’engrais. Certaines années, un amendement est épandu.
Enrichir encore en légumineuses les prairies contenant du plantain
Le plantain est bien adapté aux terres acides et supporte les sols hydromorphes (2). Même s’il ne donne pas une quantité de matière sèche très importante, il a l’avantage d’être particulièrement actif pendant l’été et l’automne. Il ne monte pas à graine. Les bovins le consomment sans trier. Christophe Riffaud utilise la variété Ceres Tonic, dont le port dressé facilite le pâturage. Le GIEE estime sa valeur alimentaire à 0,98 UFL/kg MS, 91 g PDIN/kg MS, 15 % de MAT), et 128 g/kg MS de minéraux pour le plantain pur à 16,4 % de MS.
Pour continuer à progresser, Christophe Riffaud expérimente maintenant d’enrichir encore en légumineuses ses mélanges pour pâtures associés à du plantain, dans le but de profiter d’une valorisation encore améliorée des protéines. Au moment du semis, il monte, sur certaines parcelles, à cinq kilos de légumineuses, associés à deux kilos de plantain et quinze kilos de graminées (ray-grass, fétuque, et dactyle pour certaines parcelles). « Pour exploiter ce type d’association, il est indispensable que le temps de séjour des animaux soit court pour ne pas esquinter les plantes », explique-t-il.
D’autre part, il incorpore désormais dans le parcours de paddocks, une parcelle très riche en plantes à tanins. « Cette parcelle de quatre hectares est placée de façon un peu centrale dans le parcellaire pour pouvoir facilement y mener les animaux quand c’est le bon moment et elle est dimensionnée de façon à en faire bénéficier deux lots », détaille l’éleveur. Semée au printemps dernier avec cinq kilos de plantain, cinq kilos de chicorée et cinq kilos de trèfles (blanc et violet) par hectare, elle a été pâturée une première fois début août. Tout s’est bien passé. Ce printemps, elle sera pâturée théoriquement tous les 21 jours pendant deux jours, par un lot de vaches suitées de veaux âgés de quatre mois au moins, dans l’objectif d’éviter le traitement contre les strongles digestifs de ces veaux. « Je déciderai de traiter ou non les veaux au vu des résultats de pesée », décide l’éleveur. Jusqu’à présent, les veaux sont traités en moyenne une fois au cours du printemps avec un strongylicide, au moment où l’éleveur voit, selon les résultats de pesée, les croissances décrocher.
(1) Groupement d’intérêt économique et environnemental(2) voir aussi Réussir Bovins Viande décembre 2015, n°232, p.54 et sur www.reussir-bovins.comUn GIEE sur les plantes à tanins
Créé en 2013, le GIEE de Mézières en Haute-Vienne mène des travaux sur le plantain, la chicorée et le lotier. Les tanins contenus dans ces plantes protègent la structure des protéines dans le rumen et permettent une meilleure assimilation de ces protéines dans l’intestin. La valorisation alimentaire des prairies contenant ce type de plantes s’en trouve améliorée (effet by-pass). Des essais sont conduits chez les éleveurs membres du GIEE pour essayer de quantifier cet effet sur des ovins et des bovins, et pour s’approprier des repères pour bien gérer ces plantes dans les prairies.
Le GIEE explore également l’intérêt des plantes à tanins pour la gestion des strongles digestifs. Les éleveurs du groupe ont réalisé des coproscopies sur agneaux mais n’ont pas mis en évidence pour l’instant de différence entre animaux pâturant des prairies riches en tannins et ceux pâturant des multiespèces « classiques ». Les essais se poursuivent avec l’introduction d’une parcelle très riche en plantes à tanins dans le circuit de pâturage.