Éleveurs et vétérinaires en conventionnement : « Une confiance mutuelle »
En France, plus d’un millier d’éleveurs travaillent en convention avec leurs vétérinaires ruraux : ils ne les rémunèrent pas à l’acte, mais au forfait, en payant une cotisation annuelle en fonction de leur cheptel. Rencontre avec deux « couples » éleveurs-vétérinaires.
En France, plus d’un millier d’éleveurs travaillent en convention avec leurs vétérinaires ruraux : ils ne les rémunèrent pas à l’acte, mais au forfait, en payant une cotisation annuelle en fonction de leur cheptel. Rencontre avec deux « couples » éleveurs-vétérinaires.
Le conventionnement entre éleveurs et vétérinaires n’est pas une idée nouvelle. Cela fait même 45 ans que cela dure, mais cette « vieille idée » d’une gestion mutualiste de la santé des animaux suscite encore l’enthousiasme chez les jeunes : « Quand je présente le conventionnement à des futurs éleveurs en formation, ils me disent "c’est la relation qu’on veut avec le vétérinaire !" », commente Alexandre Fauriat, vétérinaire dans la Loire, travaillant « depuis toujours » dans un système de conventionnement au sein de la Copav (1).
« Le mutualisme, ce n’est pas du passé », renchérit Ludovic Cornil, éleveur de charolaises, président de la Coval (2), décrite comme la « petite dernière » des associations d’éleveurs et de vétérinaires conventionnés. L’écho semble le même du côté de la jeune génération des vétérinaires ruraux. « Les étudiants repartent de leur stage chez nous avec l’envie de créer ce type de structure », décrit Anne-Catherine Bernard, vétérinaire dans l’Allier, qui travaille en partie en conventionnement depuis deux ans au sein de la Coval.
Une relation différente, sans facture à la visite ou à l’acte
Une relation différente, faite de confiance, de respect mutuel, sans facture à la visite ou à l’acte, c’est ce que retient Roselyne Vray, éleveuse de charolaises et de salers, trésorière de la Copav et adhérente depuis son installation en 2009. « Quand on a un problème, on ne fait pas venir le vétérinaire, on fait venir Alex, résume-t-elle. Il y a des liens qui se créent avec les vétos, ils sont nos collègues, il n’y a pas de différence sociale. » « En convention, le véto n’est plus "le notable du coin" », confirme Alexandre Fauriat.
« Hors convention, quand ils appellent le vétérinaire, les éleveurs pensent honoraires, factures… Nous, on ne se pose même pas la question !, poursuit l’éleveuse. L’année où on a été confrontés à la BVD (diarrhée virale des bovins), on a eu le véto tous les jours à la maison, pendant 15 jours. Je ne suis pas sûre qu’en libéral, on aurait fait la même chose… »
Côté vétérinaire, ne plus avoir à facturer ses services est un soulagement. « Parfois, on me pose la question de mes tarifs, mais la vérité, c’est que je ne les connais pas », s’amuse Alexandre Fauriat. « Dans ce système, il n’y a plus de frein, pour une visite de revue par exemple. On a l’impression d’aller plus au bout des cas », ajoute Anne-Catherine Bernard.
Ne plus avoir de frein, est-ce une porte ouverte à des abus ? « C’est une peur que l’on avait en mettant en place la Coval, confie Ludovic Cornil. Mais quand on a fait le bilan de la première année de fonctionnement, on n’en a pas constaté. » « C’est hétérogène, poursuit Anne-Catherine Bernard. Des gens nous appellent beaucoup, d’autres moins. On fait une trentaine de visites par an en moyenne chez les adhérents. Chacun va à son rythme : certains sont très autonomes, d’autres moins. »
Investir dans le capital santé
Cette autonomie des éleveurs est l’un des piliers du conventionnement. Lors de leurs visites ou avec des formations, les vétérinaires transfèrent une partie de leur savoir aux éleveurs. « On voit le vétérinaire plus souvent, on échange davantage, il nous explique, on apprend », décrit Roselyne. « Le système nous pousse à nous améliorer et à nous former, car on doit être à l’aise pour se dire les choses », confirme Ludovic.
Cette formation des éleveurs entraîne aussi la confiance des vétérinaires. « On sait que si l’éleveur nous appelle, c’est qu’il en a besoin et qu’il va tout nous dire », décrit Alexandre. D’ailleurs, les appels pour des urgences sont peu nombreux : en conventionnement, les visites relèvent plus souvent de la médecine de suivi. « Nos éleveurs investissent dans le sanitaire. Et nous, vétérinaires, on ne joue plus les pompiers. On suit un peu le principe de la médecine chinoise : la vache qui nous fait gagner notre vie, c’est la vache en bonne santé. »
À savoir
En médecine rurale, en moyenne, le chiffre d’affaires d’une clinique est assuré à 80 % par les médicaments, d’après l’Insee. La convention permet un rééquilibrage au profit des honoraires par rapport aux médicaments, qui ne pèsent plus que 50 à 60 % dans le chiffre d’affaires des vétérinaires.
Fevec, un réseau de référence
La Fédération des éleveurs et des vétérinaires en convention (Fevec) rassemble les 12 groupes conventionnés français, soit environ 1 000 élevages et 45 vétérinaires. Elle a en charge l’animation et la représentation du réseau, le partage d’outils de suivi, l’organisation de formations… La Fevec est toujours présidée par un éleveur, et compte deux salariés (1,5 ETP).
Le conventionnement, comment ça marche ?
Une contractualisation collective et mutualiste
Le conventionnement supprime le paiement à l’acte, au profit d’une cotisation annuelle forfaitaire des éleveurs, en fonction de leur nombre d’unités d’intervention vétérinaire (UIV) à peu près équivalente à un UGB. Cette cotisation, définie en assemblée générale, donne accès à un ensemble de services, comprenant les visites et suivis permanents, les urgences 24 h/24, les soins et chirurgie… Les formations, les conseils par téléphone, et la fourniture de médicaments à marge réduite (15 %) font aussi partie des services de base.
Chaque groupe définit le contenu de sa convention : selon les cas, il peut inclure la gestion de la reproduction, le parage… Le principe est toujours la mutualisation, la coconstruction, l’ouverture à tout éleveur, la transparence des décisions et des coûts (et des rémunérations des vétérinaires !), et la priorité à la prévention.