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Sols
Des ingénieurs du sol aux nombreuses facettes

Les vers de terre, également appelés ingénieurs du sol, sont de véritables acteurs et indicateurs de la qualité des sols. Il en existe une diversité importante avec des rôles spécifiques.

Si le sol est à 95 % minéral, il grouille d’innombrables ouvriers miniatures très spécialisés qui recyclent la matière organique et libèrent des éléments chimiques clefs pour les plantes mais aussi pour l’atmosphère. Dans un mètre carré de sol de prairie permanente vivent en moyenne 260 millions d’êtres vivants. C’est l’équivalent du poids de six vaches par hectare.

Les vers de terre dominent la macrofaune du sol (animaux dont la taille dépasse 4 mm) dans la plupart des écosystèmes terrestres. Ils représentent à eux seuls 70 % de la biomasse terrestre et font probablement partie des plus anciens organismes vivants. Ils existaient déjà bien avant les dinosaures.

Les vers de terre, ou lombriciens, sont à la fois des acteurs et des indicateurs de la qualité des sols. Ils ont donc une influence positive sur l'agriculture et l'élevage. Ils brassent d’importantes quantités de sol, jusqu’à 30 tonnes par hectare de prairie. Ils jouent un rôle important dans la fragmentation et l’incorporation de la matière organique disponible dans le sol ou à sa surface, d’où leur qualification et leur surnom d’ingénieurs du sol. Via les réseaux de galerie, les logettes d’estivation, l’ingestion et la déjection de sol, les vers de terre agissent sur les propriétés du sol (capacités de rétention et d’infiltration de l’eau, réduction de l’érosion …) et sa structure, interviennent sur le recyclage des matières organiques et favorisent les activités biologiques (minéralisation). « Plus l'abondance lombricienne est élevée, meilleur est l'état biologique/écologique du sol », explique Daniel Cluzeau, chercheur de l’UMR CNRS 6553 « Écosystème, biodiversité, évolution » (Ecobio) de l'université de Rennes 1.

Une centaine d’espèces, trois catégories

« La valeur d'abondance lombricienne reste toutefois liée à l'occupation du sol. Les sols les plus riches en lombriciens se trouvent dans les prairies agricoles (550 vers/m2 en moyenne) et les jardins urbains (270 vers/m2).Viennent ensuite les cultures (250 vers/m2) et les systèmes viticoles (120 vers/m2) et forestiers. En moyenne, 7 à 8 espèces cohabitent sur un même lieu », remarque Muriel Guernion, ingénieur d’études de l’UMR CNRS 6553 « Écosystème, biodiversité, évolution » (Ecobio) de l'université de Rennes 1.

Il existe une centaine d’espèces recensées en France, classée en trois catégories écologiques : les épigés, les anéciques et les endogés. Les épigés, vers rouges sombres de petite taille (1 à 5 cm), vivent à la surface, dans les amas organiques (compost, fumier…) et creusent peu ou pas de galeries. Ils participent activement au fractionnement de la matière organique. Les anéciques, regroupant les espèces les plus longues (10 à 110 cm), de couleur rouge, gris clair ou brune, vivent dans l’ensemble du profil de sol. Ils creusent des galeries permanentes verticales et viennent se nourrir à la surface de matières organiques qu’ils enfouissent dans leurs galeries, amenant ainsi la nourriture aux endogés. Ils favorisent l’aération et la stabilité du sol, contribuent au brassage de la matière organique et minérale. Les endogés, troisième et dernier groupe, sont des vers de taille intermédiaire (1 à 20 cm) et faiblement pigmentés, de couleur rose à gris-clair. Ils vivent dans le sol et remontent rarement à la surface. Ils creusent des galeries temporaires horizontales et se nourrissent de matières organiques plus ou moins dégradées. Ils créent une structure grumeleuse qui a une influence sur la rétention et l’infiltration de l’eau dans le sol.

« Chaque groupe remplit une fonction complémentaire l’une de l’autre. Ainsi, en cas de déficit d’un groupe, le rôle des vers de terre pourra être plus ou moins fourni », poursuit Muriel Guernion.

Indicateurs d’état et d’usage des sols

Les lombriciens sont sensibles à leur environnement donc aux caractéristiques du sol (texture, pH, quantité et qualité des matières organiques, humidité, profondeur de sol) et aux pratiques culturales (compaction, surpâturage…). La variabilité du milieu explique souvent la distribution des vers de terre. Pour préserver la richesse en matière organique, il est possible d’amender le sol par des apports de matières organiques variées. Certains ont des impacts positifs, comme les fumiers, les composts, les paillages et résidus de cultures. Sources de nourriture, ils vont permettre d’augmenter la densité de lombriciens et leurs activités de stimulation des microorganismes. « Le labour est souvent pointé du doigt comme étant négatif pour les populations de vers de terre. Toutefois, certains travaux montrent qu’un labour avec une bonne fertilisation est parfois plus favorable qu’un non-labour avec une mauvaise fertilisation. Et selon les types de sols, le non-labour peut être difficile à mettre en place. »

Les lombrics ont aussi leurs prédateurs : taupes, oiseaux, blaireaux, sangliers… et depuis quelques années, des espèces de vers plats terrestres, du type plathelminthes et originaires de l’hémisphère Sud. Ils sont invasifs et consomment des vers de terre.

Les lombrics représentent 70 % de la biomasse terrestre

Un Observatoire participatif des vers de terre (OPVT)

L’Observatoire participatif des vers de terre (OPVT), lancé en 2011 et piloté par l’Université de Rennes 1, a pour objectif d’établir progressivement des référentiels de ces macroorganismes du sol et ce, grâce à la participation du plus grand nombre de personnes (agriculteurs, scolaires, naturalistes, chasseurs…). Alors que la Recherche réalise une centaine d'observations par an, l'OPVT permet d’en récolter un nombre beaucoup plus important. En cinq ans, 4 600 observations ont été réalisées par les participants.

Cet observatoire propose des protocoles simples (test bêche vers de terre, moutarde…) et des guides pour mieux connaître et identifier les lombriciens et ainsi diagnostiquer la qualité de son sol. Il a été développé en collaboration avec le Muséum national d’histoire naturelle, notamment dans le cadre de l’Observatoire agricole de la biodiversité.

Pour en savoir plus

De nombreuses informations sur les vers de terre sont en accès libre sur le site

http://ecobiosoil.univ-rennes1.fr

Mise en garde

Le mythe qui perdure et qui consiste à dire qu’un ver de terre coupé en deux en donnera deux est totalement faux. Un ver coupé en deux meurt dans la grande majorité des cas.

La recherche n'oublie pas le lombricien

De nombreuses thématiques de recherche sont développées autour du vers de terre. Elles visent à mieux être informés sur les interactions entre biodiversité et fonctionnement des écosystèmes terrestres, sur la dynamique des communautés de vers de terre, selon l’occupation et le mode de gestion des sols, ou encore sur les rôles fonctionnels des vers de terre dans les sols, dans le recyclage des matières organiques et les conséquences en termes de services écosystémiques que ce soit en milieu agricole (prairies, cultures, vignes et vergers, agroforesterie) ou en milieu non agricole (milieux naturels, sols urbains…).

En 2014, par exemple, un programme européen Life + PTD (pâturage tournant dynamique), porté par la Caveb, a été lancé dans les Deux-Sèvres pour une durée de cinq ans. Son objectif est de démontrer par la mise en place d’un réseau d’éleveurs, qu’une technologie innovante de conduite du pâturage améliore la performance environnementale des systèmes herbagers.

Vers de terre et pâturage tournant dynamique

Dans ce cadre, un état des lieux des populations de vers de terre a été réalisé avant la mise en place de cette pratique. Un échantillonnage sera ensuite effectué dans trois ans pour évaluer l’impact ou non de ce changement de pratique sur l’abondance ou la structure des communautés lombriciennes. Les activités lombriciennes modifient les composantes physiques, chimiques et microbiologiques du sol. Ainsi, connaître l’évolution de ces espèces de vers de terre dans les prairies, permettra d’évaluer les services rendus par la biodiversité dans ces sols, comme le stockage du CO2, l’augmentation de la productivité fourragère... « Les premiers résultats montrent qu’il n’y a pas de différence d’abondance entre les zones régionales (Bocage et Gâtine) et qu’il y a une quantité lombricienne élevée et représentée pour moitié par les endogés. Les abondances par groupes fonctionnels montrent par ailleurs des différences significatives selon l’âge des prairies. Elles sont plus faibles pour la plupart des groupes quand la prairie a moins de 1 an. »

Des travaux ont également été conduits sur l’impact des rotations et notamment celles intégrant des prairies, avec les sites expérimentaux de l’Inra de Lusignan (Vienne) et de l’Esitpa de Rouen (école d’ingénieurs en agriculture). Ces travaux ont mis en évidence l’effet bénéfique de la prairie sur les populations de vers de terre.

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