Comment fonctionne le Comité national d’éthique des abattoirs ?
Jean-Luc Angot - "De septembre 2017 à janvier 2019, des débats ont été organisés. Ils ont permis de partager un socle commun de connaissances. Les membres se sentent chacun partie prenante, ils ont appris à se connaître et à échanger des arguments. Un processus de maturation des positions s’est opéré. Le sujet étant tellement sensible, la coconstruction est la seule méthode possible pour arriver à définir des recommandations. L’avis 82 du Conseil national de l’alimentation est un point d’étape. Les travaux doivent se poursuivre pour une évolution harmonieuse des pratiques. La pérennisation du CNEAb est d’ailleurs en bonne voie."
Les recommandations du CNEAb visent à renforcer les bonnes pratiques. Est-ce suffisant ?
J.-L. A - "Il est apparu au sein du CNEAb qu’il n’y a pas nécessité à faire évoluer la réglementation, d’autant plus que la Loi agriculture et alimentation apporte des nouveautés (sanctions renforcées, expérimentations des caméras et de l’abattoir mobile) et que la réglementation européenne est déjà relativement fournie. De la même façon que le « paquet hygiène » depuis 2006 responsabilise les professionnels sur la sécurité sanitaire, il s’agit d’en faire autant pour la bientraitance animale à l’abattoir.
Le CNEAb encourage ainsi les initiatives de grilles d’évaluation de la bientraitance en abattoir par les professionnels, en collaboration avec des associations de protection animale. Cela peut prendre la forme d’autocontrôle et/ou de contrôle par un organisme tiers. L’important est que chaque abattoir définisse sa stratégie, qui sera ainsi adaptée à son établissement. Celle-ci peut prendre la forme d’un étiquetage sur le produit. Il faut cependant harmoniser le tout avec un référentiel unique pour plus de lisibilité au niveau du consommateur."
Que recommande le CNEAb pour l’amélioration de l’efficacité des contrôles officiels ?
J.-L. A - "Chaque service vétérinaire d’inspection en abattoir devrait conduire une réflexion pour optimiser les temps de présence des contrôleurs officiels sur les différents postes et proposer, sous réserve de moyens, une évolution de ce temps de présence en ante mortem en pourcentage de temps de travail. Plus généralement, le CNEAb recommande d’augmenter les effectifs pour renforcer la présence des contrôleurs vétérinaires en ante mortem. Les petits abattoirs sont particulièrement exposés au manque d’effectif. À moyens constants de l’État, ces recrutements doivent être financés par la redevance sanitaire d’abattage. Dans l’attente de nouveaux recrutements, il pourra être envisagé de mener une réflexion sur la répartition des effectifs des services 'sécurité sanitaire des aliments' et 'services de protection animale' des DD (CS) PP."
Comment renforcer la position du responsable protection animale ?
J.-L. A - "Les travaux du CNEAb montrent que le rôle du responsable protection animale doit être réaffirmé, et son statut légalement défini sur le même modèle que celui des délégués du personnel afin de protéger l’indépendance de sa mission. Il doit aussi être intégré dans un réseau au niveau national, géré par les fédérations professionnelles, avec un représentant national du réseau désigné. La possibilité d’un signalement direct par un salarié à un tiers (administration…) doit aussi être organisée."
Que recommande le CNEAb pour améliorer les conditions de travail des salariés dans les abattoirs ?
J.-L. A - "Des améliorations techniques dans certains abattoirs ont permis de soulager les opérateurs des gestes les plus difficiles et les plus répétitifs. Ce type de démarche doit être généralisé et approfondi : réduction du temps de travail, pause, protections, réductions des cadences de travail et de la pénibilité, rotation régulière sur les postes sur la base du volontariat, développement d’outils innovants, tels que l’ergonomie sur les postes et les exosquelettes, formation adéquate pour l’ensemble des personnels concernés. Par ailleurs, il est nécessaire de proposer un suivi psychologique et/ou une cellule d’écoute pour les salariés volontaires."
La co-construction est la pièce maîtresse de ce dispositif