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Le pâturage hivernal est une pratique d’avenir

Les prairies fournissent en période hivernale une petite pousse de qualité ou bien des stocks sur pied qu’il est possible d’aller chercher en pâturage avec des bovins viande à condition de respecter certaines précautions.

La qualité de l'herbe d'hiver demeure proche de celle de l’herbe d’automne quand la pousse persiste.
La qualité de l'herbe d'hiver demeure proche de celle de l’herbe d’automne quand la pousse persiste.
© S. Bourgeois

La répartition de la pousse de l’herbe au fil des mois évolue avec le changement climatique avec un effet "année" qui peut atténuer ou amplifier ces évolutions tendancielles. La sécheresse estivale est globalement plus précoce et plus marquée, puis après les périodes potentiellement très chaudes en août voire septembre, une repousse d’automne plus ou moins volumineuse selon les années se présente. Cette repousse n’est pas toujours facile à récolter à cause des conditions humides, mais les bovins vont la chercher en pâturant – ce qui est aussi plus économique. « La pousse s’étage entre 15 et 40 kg MS/ha/jour jusqu’à fin novembre » estime Patrice Pierre de l’Institut de l’élevage. Les données des réseaux de suivi de la pousse de l’herbe montrent que sur l’ensemble de la période d’automne, elle représente 1 à 2 tMS/ha.

« Sur cette période, le dactyle redémarre plus vite que les autres graminées. La fétuque élevée puis le ray-grass anglais sont ensuite les plus poussants. » L’herbe d’automne est composée à 100 % de repousses feuillues. Les gaines sont très basses, les vaches ne peuvent les atteindre en pâturant, et les feuilles s’insèrent au pied du plateau de tallage. Donc un pâturage d’automne ne peut pas pénaliser le développement des futures tiges, à la différence de la pousse de printemps qui passe par une phase de montaison. Sa valeur en énergie et en azote est excellente. On est proche de l’UF, avec un niveau de MAT compris entre celui d’une première coupe et celui d’une deuxième coupe.

Une excellente valeur alimentaire tant que la pousse persiste

Au moment où la température baisse et que le rayonnement du soleil et la durée du jour faiblissent et que l’humidité s’installe – bref quand l’hiver est là – la vitesse de pousse de l’herbe ralentit fortement. « Elle se situe alors entre 0 et 15 kg MS/ha/jour » observe Patrice Pierre. « Les graminées qui ont une assez bonne aptitude à pousser avec des températures basses sont la fétuque des prés, la fléole puis le ray-grass hybride. » La pousse d’hiver peut donc apporter quelques kilos de matière sèche par vache et par jour. « Sa qualité demeure proche de celle de l’herbe d’automne quand la pousse persiste. » L’herbe d’hiver n’est pas riche en eau contrairement à ce qu’on pourrait penser, mais la pluie peut la salir et la rendre moins appétente.

Arrive ensuite une période plus ou moins précoce et plus ou moins longue selon les conditions pédoclimatiques et selon l’année, où la prairie s’arrête complètement de pousser à cause du froid. Cela intervient à O°C ou quelques degrés en dessous selon les espèces prairiales. Le couvert reste alors figé au même stade physiologique et se transforme en stock sur pied. « Sa valeur alimentaire est nettement dégradée. Il représente cependant une ressource pouvant là encore être intéressante à aller chercher au pâturage avec des bovins à besoins modérés » remarque Patrice Pierre. S’ils ne sont pas pâturés en cours d’hiver, les stocks sur pied risquent d’être dégradés par le gel et il ne faut pas trop compter dessus pour le printemps suivant.

L’accès au pâturage en hiver est déterminé par la portance. Toutes les prairies n’ont pas les mêmes aptitudes : les séchantes et superficielles vont bien sûr mieux encaisser le piétinement que les parcelles plus humides de fond de vallée. « On peut déjà définir le circuit de pâturage en commençant par les plus humides pour arriver sur les plus saines en fin d’hiver » conseille Patrice Pierre. Il faut ensuite choisir entre deux options : très peu de chargement ou un temps de présence très court. Et toujours avoir préparé une solution de repli, qui prend la forme en général d’une parcelle « parking » que l’on sacrifie, sur laquelle les animaux restent le temps qu’il faut avec distribution de fourrage.

Les prairies permanentes ont une bonne capacité à se refaire

« Les prairies permanentes, à enracinement profond, ont une certaine capacité à encaisser. Même si visuellement à la sortie de l’hiver elles ne sont pas jolies, au bout de quelques semaines de printemps, on est souvent rassuré » constate Patrice Pierre. L’essai à la ferme de Jalogny dans le cadre du projet Salinov en 2010 a montré que des trous de 8 à 10 cm dans des prairies permanentes en fin d’hiver se comblent. Les prairies temporaires sont plus sensibles au matraquage, même celles qui sont installées depuis deux ou trois ans. « Si des trous dans le couvert sont apparents en fin d’hiver, la flore va évoluer, et en général pas dans un sens favorable. »

Faut-il respecter un « temps de repos » des prairies en hiver ? Et si oui d’un mois, deux mois… ? « Il n’y a rien de référencé. Finalement ce n’est pas une question qui se pose dans ces termes. En hiver comme dans les phases de pâturage des autres saisons, un temps de repos se crée entre deux passages et sa durée est fonction de la vitesse de pousse » explique Patrice Pierre.

Un effet sur la pousse du printemps suivant

La structure de la pousse de printemps est modifiée par le pâturage hivernal. « Si une prairie passe l’hiver avec une certaine hauteur de couvert, l’accès à la lumière est limité et le premier passage des animaux au printemps sera un nettoyage. Les prairies dont la petite pousse d’hiver a été pâturée donnent au contraire une pousse de qualité dès le premier cycle de pâturage du printemps. » Un essai sur vaches laitières de l’Inrae de Saint Gilles (Ille-et-Vilaine) avait montré d’autre part que le pâturage en hiver crée un décalage de la reprise de végétation au printemps. Ce décalage a été chiffré à une journée par semaine de pâturage après le 1er novembre. Par exemple une prairie pâturée dix semaines du 1er novembre au 15 janvier démarre sa pousse du printemps 10 jours plus tard que la parcelle voisine qui n’a pas été pâturée en hiver. Sachant cela, on peut anticiper l’organisation du circuit de pâturage de printemps en conséquence. Cet essai a aussi montré que le pâturage en hiver n’impacte pas le rendement annuel de la parcelle sur l’année - dans la limite où elle n’a pas été fortement piétinée.

 

 

 

Lessivage et bien-être : que sait-on de l’effet du pâturage hivernal ?

L’azote des pissats est sujet au lessivage en période de pluies hivernales, mais étant donné que le chargement des prairies est dans la majorité des cas très modéré ou le temps de passage très court, l’effet est très faible. L’Institut de l’élevage avait produit des références il y a une dizaine d’années sur l’hivernage en plein air des bovins viande associé à un logement en parc stabilisé d’hivernage (projet Salinov à la ferme expérimentale de Jalogny (71), au lycée des Vaseix (87) et à l’Inrae de Laqueille (63)). Celui-ci visait à retenir les animaux en situation de risque de piétinement et à apporter aisément des fourrages. Le parc stabilisé d’hivernage permet un drainage et la collecte des effluents dans une citerne souple (100 à 140 m2 pour 10 à 15 génisses ou 10 vaches gestantes). La charge polluante relevait dans ces essais des effluents peu chargés.

Concernant le bien-être animal, en pratique les éleveurs veillent à faire accéder les bovins à des abris naturels en période de pluies soutenues. L’outil de diagnostic Boviwell a été initialement prévu pour un diagnostic en bâtiment. Quand les animaux sont à l’extérieur, des observations sont faites sur la propreté, la note d’état corporel, les blessures, les troubles respiratoires, les boiteries. Un test d’approche figure aussi dans le référentiel Boviwell dans ce cas pour évaluer la relation homme animal. Un essai sur des brebis hivernées dehors avait exploré ce thème à la ferme expérimentale du Mourier en 2015. Il n’avait pas mis en évidence d’effet du pâturage hivernal sur la santé, le comportement, le bien-être des brebis (note d’état corporel, propreté et humidité de la toison, boiteries, blessures, symptômes respiratoires, état des onglons et de la mamelle, test d’approche).

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