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Des gasconnes des Pyrénées en vêlages d’automne pour « mieux gérer les choses »

Deux cheptels : 40 vaches gasconnes et 360 brebis tarasconnaises. Mais, une même exigence de technicité pour valoriser au mieux leurs productions. Un système coûteux et exigeant en travail mais rentable.

« Des vaches maigres, je n’aime pas ça », confie Noël Comet, éleveur à Antignac en Haute-Garonne, dans la vallée de Luchon, avec un troupeau de 40 Gasconnes et un cheptel de 360 brebis tarasconnaises. Il est en Gaec avec son père, Sylvain. Son épouse, Séverine, a le statut de conjoint collaborateur et prendra la place de son beau-père dans le Gaec dans un an. Les deux races locales rustiques forment un système typique de ces vallées pyrénéennes. Il procure un bon équilibre, aussi bien en termes de trésorerie, de conjoncture que d’utilisation des surfaces. Pourtant, la conduite des vaches n’est pas classique. Les vêlages sont très regroupés sur les mois d’octobre et novembre. « Après avoir construit la stabulation en 2005, on a pu mieux soigner les vaches et on voyait mieux les chaleurs. Petit à petit, elles se sont avancées et on en est arrivé à faire des vêlages d’automne », explique l’éleveur. Aujourd’hui, il ne voudrait surtout pas changer. « Les vaches sont pleines quand elles partent à la montagne. Il n’y a pas de soucis de taureau. Avec ce système, je gère beaucoup plus de choses. Ça coûte plus mais ça me convient davantage. » « Le Gaec de Poy n’est pas dans un système de cueillette mais dans un système de sélection et de production », résume Aurélie Blachon, responsable bovins viande à la chambre d’agriculture de Haute-Garonne.

80 % d’IA et des pelvimétries sur les génisses

La gestion de la reproduction est basée sur l’insémination artificielle et une bonne surveillance des chaleurs. « Je fais de plus en plus d’IA (80 % cet hiver). Ça me permet de gérer les accouplements en fonction des origines des vaches, de leurs défauts et qualités, tout en tenant compte du gène culard (mh). Les reproductrices sont génotypées. Si elles sont porteuses, je mets un non porteur et inversement. Je regarde en premier l’aptitude à l’allaitement et la docilité, sans négliger la croissance et les qualités de race. » L’élevage est en VA4 avec pesée éleveur. Les veaux sont pesés tous les mois : « Au moins, je sais où je vais », dit Noël Comet. Il fait également des pelvimétries sur les génisses pour les sélectionner et gérer les accouplements. Il commence à surveiller les premières chaleurs dès novembre-décembre et les note sur son planning de reproduction pour mieux détecter les suivantes, moins visibles. Toutes les vaches sont échographiées avant la mise à l’herbe. Il les descend de l’estive par petits lots un peu avant le vêlage. Elles mettent bas à l’extérieur. Au cours de la dernière campagne, l’IVV était de 376 jours et la productivité globale de 100 %.

Presque tous les animaux partent en estive

Dans cette vallée étroite, les bonnes terres agricoles sont rares. Le Gaec de Poy ne dispose que de 40 hectares de prairies permanentes mécanisables. Il exploite aussi 36 ha de parcours boisés dans les premières pentes. Mais, la quasi-totalité des deux cheptels (48 vaches et génisses pleines et 450 brebis et agnelles) passent l’été dans une estive collective sur la commune voisine de Bagnères-de-Luchon, à 16 kilomètres. Elle est exploitée collectivement par six éleveurs. Les vaches vont sur la partie la plus basse et la moins accidentée et les brebis, une race de grandes marcheuses, arpentent les versants les plus raides. Les animaux rejoignent l’estive début juin et redescendent avant les mises bas. Les brebis agnellent à partir du 15 septembre.

Le printemps est donc une période délicate. La quasi-totalité de la surface mécanisable (40 ha) est destinée à être fauchée mais doit au préalable nourrir les deux cheptels avant leur départ à l’estive. Seules les dix génisses de 7-8 mois, qui viennent d’être sevrées, et les génisses de 18 mois sont estivées sur place (sur les parcours pour les secondes). Les brebis sortent dès le 15 mars et les vaches fin avril. Les premières pâturent d’abord des prés de fauche puis passent le mois de mai sur les parcours. Les vaches et génisses pâturent sur d’autres prairies pendant tout le mois de mai, bien au-delà d’un simple déprimage. La fauche est de fait une deuxième coupe. L’exploitation n’est pas autonome en fourrages. Du foin est récolté plus bas dans la vallée sur des surfaces en vente d’herbe. La fauche tardive des prairies de l’exploitation permet d’échelonner les maturités de l’herbe et les chantiers.

« 40 vaches en chaleur en trois semaines »

Pour nourrir ses cheptels, le Gaec de Poy récolte environ 90 tonnes de foin et en achète à peu près autant. « Je suis tributaire de ces achats sur pied peu sécurisés », est conscient l’éleveur. Depuis deux ans, pour cause de sécheresse, il a récolté en plus de la luzerne achetée sur pied, en enrubannage. Tous les ans, il achète aussi 30 tonnes de maïs épi pour les vaches et 25 tonnes de maïs grain pour les brebis. En hiver, les vaches sont alimentées avec de l’enrubannage de luzerne (5,5 kg MS), du foin (5,5 kg), de la luzerne sèche (3,5 kg), du maïs épi (3 kg MS) et une « petite boîte » de correcteur azoté. « Je ne sais pas faire autrement que de bien nourrir mes animaux, dit Noël Comet. C’est grâce à cela que j’ai 40 vaches en chaleur en trois semaines. Mais, il faut des années pour y arriver. » Il fait également trois cures de vitamines au cours de l’hiver en plus d’une bonne minéralisation. C’est aussi grâce à cette alimentation soutenue que les veaux font des GMQ de 1,5 kg pour les mâles et de 1,3 kg pour les femelles. Ils sont complémentés de manière restreinte avec un aliment à 18 % de MAT (1,4 kg/jour). Quand le maïs épi est terminé, en fin d’hiver, l’éleveur poursuit la complémentation avec un aliment à 14 % de MAT (2,5 à 3 kg/jour) jusqu’au sevrage ou à la vente des broutards.

« Je travaille la docilité en stabulation »

Les veaux sont séparés de leur mère dans la stabulation. Ils tètent matin et soir. Un choix délibéré de l’éleveur : « quand ils vont téter, je reste près du passage et je les caresse. Comme ils naissent dehors, ils sont livrés à eux-mêmes. Donc, je travaille la docilité en stabulation ». Le souci aussi d’éviter des accidents avec les vaches, non écornées. Les mères sont bloquées au cornadis de 7 h 30 à 11 h et de 17 h à 23 h. « Je fais cela pour qu’elles mangent bien et parce qu’on voit mieux les chaleurs quand on les lâche. » Au printemps, les veaux mâles ne sortent pas à la pâture. Leurs mères reviennent donc à la stabulation matin et soir. Après sevrage, les génisses sont complémentées pendant un an (jusqu’à 18 mois) avec 2 kg d’aliments (18 % de MAT) à la pâture et 2,5 kg l’hiver suivant. L’été suivant, l’éleveur leur amène un peu d’aliment quand il va les voir pour la docilité. Le deuxième hiver (mise à la reproduction fin décembre-janvier), elles sont alimentées comme les vaches, y compris la cure de vitamines. « J’aime essayer de maîtriser les choses et je m’y retrouve », conclut Noël Comet. La cueillette, pas trop pour lui.

Chiffres clés

40 ha de prairies permanentes et 36 ha de parcours
40 vaches gasconnes et 360 brebis tarasconnaises
1,05 UGB/ha SFP de chargement corrigé
3,7 UMO

Des broutards de plus de 300 kg et des reproducteurs

Les broutards mâles sont vendus fin mai autour de 300-330 kilos. « Ces bons broutards ne sont pas valorisés à leur juste valeur [Ndlr : vendus 800 € en 2018] car il n’y en a pas assez à cette période et ils souffrent de la mauvaise réputation des broutards de montagne », regrette Noël Comet. Deux ou trois mâles sont sélectionnés tous les ans pour la station raciale. En 2017, l’un d’entre eux est parti en Écosse au prix de 7 500 euros. Les femelles sont sevrées et restent sur l’exploitation. Une dizaine sera conservée pour le renouvellement et les autres vendues pour la reproduction à 10 mois (750 €). Il vend également quelques vaches suitées pour la reproduction et engraisse les autres pour un boucher toulousain ou en label Bœuf Gascon.

 

 

La Tarasconnaise, une brebis rustique avec de bonnes qualités maternelles

La reproduction des brebis tarasconnaises en sélection est tout aussi maîtrisée que celles des Gasconnes. Les béliers sont en service à partir du 20 avril. À la montée en estive, 80 % sont pleines. Le gros des mises bas a lieu entre fin septembre et le 15 octobre. Le taux de productivité numérique est de 123 % (pour un taux de prolificité de 131 %), ce qui est très bon pour la race. Les agneaux sont vendus sous la marque Agneau des Pyrénées (demande d’IGP en cours) à 17-20 kg carcasse (moins de 150 jours). Les ventes d’agneaux démarrent à Noël et se poursuivent jusqu’en mars. La plus grosse partie sort à une période où le marché est encombré, ce qui ne permet pas de les valoriser au mieux (100 €/tête en 2017, année de mauvaise conjoncture, mais 125 € les années habituelles). Mais, le système de production, basé sur l’estive, ne permet de faire autrement. L’éleveur conserve 70 agnelles pour le renouvellement et en vend soixante pour la reproduction (127 €). La race est appréciée pour sa rusticité, son aptitude à la transhumance et ses qualités maternelles.

 

Avis d’expert Aurélie Blachon, responsable bovins viande, chambre d’agriculture de Haute-Garonne

« Une production bien valorisée mais un système coûteux »

« Noël Comet est très exigeant au niveau technique. Il fait en sorte que tout fonctionne bien et obtient de très bons résultats. Grâce à la performance technique et à la vente de reproducteurs, il valorise sa production à 2,97 €/kg vif vendu, alors qu’on est à 2,20 € en système gascon classique. Mais, c’est un système qui coûte cher car il n’est pas autonome en fourrages et ne peut pas produire ses concentrés. De plus, les vêlages d’automne génèrent des charges opérationnelles qui pèsent lourd. La consommation de concentré atteint 700 kg/UGB contre 400 kg en système classique. Mais, l’efficacité économique et le résultat final sont bons (74 000 € d’EBE, soit 42 % du produit brut, et 56 000 € de revenu disponible) grâce à des produits bien valorisés, des charges de structure assez faibles et des annuités maîtrisées. Le système reste très dépendant des aides (55 % du produit) comme toutes les exploitations de montagne. La charge de travail est lourde, surtout à l’automne où se cumulent vêlages et agnelages. Noël va devoir trouver des solutions à l’avenir pour pallier la baisse de main-d’œuvre, d’une part la sortie de son père du Gaec dans un an, d’autre part, l’aide bénévole de son oncle qui assure entre autres le gardiennage des brebis. »

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