Des vêlages à plus de 80 % en décembre
Au Gaec de Delmas Vitrolles, en Lozère, pas question de déroger aux vêlages très groupés. L’hiver dernier, 83 % d’entre eux ont eu lieu sur le seul mois de décembre.
Au Gaec de Delmas Vitrolles, en Lozère, pas question de déroger aux vêlages très groupés. L’hiver dernier, 83 % d’entre eux ont eu lieu sur le seul mois de décembre.
« En décembre, on a parfois dix vêlages au cours de la même journée. Ce n’est absolument pas un problème. Grouper les vêlages, c’est notre objectif ! L’hiver dernier, entre le premier décembre et le jour de Noël, on avait eu cent veaux. L’inconvénient est que les fêtes de fin d’année ont lieu pour partie dans la stabulation ! », soulignent avec le sourire Daniel et Alain Delmas, deux des associés du Gaec Delmas de Vitrolles, à Rieutort-de-Randon en Lozère. Suite à une récente progression des effectifs, il y a encore quelques rares « tardives » dans leur troupeau, mais l’objectif est de les éliminer rapidement.
Dans le contexte de l’exploitation (1 200 m d’altitude, sols granitiques séchants…), décembre est analysé comme le mois idéal pour faire naître un maximum d’animaux. Comparativement à du vêlage de septembre-octobre, cela permet d’avoir une ration moins coûteuse pour l’hivernage des mères. Pour autant, avec une alimentation suivie, cela n’empêche pas d’avoir tous les broutards vendus avant de rentrer les mères. Avec des pâtures reposant sur de nombreuses petites parcelles ne permettant pas de constituer de gros lots de vaches suitées, le fait d’avoir la quasi-totalité des vaches pleines au moment de la mise à l’herbe limite ensuite le nombre de taureaux nécessaires, comparativement à des vêlages de février-mars. Qui plus est, à 1 200 mètres d’altitude, la météo implique souvent qu’il n’est pas possible de faire grand-chose en hiver, hormis consacrer du temps aux animaux. Côté sanitaire, cela réduit les risques et facilite l’utilisation des flacons de vaccins et produits de traitement conditionnés en gros volumes, donc plus économiques.
Rigoureux mais rien d’exceptionnel
Pour arriver à ces résultats, les Delmas père et fils estiment qu’ils ne font rien de bien compliqué. Bien entendu, leur troupeau est suivi avec rigueur, « mais rien d’exceptionnel pour autant ». Les résultats étaient corrects quand le cheptel était hiverné dans la stabulation à logettes. La mise en service à l’automne 2013 d’un bâtiment en croix, fermé, avec quatre cases de 40 places sur aire paillée, dans lequel sont désormais hivernées toutes vaches suitées, a amélioré les résultats. Les génisses à saillir passent le début de l’hiver dans la stabulation à logettes où étaient hivernées les vaches suitées avant que le cheptel ne prenne de l’importance et rejoigne le nouveau bâtiment courant février.
Alain Delmas et son fils soulignent trois aspects importants à leurs yeux pour arriver à ces chiffres : un sevrage suffisamment précoce, une alimentation suivie et des vêlages dans de bonnes conditions. Les broutards sont sevrés en août, autour de 320 kilos cette année, après avoir été complémentés en pâture. « En fin d’été, ils ne profitent guère sans beaux regains et les croissances sont pénalisées s’ils doivent marcher pour aller boire et manger, et si en plus ils cavalent derrière les mères. Une fois sevrés puis allotés en stabulation, ils ne font que manger et dormir. À cet âge, c’est comme ça qu’ils profitent le mieux », assurent les éleveurs. Les vêlages groupés facilitent ensuite la constitution de lots homogènes vendus à partir de septembre, dès qu’ils atteignent le poids objectif de 400 kilos.
Cette conduite laisse pratiquement quatre mois aux mères pour finir d’utiliser tout au long de l’automne les parcours et les regains. Pour autant, elles rentrent le plus tard possible, c’est-à-dire fin novembre, mais bénéficient dès la première semaine d’une cure de vitamine et oligoélément incluse dans la ration mélangée, laquelle associe 60 % d’ensilage d’herbe, 25 % de foin et 15 % de paille. « Un mois après vêlage, on les complémente individuellement avec un kilo d’une association céréale (triticale + seigle) et tourteau ", précisent Daniel et Alain Delmas. Les vaches et les génisses de 2 ans bénéficient d’une seconde cure de vitamine et minéraux fin février, et les génisses ont la même ration de base que les vaches suitées avec une complémentation de 500 grammes par tête à compter de février pour avoir un effet « flushing ».
En dehors de quelques inséminations pour connecter le troupeau, la quasi-totalité des femelles sont en monte naturelle, et une petite trentaine de génisses de 2 ans sont mises à la reproduction chaque année. Un nombre analysé comme suffisant mais nécessaire pour mettre à l’engraissement toutes les femelles vides, qui se décalent ou ne répondent pas aux objectifs souhaités en tant que reproductrices.
La ration de fourrage grossier est distribuée dans l’après-midi puis repoussée le matin. Toutes les femelles restent bloquées au cornadis deux bonnes heures le matin et au moins autant l’après-midi. Pendant ce temps, les veaux sont ramenés dans leur case pour éviter les veaux voleurs et permettre une bonne surveillance. Idem pour les taureaux : eux aussi sont ramenés dans leur case de façon à rester tranquilles deux fois trois heures par jour. Le Gaec ne fait pratiquement plus de croisement. Cette conduite simplifie la surveillance et le déroulement des vêlages avec des veaux plus vifs et délurés dans leur jeune âge que des croisés. « Une vache remplit aussi bien plus facilement si elle a vêlé sans aucunes difficulté ! » L’IVV était l’an dernier de 365 jours sur l’ensemble du troupeau. Il n’y a pas de diagnostics de gestations, mais saillies et éventuels retours sont soigneusement notés.
De 88 à 130 vêlages
Le Gaec de Vitrolles se compose de quatre associés : Evelyne Delmas et Alain Delmas, depuis peu rejoints par leur fils Daniel et Marc Maurin, leur gendre. L’arrivée des nouveaux associés s’est traduite par une progression du cheptel. Par seul croît interne, il est passé de 88 vêlages en 2011 à 130 depuis 2015. Toutes les réformes sont engraissées. Idem pour les génisses non conservées pour le renouvellement. Autant d’animaux pour la plupart valorisés dans le cadre du label Bœuf fermier Aubrac.
Ne surtout pas oublier les taureaux
Pour avoir des vêlages groupés, il est important d’avoir des taureaux efficaces. Ils doivent l’être d’autant plus s’ils sont utilisés sur des lots conséquents. Alain Delmas analyse la présence des taureaux comme un « mal nécessaire » et souhaite minimiser leur nombre afin de donner priorité aux femelles pour l’utilisation des surfaces en herbe et des stocks de fourrage. « Il nous faut quatre taureaux adultes (plus de 2 ans) mais parfaitement en forme. C’est au moins aussi important que pour les femelles —si ce n’est davantage— si on veut de bons résultats. » Sur l’exploitation, ces quatre taureaux sont mis à la reproduction à partir du premier mars précisément et jusqu’à la mise à l’herbe, dans la première quinzaine de mai, avec une quarantaine de femelles chacun.
« À l’automne, on les rentre en même temps que les vaches et ils bénéficient d’une alimentation soignée tout au long de l’hiver. » En début d’hivernage, ils sont dans une case contiguë à chaque case de femelle, avec la même ration de base côté fourrages grossiers mais additionnée tout au long de l’hiver de 2 kilos par tête du mélange céréales + tourteau distribué aux vaches. Ils sont le plus souvent achetés à la station d’évaluation de la Borie de l’Aubrac, et dans ce cas utilisés la première année en début de printemps sur un tout petit lot de vaches tardives avant une plus large utilisation l’hiver suivant. « On achète en moyenne un taureau par an. On évite de les conserver au-delà de six ans, même s’il y a des exceptions. »
David Domenichini, technicien Bovins croissance
« Un très bon coup d’œil »
« Le Gaec Delmas de Vitrolles a pour les élevages de plus de 100 mères les meilleurs résultats du département. Les chiffres sont excellents pour le regroupement des vêlages et les IVV avec un taux de mortalité parfaitement maîtrisé. Comme il est souhaitable dans toute exploitation, chaque associé a son domaine de prédilection, mais ce sont de très bons « animaliers ». Alain a en particulier un très bon coup d’œil pour détecter rapidement ce qui ne va pas. Le taux de renouvellement est d’au moins 20 %, il était de 30 % il y a trois ans. Il est indispensable de faire monter suffisamment de génisses pour réformer sans hésitation toute femelle vide ou qui se décale. Leur nouvelle stabulation bénéficie d’une ventilation dynamique avec une très bonne ambiance. Les cases sont propres et l’investissement dans la paille analysé comme autant d’économies pour la fertilisation des surfaces en céréales et des prairies. »