Des pistes pour les élevages de demain
Interrogés par l’Institut de l’élevage dans le cadre de focus-groupe, des éleveurs ont exprimé leurs attentes sur les enjeux auxquels devront répondre les élevages de demain.
Interrogés par l’Institut de l’élevage dans le cadre de focus-groupe, des éleveurs ont exprimé leurs attentes sur les enjeux auxquels devront répondre les élevages de demain.
Quelles sont les attentes des éleveurs allaitants pour les années à venir et quels sont les grands enjeux auxquels ils devront répondre ? Pour analyser ces thématiques avec les premiers concernés, l’Institut de l’élevage est allé à leur rencontre. Huit groupes d’une bonne quinzaine d’éleveurs chacun ont été enquêtés en cours d’année dans différents bassins de production : le Grand Ouest, le bassin charolais, le bassin rustique, l’Aquitaine et le Limousin. Quelle que soit la localisation de la réunion, les éleveurs ont d’abord rappelé les différents aléas auxquels ils ont été confrontés ces 10 dernières années, qu’il s’agisse de la météo (sécheresse ou pluies diluviennes du printemps 2016) ou les aléas sanitaires et en particulier la FCO et Schmallenberg. Sans oublier surtout leurs effets induits, à savoir la perturbation des flux commerciaux. « Entre crise économique, aléas sanitaires ou météo, nous avons rencontré pas mal d’éleveurs qui nous ont dit avoir du mal définir ce que peut être une année dite 'normale' », explique Philippe Dimon, chef de projet viande bovine à l’Institut de l’élevage, en charge de l’animation d’une partie de ces « focus groupes ». Bon nombre des participants se sont dit sceptiques par rapport à l’émergence de nouveaux marchés sur les pays tiers. « Ce sont des destinations qui s’ouvrent puis se ferment en fonction du sanitaire. Comment planifier et organiser une production dans ces conditions ? »
Les attentes sur le revenu sont prioritaires
Quand il leur a été demandé quels sont les enjeux analysés comme prioritaires dans les années à venir, c’est sans surprise le volet « revenu » qui a été cité en premier. C’est LA préoccupation majeure dans la mesure où les rémunérations actuellement obtenues sont analysées comme insuffisantes eu égard au travail fourni. « C’est choquant que l’on se pose la question de savoir si on arrivera à se dégager un Smic ou un Smic et demi alors que cela représente beaucoup de travail, beaucoup de capital et beaucoup de risques. » La question des aides compensatoires est forcément revenue sur le tapis avec les inévitables interrogations par rapport à la pérennité du niveau de ces soutiens dans le cadre de la prochaine réforme de la PAC.
Derrière ce volet sur le revenu ressortent les interrogations sur le type d’animaux qu’il convient de produire pour répondre aux évolutions des marchés. Beaucoup d’éleveurs s’avouent passablement agacés par le manque de visibilité sur ces aspects. Quelles orientations suivre ? Quels types d’animaux produire pour être en phase avec les besoins des marchés d’aujourd’hui et surtout de demain ? Les évolutions des habitudes de consommation et en particulier la place croissante prise par les viandes hachées interroge. Certains participants estimant à ce sujet que si des éleveurs allaitants doivent produire des bovins pour que leurs muscles soient quasi intégralement transformés en haché, ils préfèrent mettre la clé sous la porte. « Le haché, ce n’est pas le débouché de la vache allaitante. Autant changer de métier s’il ne faut produire que ça ». Il a également été souligné que le marché intérieur français est analysé comme plus sécurisant comparativement à des débouchés extérieurs, en particulier ceux des pays tiers.
L’évolution de la dimension des exploitations interroge dans la mesure où la hausse de la productivité de la main-d’œuvre constatée ces dernières années ne s’est pas traduite pour autant par une évolution des EBE dans les mêmes proportions avec surtout un ratio EBE/produit brut qui se dégrade nettement.
La question du travail a aussi été évoquée dans les discussions. « Les éleveurs ont le souci de la reconnaissance de leur travail. Ils soulignent souvent l’importance de ne pas devenir esclave de son métier », souligne Philippe Dimon. On perçoit bien une évolution des mentalités. Certes, "il faut faire son travail », mais la notion de pénibilité et de sécurité des différentes tâches à réaliser est aussi mise en avant avec également la nécessité d’avoir des solutions pour "gérer les coups durs » qui peuvent arriver, tout en trouvant un équilibre satisfaisant entre temps libre et temps de travail. Et ce dernier aspect n’est pas mis en avant par les seules jeunes générations.
Face à des dimensions d’élevage toujours plus importantes, associées au capital conséquent que cela représente, la question de la transmissibilité des exploitations a été fréquemment mise en avant. Comment reprendre de telles structures alors même qu’il est de plus en plus difficile de trouver des financements et surtout pour quelle rentabilité de l’investissement ?
Quelles solutions d’avenir envisager ?
« Nous leur avons également demandé de nous suggérer des solutions d’avenir sur lesquelles il serait intéressant de travailler, notamment eu égard aux attentes exprimées par les évolutions du marché », précise Philippe Dimon. Le fait de se rapprocher davantage du consommateur est souvent considéré comme une nécessité. Internet et les réseaux sociaux sont en cela analysés comme de formidables outils, tant pour développer la vente directe que favoriser le dialogue et vulgariser la réalité de l’élevage allaitant vis-à-vis des nouvelles générations de consommateurs de plus en plus déconnectées de ce qui fait le quotidien d’un éleveur de bovins.
Dans ces réunions beaucoup d’éleveurs ont également insisté sur la nécessité de continuer à travailler sur les différentes pistes permettant de réduire les coûts de production. Cela passe par la réduction des charges de structure, sans négliger non plus les possibilités offertes par des évolutions des itinéraires techniques de production (conforter l’autonomie alimentaire…) et des conduites d’élevages (vêlage à deux ans, meilleur groupage des vêlages, deux périodes de vêlages strictement définies dans l’année…). Et certains éleveurs d’envisager également la nécessité de creuser de nouvelles pistes pour imaginer de nouveaux produits allant dans le sens de la diminution du gabarit des animaux. Évolutions pouvant aller de pair avec des bovins qui puissent être abattus plus jeunes et moins lourds en couplant ces nouveaux itinéraires techniques à une meilleure utilisation de la ressource herbagère.