En bovin viande, s’appuyer sur un audit pour améliorer les performances de son exploitation
Franck et Julie Soufferant, situés dans le Brionnais, ont réalisé en 2019 un audit global d’exploitation avec la chambre d’agriculture. Le diagnostic a souligné une remarquable maîtrise dans la conduite du troupeau mais pointé des carences au niveau du système fourrager. Des carences qui se corrigent aujourd’hui grâce à la mise en place d’un plan d’actions efficace.
Franck et Julie Soufferant, situés dans le Brionnais, ont réalisé en 2019 un audit global d’exploitation avec la chambre d’agriculture. Le diagnostic a souligné une remarquable maîtrise dans la conduite du troupeau mais pointé des carences au niveau du système fourrager. Des carences qui se corrigent aujourd’hui grâce à la mise en place d’un plan d’actions efficace.
Depuis quatre ans, Julie et Franck Soufferant, situés à Céron en Saône-et-Loire, se sont lancés dans la réorganisation de leur parcellaire 100 % en prairies naturelles pour mieux gérer l’herbe. Accompagné par la chambre d’agriculture départementale, le couple d’éleveurs a engagé un plan d’actions après la sécheresse de 2019, découlant d'un audit global de leur exploitation. Côté troupeau, les résultats qui en sont ressortis reflètent bien le travail rigoureux et maîtrisé des éleveurs. La gestion assidue de la reproduction permet de grouper les vêlages sur moins de trois mois, du 10 septembre au 25 novembre. Un plan d’accouplement raisonné annuel conduit à d’excellents produits correspondant aux potentialités du système. Sur la dernière campagne, les intervalles vêlage-vêlage (IVV) affichent 367 jours, pour les multipares, et 372, pour les primipares. Le taux de mortalité avant sevrage est de moins de 4 % et la mortalité adulte s’établit à 1,1 %. La production de viande autonome (1) tourne autour des 80 % et peut être améliorée.
« J’avais conscience des bons résultats du troupeau mais je voulais connaître les leviers d’amélioration les plus pertinents sur mon exploitation, explique Franck. Et c’est sur l’atelier végétal qu’ont été détectées les plus grandes marges de progrès. Deux axes techniques majeurs ont été dégagés : diminuer les achats de paille et mieux gérer les parcelles d’herbe qui couvrent la totalité de notre SAU. »
Les bocages de bords de rivière exploités pour la litière
Dans leur plan d’actions, les éleveurs ont d’abord diversifié la litière en produisant des plaquettes de bois à partir des bocages de bords de rivière. « Pour cela, j’ai construit un hangar de stockage qui abrite les copeaux de bois et commencé à exploiter les haies et acacias des bords de l’Urbise : piquets et copeaux », poursuit Franck. Aujourd’hui, la litière des animaux est composée d’une couche de copeaux drainante et absorbante recouverte régulièrement de paille sauf l’été où les broutards restés en bâtiment logent uniquement sur les copeaux. « Le bois déchiqueté nous revient à environ 12 euros du mètre cube (abattage au grappin compris). Comme 4 à 5 mètres cubes équivaut à 1 tonne de paille, cela nous abaisse le coût de la paille à 48-60 euros la tonne alors que je l’achetais 105 euros en 2022 ! Ce changement de stratégie a permis de réaliser de belles économies par rapport aux deux cent trente tonnes de paille qu’il fallait acheter chaque année. »
Le fumier composté obtenu se décompose bien et n’altère pas la qualité des prairies. Il est disposé en ligne dans les parcelles puis subi deux retournements avec andaineurs à trois semaines d’intervalle en mai et juin. Cette pratique ne gêne en rien le pâturage, car aucune plaquette n’est retrouvée dans les prés après épandage. À noter qu’il n’y a pas non plus de risque de tanin car ce sont essentiellement des bois blancs qui sont coupés (frêne, saule, verne, charme, peuplier). Dans le cas des chênes, le tronc est conservé pour le bois de chauffage et les branches sont déchiquetées à moins de 20 centimètres de diamètre pour s’assurer de l’absence de tanins.
Herbe’hebdo comme outil de pilotage
Le second volet du plan d’actions est la mise en place progressive de paddocks sur les grands blocs de parcelles pour passer au pâturage tournant. « J’ai suivi une formation initiale intitulée Herb’Adequat qui m’a permis de concevoir mes paddocks de sorte à tirer parti au maximum des surfaces en herbe. Nous avons installé dans le même temps un système de contention, un bac à eau, un râtelier à foin et un nourrisseur : tous ces équipements ne se déplacent pas à chaque rotation. C’est pourquoi il y a toujours un parc commun un peu surpâturé », indique Franck.
Fin mars, les exploitants lâchent tout le troupeau pour du déprimage sauf sur pâture ensilée. Le premier tour doit être terminé avant les 500 °C afin de pouvoir retourner sur toutes les parcelles avant les phases d’épiaison (700 °C) au deuxième tour. « Je suis 'accroc' aux mails du bulletin hebdomadaire Herb’Hebdo qui indique les relevés de température et la pousse de l’herbe : c’est mon outil de pilotage pour mes prairies. Théoriquement, le découpage en quatre paddocks est le strict minimum pour le pâturage tournant. Avec cinq parcs, je joue la sécurité et je m’assure une marge de manœuvre supplémentaire pour court-circuiter une parcelle si besoin. » Sur cette première parcelle aménagée (voir le plan), les éleveurs démarrent la mise à l’herbe avec un lot de 20 vaches suitées de veaux mâles et font tourner entre trois et cinq jours pour laisser un temps de repos de 21 jours minimum pour la repousse. « Avec cette organisation, j’observe une réelle amélioration de la qualité de la prairie. La flore est plus diversifiée, il y a moins de refus et moins de concentrés consommés. De plus, tout est devenu pâturable et plus homogène », constate Franck. Aujourd’hui cette parcelle nourrit 21 couples, l’objectif raisonnable étant fixé à 25 couples avec le pari d’une augmentation naturelle du chargement.
Le troisième axe de travail concerne la régénération des prairies. Ces dernières, qui se composent de ray-grass italien, fétuque, trèfle blanc et violet et luzerne lupuline, sont particulièrement riches. Chaque année, les éleveurs pratiquent du sursemis sur quelques parcelles. « Après les sécheresses successives, nous avons décidé de mettre uniquement du ray-grass anglais et italien diploïde et tétraploïde à parts égales pour 'reboucher' les zones nues ou en présence de mauvaises herbes. Ceci nous a permis d’augmenter la production et de reconstituer des stocks rapidement. Nous avons remarqué une très bonne régénération des prairies, avec notamment le retour du trèfle »,explique Franck. Enfin, un girobroyage annuel nettoie les parcelles et élimine les chardons.
Malgré les charges engagées pour restructurer son système de production, l’exploitation dégage un EBE équivalent aux années précédentes et reste dans la moyenne du groupe de référence bovins viande naisseurs de la zone. Les éleveurs poursuivent donc leurs investissements avec pour objectif économique de diminuer la part des concentrés achetés. Ces derniers souhaitent par ailleurs obtenir la certification HVE. Franck compte s’engager dans une nouvelle formation proposée par la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire afin d’accroître encore l’efficacité de son outil de production.
« Je suis 'accroc' aux mails du bulletin hebdomadaire Herb’Hebdo qui indique les relevés de température et la pousse de l’herbe : c’est mon outil de pilotage pour mes prairies » partage Franck Soufferant.
Chiffres clés
Des aménagements d’accès au cours d’eau
Le hangar de stockage abrite trois ans de copeaux. La mise en place de paddocks avec abreuvement direct à la rivière pour bon nombre d’entre eux a nécessité l’aménagement d’accès au cours d’eau qui traverse l’exploitation. Le nettoyage des berges a permis de fabriquer du bois déchiqueté. Aussi, l’abattage d’acacias est utile pour produire des piquets qui servent à clôturer les paddocks. À noter que l’éleveur replante systématiquement haies et acacias pour régénérer les haies ripisylves. L’aménagement des cours d’eau avec abreuvement direct dans la rivière est une préoccupation locale car deux tiers des exploitations d’élevage sont riveraines dans la vallée de l’Urbise.
Véronique Gilles, conseillère entreprise à la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, spécialiste gestion fourragère en système allaitant
« Une organisation efficace avec l’herbe comme atout »
« À la suite d’un audit réalisé en 2019 par la conseillère de secteur à la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, l’exploitation de Julie et Franck Soufferant a montré son efficacité dans la conduite du cheptel, une organisation de travail, et des résultats économiques solides. Le seul petit point faible résidait dans la fragilité du système fourrager. La même année, Franck a mis en place un lot de vaches et de veaux, en pâturage tournant sur cinq paddocks et a participé à la formation Herb’Adequat permettant d’échanger sur la gestion de l’herbe. Le premier bienfait porte sur la gestion d’espèces comme la fétuque qui était source de refus. Aussi, les excédents peuvent se gérer facilement par la fermeture d’un paddock pour fauche. L’organisation des lots en pâturage tournant, répartis sur quatre à cinq paddocks, permet de gagner sur la pousse de l’herbe : + 20 % de MS/ha, une meilleure résistance à la sécheresse et une qualité d’herbe pâturée améliorée. S’agissant de la croissance des animaux, en particulier des veaux d’automne, la mise en place de ces nouvelles pratiques sont un moyen d’économiser de l’aliment. Les essais de la ferme expérimentale de Jalogny en Saône-et-Loire ont montré qu’avec le pâturage tournant, des économies de 100 à 130 kg d’aliment au pré par veau pouvaient être obtenues. »
Vaches et génisses maigres au cadran, le reste en groupement
Julie et Franck Soufferant valorisent leurs vaches et génisses maigres au cadran de Saint-Christophe-en-Brionnais qui est très porteur sur ce créneau, où les exploitations tout herbe alentours ont très peu de possibilités d’engraisser. Pour les autres catégories, les éleveurs travaillent en apport total avec le groupe Sicarev. « Par contre, je repousse les vaches présentant un défaut morphologique qui les déprécierait à la vente ainsi que quelques broutards 'chétifs' que je finis tant bien que mal en jeunes bovins », précise Franck.