FCO et MHE : « C’est un nouveau coup dur pour le commerce en vif »
Après d'importants dégâts causés par la MHE l’année dernière, les metteurs en marché de bétail vif voient à nouveau leur travail du quotidien percuté à cause des contraintes sanitaires. Ils appellent à une gestion coordonnée des maladies vectorielles au niveau européen, sans quoi une crise se profile.
Après d'importants dégâts causés par la MHE l’année dernière, les metteurs en marché de bétail vif voient à nouveau leur travail du quotidien percuté à cause des contraintes sanitaires. Ils appellent à une gestion coordonnée des maladies vectorielles au niveau européen, sans quoi une crise se profile.
« Les marchés et les négociants en bestiaux sont laissés-pour-compte », souffle Sophie Villanova, directrice de la Fédération des marchés de bétail vif (FMBV). La gestion simultanée de deux fronts épidémiques pour la maladie hémorragique épizootique (MHE) et le sérotype 3 de la fièvre catarrhale ovine (FCO), avec une évolution des zonages chaque semaine, complexifie les échanges commerciaux. « Que les marchés se situent en zone indemne ou régulée, les apports sont en baisse », reprend-elle.
Sur la première semaine de septembre, le cadran de Châteaumeillant, dans le Cher, comptait 150 animaux maigres en moins à la séance de vente. À Lezay dans les Deux-Sèvres, il manquait 300 veaux. « Si les règles ne sont pas assouplies à l’export, certains marchés n’auront d’autre choix que de fermer leurs portes », s’inquiète Sophie Villanova.
« Dans les lots, on a du pic et du carreau »
Sur les foirails ou dans les centres de tri, les opérateurs ont sur les bras une part croissante d’animaux jeunes asymptomatiques mais qui ressortent positifs à la PCR et qui se retrouvent donc non éligibles à l’export. Sur les petits veaux, « quatre grosses structures exportatrices basées en Rhône-Alpes ont comptabilisé 600 animaux positifs sur une semaine, soit 15 à 20 % des effectifs exportables », rapporte Michel Fénéon, directeur administratif et financier d’EuroFeder et président de la commission import-export de la Fédération française des commerçants en bestiaux (FFCB).
Du côté des broutards, ce sont surtout les lots non vaccinés, qui se voient appliquer une PCR de groupe pour la recherche des BTV 3, 4 et 8 qui sont compliqués à gérer. « Ils affichent des taux de positivité souvent plus élevés, allant jusqu’à 80 % dans certains cas », pointe le spécialiste.
Les opérateurs font leur possible pour les réorienter dans les centres d'engraissement français, mais les contingents sont limités. « L’autre difficulté, c’est l’hétérogénéité des lots. Quand un client accepte d’en placer dans son atelier, c’est à des conditions tarifaires qui ne permettent pas de payer correctement le producteur », révèle Bruno Colin, président de la section bovine et du Pôle Animal de La Coopération Agricole.
« On passe des nuits à faire des prises de sang »
Au quotidien, le travail est éreintant. « On passe des nuits entières à faire des prises de sang. Qu’en est-il du bien-être des humains et de celui des animaux ? », interroge Michel Fénéon. Certains commerçants et marchés, qui permettent la réalisation des tests PCR directement au centre d’allotement, songent à faire machine arrière. « Ce service a un côté pratique, avec la centralisation des résultats de laboratoire. Il a aussi l’avantage d’amortir le coût de la PCR à la charge de l’éleveur mais c’est derrière un vrai casse-tête pour gérer les cas positifs », évoque Sophie Villanova, de la FMBV. C’est pourquoi Xavier Denis, vétérinaire conseil à Races de France, préconise aux éleveurs « d’anticiper au maximum les tests PCR en ferme, de sorte à ne pas prendre le risque que leurs animaux reviennent sur l'élevage, après avoir été mélangés ».
Gérer les maladies vectorielles à l’échelle européenne
Pour les opérateurs, les conditions supplémentaires adoptées par quelques États membres pour permettre l’envoi d’animaux depuis la zone régulée ne suffisent pas à préserver l’équilibre commercial de la filière. D’autant que les vaccins disponibles actuellement ne sont pas tous certificateurs pour les mouvements. « La gestion des maladies vectorielles doit être coordonnée et harmonisée à l’échelle européenne dans le cadre de la Loi de Santé Animale », tranche Bruno Colin. « De plus en plus de pays européens sont touchés par ces virus sur leur sol, alors nous avons tout intérêt à réfléchir collectivement à une stratégie qui simplifie leur gestion », renchérit Michel Fénéon.
À savoir
Est déclaré comme foyer, l’établissement dans lequel un animal a présenté des signes cliniques associés à un résultat PCR positif. Les animaux sans signes cliniques et testés avec un résultat positif ne sont pas déclarés comme étant des cas confirmés, leur élevage n’est pas considéré comme un foyer. Ces mesures de gestion sont valables aussi bien pour la MHE que pour la FCO BTV 3.
Les ventes de reproducteurs en pâtissent aussi
« À l’échelle de la France, les exportations de reproducteurs représentent, certes, de faibles volumes mais ce sont des marchés à forte valeur ajoutée qui ont un rayonnement et une diffusion génétiques mondiaux », soutient Xavier Denis, vétérinaire conseil à Races de France. Avec ces vagues épidémiques qui s’enchaînent, « il est clair que nous avons moins de pedigrees à l’export édités », indique Denis Brugière, directeur du Herd book charolais (HBC). En race limousine, « le précédent épisode de MHE en 2023-2024 avait conduit à la fermeture des trois quarts des débouchés à l’étranger, souligne Marc Gambarotto, directeur de France Limousine Sélection. Sur la dernière campagne qui court du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024, nous avons exporté seulement 1 000 animaux, contre 2 000 habituellement ». Au-delà des échanges hors de nos frontières, les organismes de sélection ont à cœur de maintenir les manifestations, qui constituent un lieu d’échanges pour les éleveurs mais aussi de commerce. « Les rassemblements d’animaux sont trop souvent stigmatisés comme étant source de propagation des maladies vectorielles alors que nous prenons toutes les précautions au préalable pour que ce ne soit pas le cas », soutient Sébastien Cluzel, président du HBC. « Tous les élevages sélectionneurs ont parfaitement conscience que sans un statut sanitaire irréprochable, ils ne peuvent pas commercialiser leurs bêtes, même avec un niveau génétique de très haute qualité », renchérit Marc Gambarotto, pour France Limousin Sélection.