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Création d'atelier : « J’ai joué la carte de la diversification de mon système en polyculture-élevage »

Fabien Perrot, cinquième génération d’agriculteurs, a pris la relève sur la ferme familiale céréalière, à Germainville en Eure-et-Loir en 2018. Dès son installation, il a introduit un troupeau allaitant qu’il a calibré de façon à trouver le juste équilibre entre ses différents ateliers. L’objectif, diversifier son système et réduire sa dépendance aux intrants.

Dans cette région où les champs de céréales s’étendent à perte de vue, le système façonné par Fabien Perrot détonne. Lorsque le trentagénaire décide de s’installer sur la ferme familiale en 2018, pour anticiper le départ en retraite de son père, il entame une conversion en agriculture biologique et introduit un troupeau bovin de race Angus. « Ce choix de basculer en polyculture-élevage, loin de la norme dans le secteur, a nécessité une certaine argumentation auprès des banques », concède l’exploitant.

Avant de sauter le pas, Fabien a mûrement réfléchi son projet, enrichi au cours de son parcours professionnel et de ses nombreux voyages à l’étranger en terres d’élevage (Argentine, Brésil, Australie, Nouvelle-Zélande, Croatie…). Pour lui, la voie d’avenir réside dans une conduite « écologiquement intensive, où le potentiel du sol est pleinement exploité tout en respectant l’environnement ». Pour se défaire de l’achat d’engrais chimiques, la création d’un atelier d’élevage a été la clé. « Aussi, la spécialisation en grandes cultures ne me paraissait pas être une stratégie très sécurisante et j’aspirais à autre chose. Je partais d’une exploitation économiquement saine. C’est une opportunité que j’ai saisie pour changer de modèle et investir. »

« J’ai la chance de n’avoir subi aucune pression à mon installation. Je me suis lancé quand je me suis senti prêt et je ne changerai de métier pour rien au monde aujourd’hui ».

Réfléchir à un agencement du parcellaire cohérent et pratique

Petit-fils du côté maternel d’un éleveur d’aubracs et de salers dans le Massif central, c’est tout naturellement que Fabien s’oriente vers l’acquisition d’un cheptel allaitant. Les premières vaches Angus arrivent dès l’année de son installation. L’éleveur avait dégoté une occasion d’acheter une quinzaine de génisses dans le Loiret ainsi que quelques bœufs d’1 an pour se lancer dans la vente directe sans trop tarder. « L’achat d’un seul lot induisait forcément une qualité plus hétérogène mais je préférais que tous les animaux proviennent du même élevage pour des questions sanitaires », explique Fabien. L’exploitant fait le choix d’une conduite en plein air intégral, afin d’éviter d’alourdir ses investissements avec la construction de bâtiments d’élevage. « Les sols assez portants le permettent et l’Angus est une race rustique, facile à élever et capable de grossir à l’herbe. »

Fabien n’a pas lésiné sur les moyens pour s’assurer un parcellaire ultrafonctionnel et imbriqué entre les surfaces dédiées aux cultures et celles pour le pâturage. Sur un bloc de 170 hectares sur sa commune, un réseau d’eau de 8 kilomètres a été mis en terre (300 000 €) (lire l’encadré), et des clôtures permanentes (65 000 €) ont été installées. Les animaux, conduits en pâturage tournant dynamique, changent de paddock tous les jours.

La conduite des Angus a aussi été réfléchie de sorte à ne pas appesantir la charge de travail sur l’exploitation. « Les vêlages se déroulent sur une seule période au printemps, pour caler le pic de pousse de l’herbe avec le pic de lactation des vaches, mais aussi parce qu’ils s’intègrent bien avec le planning de travail pour la gestion des cultures », rapporte Fabien.

Trouver la bonne imbrication entre les différents ateliers

La création de l’atelier bovin s’est accompagnée de la réimplantation de prairies majoritairement temporaires et de luzerne sur des cycles de quatre ans. « Le semis de couverts végétaux l’été, à la suite des cultures d’hiver, constitue aujourd’hui un des piliers du système pour l’enrichissement des sols », précise Fabien. Les efforts de regroupement et de jonction par des chemins garantissent un passage facile des animaux dans toutes les parcelles. Le pâturage des couverts réduit les charges mécaniques pour leur destruction et rentre dans la stratégie de fertilisation grâce aux déjections des vaches. Cette synergie entre les différents ateliers, c’est le fil rouge de la ferme de Germainville. « Je considère cela comme une chance d’être parti de zéro. Le démarrage a nécessité un travail important pour aboutir à un système cohérent mais les heures passées sur géoportail payent aujourd’hui », indique-t-il.

En rythme de croisière, l’éleveur s’est fixé un seuil maximum à 150 UGB pour limiter l’augmentation des surfaces fourragères au détriment des cultures. Il ne produit que 40 % des fourrages destinés à l’alimentation du troupeau mais l’atteinte d’une autonomie totale ne fait pas partie des priorités.

Autre gros chantier à souligner, l’implantation de 850 mètres de haies. « Elles protègent les bovins contre la chaleur, le froid, le vent et les intempéries. Les haies représenteront, à terme, une production de bois intéressante et elles ont leur importance sur l’aspect paysager, évoque Fabien. Derrière le produit, nous vendons aussi une histoire à notre clientèle. » Il a d’ailleurs recréé de nombreux chemins accessibles aux promeneurs autour de la ferme et souhaite planter davantage d’arbres à l’avenir.

Avoir la main sur la commercialisation de ses produits

Côté débouchés, l’effectif bovin est à l’équilibre pour assurer la régularité des approvisionnements pour la vente directe. En moyenne, un à deux bovins - vaches jeunes et bœufs de 3 à 4 ans - sont abattus toutes les deux semaines. Fabien, qui propose la majorité des pièces au détail maturées trois semaines, se positionne sur un créneau haut de gamme. Les plus beaux morceaux atteignent 59 €/kg de carcasse. « On a fait croire pendant trop longtemps aux consommateurs que la viande bovine était un produit bon marché, mais il faut garder en tête l’investissement en temps et les coûts de production élevés pour aboutir à des produits de qualité. » L’éleveur aime avoir la liberté d’établir lui-même ses prix de vente et trouve d’autant plus valorisant d’être impliqué tout au long de la chaîne. Tout récemment, Fabien a acheté un restaurant avec son frère et sa belle-sœur à quelques kilomètres du siège d’exploitation. C’est une des solutions trouvées pour écouler une partie des pièces avant, notamment les moins nobles.

Ne pas mettre tous les œufs dans le même panier

Mais c’est loin d’être la seule opportunité d’achat que Fabien a provoqué : peu de temps après son installation, il avait repris une entreprise de travaux agricoles. « C’était l’occasion d’acquérir du matériel à proximité et au moins, je suis sûr d’être en temps et en heure au moment des récoltes. » Fabien dispose ainsi de tout l’équipement dont il a besoin pour les moissons, l’épandage et le ramassage des pommes de terre et réalise des prestations aux agriculteurs dans un rayon de 10 kilomètres. « La diversification des actifs est un pari intéressant pour se rendre attractif et faciliter la transmission des capitaux. Et l’ouverture à d’autres secteurs d’activité est d’autant plus stimulante sur le plan intellectuel », partage Fabien, qui espère donner envie à la sixième génération de prendre la suite.

Au quotidien, Fabien se voit avant tout comme un gestionnaire d’entreprise. Il supervise quatre salariés à plein temps. « La transformation de mon système a conduit à une plus grande polyvalence dans les tâches et à une certaine linéarité de la charge de travail sur l’année », constate-t-il. C’est une équipe autonome sur laquelle Fabien peut compter lorsqu’il part en congés ou s’absente pour occuper d’autres fonctions annexes mais tout aussi épanouissantes (intervenant au campus Hectar, dans les Yvelines et adjoint à la mairie). « C’est important pour moi de ne pas m’enfermer dans une routine », confie-t-il.

(1) Entre la reprise du capital et les investissements liés à la conversion bio, la création de l’atelier bovin et au réaménagement de son parcellaire, Fabien Perrot estime le financement total à hauteur de 2,5 millions d’euros à son installation.

Chiffres clés

La ferme de Germainville

260 ha de SAU au total dont 110 de céréales (blé, orge de printemps, petit épeautre, triticale), 30 de légumes secs (lentilles, pois chiche, haricots secs), 20 de pommes de terre, 20 de haricots et le reste en cultures fourragères (luzerne, méteil, sorgho, tournesol) et en prairies temporaires ;

220 bovins de race Angus en plein air intégral

2 associés et 4 salariés à plein temps sur la ferme et 4 autres au restaurant

1 atelier de transformation pour le triage des lentilles et la production d’huile de tournesol

Vente directe à la ferme

Côté aides

Deux plans d’aides aux investissements agricoles PCAE + aide DJA à hauteur de 130 000 €

Aide à la conversion bio à hauteur de 50 000 € pendant cinq ans

Un système d’irrigation qui sert autant pour les cultures que l’élevage

Chez Fabien Perrot, la création de l’atelier bovin est allée de pair avec l’aménagement du réseau d’eau. Des canalisations ont été enterrées dans toutes les parcelles pour accueillir tuyaux d’irrigation et d’abreuvement. Des couloirs de 72 mètres délimitent chaque paddock, avec des sorties tous les 100 mètres. L’eau remonte par gravité en provenance d’un château d’eau que l’exploitant a racheté lorsqu’il s’est installé. Ainsi, il ne dépend pas du réseau de distribution d’eau de la commune.

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