"Je produis mes betteraves fourragères en entraide avec deux collègues"
Aux confins de la Saône-et-Loire, de l’Allier et de la Loire, Jérôme Beauchamp a opté en 2018 pour la betterave fourragère. Cultivée en entraide avec deux autres éleveurs, elle diversifie ses ressources fourragères et de début novembre à fin avril tous ses animaux en bénéficient.
Aux confins de la Saône-et-Loire, de l’Allier et de la Loire, Jérôme Beauchamp a opté en 2018 pour la betterave fourragère. Cultivée en entraide avec deux autres éleveurs, elle diversifie ses ressources fourragères et de début novembre à fin avril tous ses animaux en bénéficient.
« Avant mon installation en 2016, la ferme familiale était composée de 160 hectares, dont 140 de prairie naturelle, 5 d’une association ray-grass hybride/trèfle violet et 15 de céréales autoconsommées pour 80 vêlages en système naisseur pour les mâles, complété par 80 brebis charollaises », explique Jérôme Beauchamp, éleveur à Chambilly dans l’ouest de la Saône-et-Loire.
En six ans, la ferme a bien évolué. « Aujourd’hui je suis en individuel avec un apprenti sur 222 ha. Les 140 vêlages sont répartis sur deux périodes (septembre-octobre et mars-avril) en naisseur engraisseur et 150 agnelages là aussi sur deux périodes. » Désormais tous les animaux sont finis et le système fourrager s’est diversifié à la faveur de l’extension des surfaces.
Les 222 ha sont répartis entre 110 ha de prairie naturelle en pâturage tournant, 15 de luzerne + trèfle, 15 d’une association ray-grass hybride trèfle violet, 21 de blé essentiellement vendus, 21 de triticale autoconsommé, 10 de maïs ensilage sans dérobée préalable destiné à l’engraissement et 15 de maïs semé derrière RGI pour partie vendus sur pied à un voisin sans oublier bien entendu les 4 ha de betterave fourragère.
Diversifier et sécuriser les stocks
Cette décision de diversifier les ressources fourragères découle d’un BTS passé dans un établissement des monts du Lyonnais, une région à dominante laitière où les systèmes fourragers sont plus intensifiés que ceux du bassin charolais. « Un stage chez un naisseur engraisseur m’a aussi donné des idées et le fait d’avoir été secrétaire général des JA de Saône-et-Loire au sein d’un groupe passionné par la technique et l’entraide a fait le reste. Un de nos collègues est originaire du Nord et connaît bien la betterave sucrière. Nous voulions diversifier et sécuriser nos stocks dans un contexte de sécheresses estivales plus fréquentes et intenses. » Le matériel a été acheté d’occasion à trois, dans une ferme du Jura.
« Pour 8 000 euros, on s’est équipé d’une effeuilleuse et d’une arracheuse. Sur nos trois fermes, on cultive une douzaine d’hectares par an. On travaille ensemble pour le semis et la récolte mais chacun achète ses phytos. Nous avons un groupe sur Messenger. On est cinq dans ce groupe. Deux avec qui je partage le matériel et les deux autres ont leur propre équipement car trop éloignés de nous. On se tient au courant de ce que l’on fait côté betteraves mais pas uniquement. On se donne des tuyaux pour éviter aux uns de reproduire les erreurs des autres ! »
Premiers essais difficiles pour la betterave fourragère
Les premiers semis datent de 2020. La première année le rendement a été minable : 20 tonnes brut/ha. C’est la conséquence d’un cumul d’erreurs : parcelles mal choisies, sols mal préparés, météo désastreuse, attaques d’altise et puceron. « Cela aurait pu nous décourager, mais nous avons persévéré. On a surtout appris à anticiper la préparation des parcelles et du lit de semences en intervenant au bon moment. Il faut semer dans une terre travaillée un peu comme celle d’un potager et non comme pour une céréale ou même un maïs. »
Les trois éleveurs sèment leurs betteraves début avril avec un semoir monograine six rangs. « J’utilise la variété Sumo à 125 000 pieds/ha. Il faut cette densité pour avoir des racines homogènes. Si la densité est inférieure, il y en a des grosses et des petites et c’est moins facile à ramasser », ajoute Jérôme Beauchamp qui confirme la nécessité d’être pointu et méthodique pour le désherbage dans les semaines qui suivent la levée.
Les betteraves sont ensuite binées fin mai, soit un bon six semaines après le semis avec un tracteur monté sur roues étroites. « La culture doit être bien propre. Quand il y a autre chose que des racines dans le tas (tiges, feuilles, herbe…), cela accélère nettement le pourrissement. » La fertilisation est conséquente comme il se doit. À savoir avant labour environ 20 tonnes de fumier de litière accumulée où le principal composant consiste en des déchets verts récupérés dans une déchèterie proche auxquels s’ajoutent 20 tonnes de fumier des aires de raclage, 150 kg de potasse et 150 kg d’urée.
« Pour la récolte, on utilise un 130 cv avec une effeuilleuse à l’avant et arracheuse chargeuse à l’arrière. Je le conduis et mes deux collègues suivent avec les bennes. Pour 4 ha, on compte une petite journée à trois quand ça se passe bien côté matériel car avec des outils vieillissants tout ne se déroule pas forcément comme on le souhaiterait. »
Les betteraves fourragères en engraissement et à l'élevage
Les betteraves sont stockées à l’extérieur sur une surface bétonnée pour en faciliter la reprise et sont recouvertes d’une bâche en géotextile quand de grands froids sont annoncés. Le tas fait approximativement 6 mètres de large pour 3 mètres de haut et sa longueur dépend d’abord du rendement !
« Avec 110 t/ha l’an dernier je ne savais pratiquement plus où les mettre ! Cette année je table sur environ 80 tonnes/ha. Même si les rendements fluctuent d’une année sur l’autre, avec la betterave on est certain d’obtenir un produit qui chaque année est à 1,15 UF/kg de MS. »
Au départ Jérôme Beauchamp pensait surtout l’utiliser pour l’engraissement et finalement de début novembre à début avril, pratiquement toutes les catégories en bénéficient. « On s’est rendu compte qu’il est intéressant d’incorporer une part de betteraves dans les rations des bêtes d’élevage et en particulier en période de mise à la reproduction. Son faible encombrement et sa bonne valeur alimentaire permettent de l’associer avec des ensilages de ray-grass ou des luzernes en fauche précoce pour limiter au maximum les apports en concentré. »
Côté coût de production, si on comptabilise les seuls intrants achetés à l’extérieur et sans inclure l’amortissement du matériel et le carburant, Jérôme Beauchamp est cette année à 565 €/ha, lesquels se décomposent en 81 €/ha pour la potasse, 97 €/ha pour l’azote, 272 €/ha pour la semence, 95 €/ha pour les désherbants et 20 €/ha pour l’insecticide. Dernier atout de la betterave : « c’est un excellent précédent pour le blé qui est semé immédiatement derrière ».
Distribuées dans la ration complète
Les betteraves sont intégrées à la ration complète et donc distribuées à la mélangeuse. « Je mets la quantité souhaitée avec le chargeur dans la mélangeuse de 21 m3 à vis verticale. Je laisse tourner un petit quart d’heure avec uniquement les betteraves. Quand elles sont bien découpées, je les décharge sur la dalle bétonnée. Je place ensuite les autres composants de la ration pour les vaches suitées et en l’exprimant en quantités brutes/tête, 25 kg d’ensilage de RGH + TV, 10 kg de betterave, 10 kg d’ensilage de maïs et 2 kg de paille et pour les bêtes à l’engrais (vache ou JB) 15 kg d’ensilage RGH + TV, 15 kg de maïs ensilage, 15 kg de betterave, 2 kg de paille, 2,5 kg de tourteau à 29 % de MAT et 2,5 kg de céréales. Une fois mélangée, je rajoute la quantité souhaitée de betteraves que je viens de couper. Je mélange rapidement et je distribue. » Avec ce type de ration, les vaches en finition prennent une moyenne 1,2 kg/j et les jeunes bovins 1,6 kg.
Projet de valorisation des feuilles par les brebis
Jérôme Beauchamp s’interroge actuellement sur l’opportunité de faire passer un lot de brebis quelques jours avant la récolte avec un pâturage rationné avec fil avant et fil arrière. Cela permettrait aux brebis d’utiliser les feuilles et donc de les valoriser, mais également de diminuer le volume de ces feuilles pour une récolte plus aisée avec simultanément le fait d’alimenter à bon compte le lot de brebis au cours des une à trois semaines précédant la récolte.