La besnoitiose est transmise par les insectes et disséminée par le camion
Maladie transmise par les insectes mais surtout diffusée par le déplacement des bovins, la besnoitiose s’étend. En l’absence de traitement efficace et de vaccination, le dépistage précoce et l’élimination des positifs sont les seuls moyens de lutte.
Maladie transmise par les insectes mais surtout diffusée par le déplacement des bovins, la besnoitiose s’étend. En l’absence de traitement efficace et de vaccination, le dépistage précoce et l’élimination des positifs sont les seuls moyens de lutte.
« La besnoitiose atteint toutes les races, laitières ou allaitantes, et tous les types d’élevage, avec de graves conséquences économiques (avortements, chute de lactation, mâles stériles, non-valeur économique à la vente). Et il n’existe pas de vaccin », expliquait Florence Poret, vétérinaire conseil au GDS du Cantal lors d’une journée organisée dans ce département afin de mieux faire connaitre cette maladie. En effet, la besnoitiose est souvent méconnue. C’est d’ailleurs ce qui expliquerait son diagnostic tardif. La détection se fait classiquement par le repérage d’un premier cas clinique, mais à ce stade, la maladie est déjà fortement présente. Parfois appelée anasarque ou maladie de la peau de l’éléphant, la besnoitiose est liée à la présence dans l’organisme d’un protozoaire : Besnoitia Besnoiti. C’est un parasite microscopique. Il se transmet d’un bovin à un autre par des insectes piqueurs, vecteurs de cette maladie, expliquant aussi son pic d’apparition en été. Deux catégories d’insectes sont incriminées. D’abord les taons, dont l’activité saisonnière est strictement extérieure mais également les stomoxes, un insecte qui ressemble à une mouche domestique. Il vit à l’extérieur et dans les bâtiments de mars à novembre avec des nuances selon les régions.
Transmission de « proximité » par les insectes
Le comportement des insectes aux abords des troupeaux et le fait qu’ils soient souvent dérangés au cours de leur repas seraient une des causes à même d’expliquer la transmission de la maladie. L’insecte pique un animal infecté. Dérangé par la queue ou les mouvements de sa « victime » en cours de repas, il n’a pas le temps de le finir. Il s’envole mais se repose au plus vite sur le même bovin ou sur son voisin situé à proximité pour reprendre son repas. « La probabilité de contamination du premier bovin piqué au second est élevée si la distance entre les deux animaux est de moins de cinq mètres. Elle est faible si cette distance est comprise entre 5 et 10 mètres et très faible au-delà de 10 mètres », souligne Sophie Rozière, vétérinaire praticien dans le Cantal et chargée de la présentation de cette pathologie. C’est ce qui explique que la besnoitiose soit susceptible de se propager rapidement dans un même lot quand un des bovins est porteur et que la météo est propice à l’activité des insectes. La transmission peut également avoir lieu lors de soins ou quand le matériel d’injection utilisé n’est pas à usage unique.
La probabilité de diffusion entre cheptels d’exploitations différentes est moindre, mais non négligeable quand des lots occupent des parcelles proches. Cette probabilité est d’autant plus importante que les lots se côtoient le long de clôtures mitoyennes.
Dissémination en camion
La besnoitiose est en expansion géographique depuis la fin du XXe siècle. En France, sa présence s’est longtemps cantonnée à quelques vallées pyrénéennes. Mais depuis le début du XXIe siècle, elle diffuse du Sud vers le Nord et concerne désormais une cinquantaine de départements dont une grande partie de la moitié Sud. Deux cas ont été mis en évidence cet été en Belgique. Cette dissémination sur des grandes distances n’est pas le fait des insectes. La maladie se déplace aussi en camion ! « Tout comme la BVD, la besnoitiose est une maladie qui s’achète très bien !, poursuit Florence Poret. Les possibilités de diffusion intercheptels sont surtout liées à l’absence d’assainissement des cheptels infectés d’éleveurs vendeurs, mais également aux retours de transhumance ou de pension non contrôlés. » Pour autant, c’est une maladie non réglementée. Elle ne fait donc pas l’objet de dépistage obligatoire.
La meilleure façon de ne pas contaminer son troupeau est d’abord de ne pas acheter d’animaux porteurs, mais également de ne pas avoir de cheptels porteurs dans un environnement proche. Tous les bovins infectés ne présentent pas le même potentiel contaminant. Cette maladie n’est susceptible d’être guérie qu’au cours de sa phase initiale (lire encadré). Cependant, traités et guéris (en apparence), les animaux restent porteurs et demeurent des « réservoirs ». Ils peuvent également rechuter. Les délais d’évolution laissent la possibilité de les engraisser après les avoir isolés. Mais ils devront être éliminés sans tarder dans la mesure où ils restent porteurs et constituent autant de réservoirs. La besnoitiose n’est pas une zoonose. La viande est consommable.
Trois phases successives
Une fois l’animal contaminé par l’insecte qui lui transmet le protozoaire, la maladie évolue en trois phases. « Mais il peut y avoir des variations individuelles dans l’expression des signes cliniques », explique Sophie Rozière, vétérinaire dans le Cantal.
1- La phase fébrile
Elle a lieu 6 à 10 jours après la contamination et dure de 3 à 10 jours. L’animal s’isole, perd l’appétit et présente une forte fièvre (40-42 °C). Ses yeux et son nez coulent. Il est essoufflé, souffre de photophobie (crainte de la lumière). Sa peau devient congestionnée, chaude et douloureuse avec des œdèmes de la peau, de la tête et du cou. Il est parfois possible d’observer des lésions congestivo-hémorragiques sur les trayons et de possibles avortements. C’est au cours de cette seule première phase de la maladie (pas forcément la plus facile à détecter) qu’il est possible de soigner les animaux. « Mais à ce stade, la besnoitiose peut être facilement confondue avec d’autres maladies infectieuses », précise Sophie Rozière.
2- La phase des œdèmes
Elle suit la précédente et dure une à trois semaines. La température redevient normale. Les œdèmes restent visibles sur la tête, au fanon et à l’extrémité des membres. La peau demeure chaude et douloureuse. La démarche est raide avec fréquemment des crevasses au niveau des plis des articulations. « À ce stade, la besnoitiose peut être confondue avec la FCO, le coryza gangréneux, l’ehrlichiose et ou une photosensibilisation », précise Sophie Rozière.
3- La phase chronique
Elle démarre environ six semaines après le début de la maladie et peut persister plusieurs mois. C’est la phase la plus « spectaculaire » avec des symptômes caractéristiques. La peau s’épaissit, se plisse et se cartonne d’où le nom de maladie à « peau d’éléphant ». Les poils tombent et se raréfient. L’animal maigrit et a des difficultés pour se déplacer. À signaler la possible présence de kystes sur la sclère, membrane blanche de l’œil sous la paupière. À ce stade l’animal est une non-valeur économique.
Éliminer la besnoitiose dans un troupeau passe par la détection des animaux malades, leur isolement puis leur élimination au plus tôt.
Détecter, isoler et éliminer
Attention, un bovin positif ne manifeste pas tout de suite les symptômes caractéristiques mais pour autant il propage la maladie sans que cela ne soit visible. « Lorsque le premier cas clinique apparaît dans un troupeau, il y a souvent déjà plus de 20 % de bovins positifs. », précise Christian Boulon, responsable des GDS Loire et Ardèche. Il va donc sans dire qu’un dépistage systématique est conseillé lors d’achat de reproducteurs. « Quand on investit une certaine somme dans des animaux inscrits on est en droit de demander des garanties à leurs vendeurs », souligne Christophe Moulin, président du GDS de l’Indre. Et ce dernier de conseiller la signature d’un billet de garantie conventionnelle qui permet de ne pas prendre l’animal ou de le rendre s’il est positif.
Une fois l’animal arrivé chez son acquéreur, il convient dans l’idéal de l’isoler puis de refaire une analyse trois semaines après son arrivée. Il est évidemment conseillé de s’interroger quand on détecte des « phases fébriles » sur un ou des animaux au pâturage, et si possible, rentrer tout bovin qui s’arrête de manger ou reste isolé.
En cas de présence avérée de la maladie, il convient de prélever du sang sur la totalité des bovins de plus de 5 mois, pour effectuer une sérologie individuelle. Cela permet d’évaluer l’intensité de l’infection dans le troupeau (prévalence) et de choisir une stratégie de contrôle. Plus on laisse la besnoitiose s’installer, plus sa gestion devient difficile. « Le dépistage précoce et l’élimination des positifs restent les seuls moyens de lutte, insiste Christian Boulon. La plupart des GDS ont des plans d’aide départementaux pour gérer cette maladie, qui s’ajoutent au plan national élaboré par la FNGDS. »
Dans les zones où la maladie est bien présente, il est conseillé de profiter des campagnes de prophylaxie pour faire des analyses à intervalles de temps réguliers sur les bovins adultes pour anticiper. Les animaux suspects doivent immédiatement être isolés dans l’attente d’une confirmation du résultat et dans l’idéal éliminés au plus tôt.
Quatre mesures sanitaires de base
• Éliminer au plus tôt les bovins qui ont exprimé la maladie, car ils sont porteurs du parasite et sont susceptibles de le diffuser à leurs congénères en période d’activité des insectes vecteurs ;
• Évaluer la séroprévalence dans le cheptel (sur tous les animaux de plus de 6 mois) et éliminer rapidement tous les porteurs ;
• Informer les élevages du voisinage ou en lien épidémiologique (ventes, estives collectives, concours) pour qu’ils s’enquièrent eux aussi d’une éventuelle présence de la maladie dans leur cheptel ;
• Faire des contrôles systématiques à l’achat.