La betterave fourragère a de nombreux atouts pour nourrir les troupeaux de bovins viande
Avec le réchauffement climatique, la betterave fourragère apparaît comme un fourrage aux nombreux atouts. Toutefois, sa conduite demande de l’exigence pour profiter pleinement de sa productivité à l’hectare.
Avec le réchauffement climatique, la betterave fourragère apparaît comme un fourrage aux nombreux atouts. Toutefois, sa conduite demande de l’exigence pour profiter pleinement de sa productivité à l’hectare.
En 10 ans, les surfaces de betteraves fourragères ont connu une augmentation régulière de 50 %. En 2020, on comptait 16 000 à 18 000 hectares de cette culture en France. « Ce regain d’intérêt pour la betterave montre qu’elle a un rôle à jouer dans bon nombre de systèmes », observe Julien Greffier de l’ADBFM (association pour le développement de la betterave fourragère monogerme).
L’intégration de cette culture dans les systèmes revêt de multiples atouts qu’ils soient économiques, zootechniques, agronomiques ou environnementaux. De plus, et l’année 2022 en est la preuve, la betterave fourragère, plante bisannuelle (l’année du semis la plante ne connaît qu’une phase végétative), est plus apte à résister aux aléas climatiques. Ainsi, en cas de sécheresse ou de forte chaleur, même si elle semble faner, elle présente une importante capacité de récupération et de compensation dès les premières pluies de l’automne.
Un retour de la betterave
« Sur notre zone, Deux-Sèvres-Vendée, la betterave avait quasiment disparu. Elle réapparaît depuis dix ans, notamment dans des systèmes basés sur le maïs ensilage. Elle se substitue, sur de petites surfaces au maïs dans l’optique de diversifier les sources fourragères et d’améliorer la résilience des exploitations face aux aléas climatiques », souligne Guillaume Jarousseau de la Caveb.
Dans les zones de culture de la betterave à sucre, « elle se développe également. Les éleveurs rencontrent des difficultés à se fournir en pulpes surpressées de plus en plus utilisées dans les unités de méthanisation et leur coût augmente », rapporte Gaëtan Leborgne, de la chambre d’agriculture de l’Aisne.
Agronomiquement, introduire la betterave dans la rotation permet de diversifier les cultures. « Dans les systèmes de production herbagers, les travaux des chercheurs mettent en évidence la forte capacité d’absorption de la betterave, des nitrates générés lors du retournement d’une prairie. La betterave fourragère peut ainsi limiter le risque environnemental », explique Bruno Osson de l’interprofession des semences et plants (Semae).
Un aliment complet en valeur
La productivité de la betterave fourragère, environ 15 à 20 tonnes de matière sèche à l’hectare, permet de produire une grande quantité d’un aliment concentré en énergie, en mobilisant peu de surfaces. Généralement, de trois à cinq hectares suffisent. Il faut compter environ 5 ares de betteraves fourragères par UGB. Elle présente également des valeurs alimentaires intéressantes (1,15 UF, 53 g de PDIN, 88 g de PDIE - source table Inra) et une faible valeur d’encombrement (0,6). « Elle peut ainsi être intégrée dans des rations composées de graminées et de légumineuses prairiales, sous forme de foin ou d’ensilage et réduire la consommation d’aliments concentrés », souligne Bruno Osson, avant d’insister sur le fait que, « contrairement à ce que l’on peut parfois craindre, la betterave fourragère n’amène pas de germes butyriques. En effet, même s’il y a un peu de terre, il n’y a pas de fermentations et donc pas de développement de germes. »
Grâce à son système racinaire, la betterave valorise bien les sols riches et profonds. Les « terres à maïs » permettront une bonne expression du potentiel de rendement mais encore faut-il bien maîtriser sa culture.
Maîtriser le semis et le désherbage
La betterave n’est pas une culture exigeante en termes de sol s’il est suffisamment profond. « On peut potentiellement en faire partout. Il faut toutefois éviter les sols trop caillouteux et lorsqu’il y en a quelque uns, il est recommandé d’investir dans un godet spécialement conçu pour trier les pierres », précise Julien Greffier.
La date de semis représente une clé de la réussite de la culture. Pour assurer une levée homogène et garantir un rendement optimal, la qualité de préparation du sol (terre fine et rappuyée), les conditions (température du sol de 8 degrés…) et la profondeur de semis (2-3 cm) seront des éléments importants. La vitesse de semis doit être relativement lente, environ 4 km/h et il convient de semer entre 120 000 à 130 000 graines/ha pour obtenir le peuplement souhaité avec un écartement de 45 ou 50 centimètres.
Une forte attention est également à porter au désherbage, au risque de compromettre fortement le rendement. Le désherbage chimique s’effectue à faible dose pour minimiser la phytotoxicité (le chénopode et la betterave sont de la même famille botanique). Un premier traitement doit intervenir dès le stade « point vert » des adventives (10 à 15 jours après le semis), puis un deuxième, voire un troisième traitement sont nécessaires, espacés de 8 à 10 jours maximum. « Le désherbage n’est pas difficile mail il demande de la rigueur ! Le point essentiel est de respecter le délai entre les passages. Dix jours d’intervalle, ce n’est pas 12 ! », insiste Julien Greffier.
Des besoins en azote modérés
A partir du stade 4 feuilles des betteraves et jusqu’au recouvrement des rangs, le désherbage mécanique est conseillé en relai du désherbage chimique. Il permet de réduire l’IFT et le coût de la culture.
Les besoins en fumure de la betterave sont supérieurs à ceux du maïs. Les apports en azote sont modérés (environ 250 kg/ha). En ce qui concerne la fertilisation phospho-potassique, la betterave fourragère est exigeante (130 unités d’acide phosphorique pour 15 tMS/ ha et 480 unités de potasse pour 15 tMS/ha). Responsables de la maladie du cœur noir, les carences en bore peuvent s’avérer très préjudiciables sur le rendement final. Une attention particulière est également à porter à cet élément.
En cas de maladie du feuillage au début de l’été, il est recommandé d’appliquer un traitement fongicide polyvalent sur la culture. Les feuilles assurent l’activité photosynthétique des plantes et doivent par conséquent être indemnes de maladies pour ne pas affecter la productivité et la conservation des racines.
Mécanisable du semis à l’auge
Gros frein au développement de la culture en dehors des régions productrices, aujourd’hui, du semis à l’auge, la betterave est mécanisable. La récolte reste l’élément déclencheur de la mise en place de la culture. « Se regrouper à quatre-cinq éleveurs peut être une solution. La betterave peut aussi se cultiver à façon par un céréalier voisin », note Bruno Osson. Le pâturage est également un moyen de s’affranchir de cette problématique.
« Avec des betteraves dans les rations on entend souvent dire de la part des éleveurs qu’elles éloignent le vétérinaire. C’est en effet une plante fraîche distribuée au cœur de l’hiver. De plus, la présence de la betterave dans une ration en améliore sa digestibilité globale », rapporte Bruno Osson. Certains éleveurs font le choix de la donner entière pour simplifier la distribution. D’autres préfèrent la broyer. Elle peut être intégrées dans les rations de toutes les catégories. A hauteur de 4-5 kg de MS pour les vaches allaitantes. Pour les jeunes bovins, on donne un peu moins de matière sèche pour ne pas avoir une ration trop acidogène.
Une conservation en silo
La betterave fourragère est destinée à être stockée à l’état frais, en silo. Sans aucune fermentation, les racines pourront se conserver pendant tout l’hiver. Il convient pour limiter les dégradations au silo, de ne pas stocker des racines malades, blessées (pendant l’arrachage) ou qui ont subi des gelées. « Pour que la betterave respire, en favorisant une ventilation naturelle, le tas ne doit pas être trop haut. Aujourd’hui, il existe des bâches spécifiques. Le stockage monopolise de la place, il faut également l’anticiper », observe Rémy Pigneaux d’Agro-fourrages.
Quelle variété choisir ?
« On distingue trois types de betteraves fourragères, classés en fonction de leur pourcentage de matière sèche qui va de 12 à plus de 20 %. Le choix de la variété est à raisonner selon son mode de distribution : betterave pâturée, distribuée entière ou en morceaux », explique Rémy Pigneaux d’agro-fourrages.
- Les betteraves moyennement riches en matière sèche sont les plus tendres et peuvent être pâturées et/ou distribuées entières aux animaux.
- Les riches en matière sèche sont un compromis entre rendement et taux de matière sèche. Elles se conservent mieux. Il est préférable de ne pas les donner entières aux animaux.
- Les très riches en matière sèche, les plus présentes, sont aussi les plus productives (rendement maximal de MS à l’hectare. Leur teneur élevée en sucres solubles les destine à des rations bien adaptées. Elles doivent être distribuées en morceaux.
Le pâturage, une alternative
Si le parcellaire le permet, la betterave fourragère peut se pâturer. L’éleveur s’affranchit alors du coût de la récolte-distribution. Il faut alors choisir une parcelle contiguë à une prairie et envisager le pâturage au fil déplacé quotidiennement du 15 août au 15 octobre (laisser pâturer 2 heures). Il faut compter 3 mètres de front sur 2 rangs de betteraves par animal, soit environ 3 m² par vache et par jour. La vache déracine la plante et consomme autant les feuilles que les racines, sachant que la betterave avec ses feuilles, c’est 90 g de PDI.
Le pâturage de la betterave ramène un aliment frais au mois d’août quand les animaux n’ont que du sec. Attention toutefois à avoir une ration tampon à côté (foin ou autre).
Pour en savoir plus
SEMAE, en partenariat avec l’ADBFM, finance et anime, depuis près de 40 ans, un réseau d’essais qui permet d’évaluer les variétés de betteraves fourragères. Sur le site de l’ADBFM (http://www.betterave-fourragere.org/), de nombreuses informations sont également disponibles.
De l’innovation variétale pour faciliter la culture
La sélection s’est portée sur la productivité et la résistance aux maladies (rhizomanie, rhizoctone brun) qui peuvent s’avérer pénalisantes pour la betterave.
Depuis quelques années, l’innovation variétale a permis également de proposer aux éleveurs l’activation des semences. « Les semences activées se sont aujourd’hui largement imposées sur le terrain. Ce procédé consiste à initier les premières étapes de la germination des semences d’où une meilleure homogénéité à la levée et une vitesse de germination accrue. Cela permet, notamment en conditions de sol froid, de gagner quelques jours essentiels pour limiter la concurrence avec les mauvaises herbes », indique Julien Greffier, de l’ADBFM.