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« De la betterave fourragère pour les vaches charolaises depuis toujours »

À l’EARL des Cèdres, dans les Deux-Sèvres, les atouts de la betterave ont séduit les éleveurs dès leur installation. Voilà vingt-cinq ans qu’elle fait partie intégrante des rations des animaux.

« Quand nos parents ont repris l’exploitation en 1997, la betterave fourragère faisait déjà partie de l’assolement. Ils ont souhaité conserver le système en place et le pérenniser », expliquent David Grolleau (installé seul sur une exploitation céréalière avec 15 hectares de prairies mis à disposition de l’EARL) et son frère Matthieu, salarié de l’exploitation de sa mère, Marie-Christine. Les deux hectares se sont vite transformés en 5 puis 7 avec l’engraissement des mâles sur la ferme. L’atelier jeunes bovins a été supprimé en 2020 pour des raisons de temps de travail.

« Du point de vue zootechnique, nous avons toujours été convaincus par la betterave. Elle représente une bonne sécurité alimentaire. Sur notre élevage, le maïs ensilage est utilisé comme une variable d’ajustement si les rendements de la betterave sont insuffisants pour couvrir l’ensemble des besoins hivernaux de nos femelles. Le facteur météo est par ailleurs moins impactant que pour un maïs. »

Une conduite précise de la culture

La betterave est semée au 10 avril avec un semoir de précision. La présence de la dérobée ne permet pas aux agriculteurs d’intervenir plus tôt. Trente-cinq tonnes de fumier et 90 à 100 unités d’azote sont apportées à la culture. Les sols sont naturellement très pourvus en potasse sur l’élevage. Au printemps, le désherbage s’effectue selon la méthode BTGV (associations de quatre molécules appliquées à doses réduites mais répétées). « Il est important que les plantules d’adventices ne dépassent pas le stade dicotylédone." Le premier désherbage intervient 15 jours maximum après le semis. « Si la météo ne permet pas d’intervention à J + 15, alors on y va à J + 13 ou J + 14 mais surtout pas à J + 16 ou J + 17. Il faut être très carré sur les dates et observer la météo pour réussir le désherbage. Ensuite, selon les années, on traite tous les 8 à 10 jours, trois, quatre ou cinq fois de suite. Il est très facile pour un éleveur de se faire dépasser au printemps par le salissement, avec tous les travaux qui se cumulent dans les champs », souligne David Grolleau.

Pour la conservation de la betterave, les exploitants réalisent à la reprise de végétation après l’été, un fongicide. Ils apportent également du soufre et des oligoéléments avec notamment du bore, très important pour éviter la maladie du cœur creux.

La récolte intervient fin octobre. « Nous devons trouver le meilleur compromis entre sa récolte et le semis du blé qui doit être mis en place derrière, entre le 10 et le 15 novembre au plus tard. »

Pas de céréales ni de correcteur

La ration des femelles se base aujourd’hui sur l’ensilage de ray-grass (dérobée récoltée tôt à 1 UF et 13 protéines), la betterave et du foin ainsi qu’un peu de maïs ensilage mais uniquement pendant la période de reproduction. « La betterave est très énergétique et valorise bien les rations à base d’herbe. Elle redonne de l’appétence au foin et augmente la capacité d’ingestion grâce à un encombrement faible (UEB de 0,6). Les vaches n’ont jamais de céréales, ni de correcteur. Leurs panses fonctionnent bien avec la betterave. Même si les rations betteraves manquent de protéines, ce n’est pas grave car ce n’est pas une énergie acidogène. Les bouses ne sont pas molles », observe Matthieu Grolleau. Seules les génisses sevrées au mois d’août disposent de 300 g de soja pour corriger la ration à base d’ensilage en attendant les betteraves l’hiver. Les éleveurs apprécient de travailler avec un fourrage frais, l’hiver, pour son intérêt d’un point de vue sanitaire. Les vêlages ont lieu de manière très groupée, du 1er décembre au 15 janvier. Les femelles vêlent maigre et arrivent à reprendre de l’état avec les veaux dessous, grâce à la betterave.

Les réformes sont toutes engraissées. L’hiver, elles ont une ration composée d’ensilage de ray-grass (1/4), de betteraves (1/4) de maïs ensilage (1/2) de céréales (2 kg) et de soja (1,5 kg). L’été, la ration est uniquement composée d’ensilage de maïs. En hiver, « on gagne 15 kilos de carcasse par rapport à la ration d’été. On n’observe jamais de signes d’acidose avec les rations betteraves », notent les éleveurs. En moyenne, les femelles atteignent 510 kg carcasse et sont classées U-.

Les rations sont calées chaque hiver en fonction de la quantité disponible de betteraves de manière à être distribuées jusqu’à la mise à l’herbe, mi-avril.

Choix selon les essais et la disponibilité

La famille Grolleau utilisait la variété Jamon pour favoriser la conservation des racines. « On consulte tous les ans les résultats des essais de l’ADBFM pour le choix des variétés et on avise ensuite en fonction des possibilités du fournisseur. Désormais, on préfère une variété fourragère-sucrière (Bangor) avec des racines très lisses qui évite la tare terre. »

Le tas de betteraves est conservé sur une plateforme en béton avec, d’un côté un mur en béton et de l’autre, un mur de paille. Les exploitants n’étendent une couche de paille qu’à l’arrivée des premières gelées et n’utilisent une couverture qu’en cas de gel mais la retirent aussitôt le froid passé. Et au moment où les oies remontent, mi-février, ils enlèvent la paille.

Depuis deux ans, les éleveurs extensifient le système. Ils réduisent le chargement (1,7 à 1,4). Ils cherchent à diminuer les récoltes pour consommer moins de fuel et limiter la charge de travail. L’objectif est de ne plus faire de maïs ensilage et moins de dérobées.

Chiffres clés

- 145 ha dont 34 de prairies naturelles, 15 de prairies temporaires, 50 de blé, 20 de maïs, 10 de tournesol, 10 de colza et 4 à 5 de betteraves (+ 15 de prairies à disposition), 20 à 25 de dérobées (ray-grass italien et trèfle incarnat)
- 80 mères charolaises inscrites au Herd-book 2 UMO (1 associé, 1 salarié)
- 1,4 UGB/ha de SFP
- 30 à 35 % de taux de renouvellement
- 365 jours d’IVV
- 100 % monte naturelle
- 36 mois au premier vêlage
- 256 kg à 210 jours pour les femelles et 295 kg pour les mâles

Les conseils des éleveurs pour la betterave

- Être technique sur la conduite de la culture : un semis tôt (derniers jours de mars), une préparation très fine du sol (hormis sur un limon ou une terre sensible à la battance), pas d’utilisation de herse étrille ou de houe rotative en début de cycle, être très carré sur les dates de désherbage ;

- Avoir un pulvérisateur propre avant le traitement de la betterave sinon les produits agissent comme un détergent ;

- Tout ce qui favorise la vigueur de la culture au démarrage est le bienvenu (fertilisation localisée, activateur de semence…) ;

- Pour une bonne conservation : un champ propre et des conditions de récolte pas trop humides ;

- Un calibre régulier pour un effeuillage des têtes à la même hauteur (moins de feuilles au tas et moins de collets coupés par la machine) ;

- Un tas pas trop haut (1,20 à 1,50 m au maximum) pour favoriser l’aération ;

- Ne pas tasser les betteraves lors du stockage.

Un itinéraire 100 % mécanisé pour pérenniser la betterave dans les rations

Si la betterave a toujours été présente sur l’exploitation de la famille Grolleau, consciente de ses nombreux atouts, la question d’arrêter la culture s’est tout de même posée à plusieurs reprises, faute d’outils pour la mécaniser, du désherbage à la distribution. « Les premières années, le désherbage s’effectuait à la main. Deux jours étaient nécessaires pour récolter 3,5 hectares », se souviennent David et Matthieu Grolleau, avant d’ajouter, « nous devions trouver le moyen de traiter de manière efficace et rationnelle la betterave, de la récolte à la distribution, en passant par le tri et le nettoyage. » Une bineuse faite maison a été imaginée.

Pour résoudre le problème de la distribution, la famille Grolleau a conçu en 1997 son propre coupe racines adapté sur une désileuse à tapis, afin de trier terre et pierres à la main avant que les betteraves ne tombent dans la désileuse. Cet outil assez fonctionnel nécessitait par contre du temps de travail. « Il fallait 20 minutes matin et soir, pour charger à deux mètres de hauteur la désileuse. En 2007, nous avons utilisé une remorque distributrice. Il restait trop de pierres et de terre dans l’auge et nous avons perdu des bêtes à distribuer les betteraves entières », notent les exploitants.

Le nettoyage et le découpage de la betterave ont toujours paru essentiels à la famille Grolleau. C’est pourquoi, ils ont conçu ensemble leur propre distributrice, nommée coupe joute (joute, terme qui désigne la betterave dans le patois local). Les 5 m3 de la remorque sont chargés par les éleveurs pour deux jours en 40 minutes. Ensuite, seulement 7 minutes suffisent pour couper et distribuer la racine à 200 bovins. En 2016, une mélangeuse d’occasion a été acquise. Si du côté zootechnique et organisation du travail, les éleveurs y ont trouvé leur intérêt, côté charges (consommation de fuel, usure du télescopique, des silos et de la cour), ils n’ont pas été satisfaits. La mélangeuse n’est donc restée que quatre ans et les exploitants ont repris leur coupe joute.

Les éleveurs ne se sont pas arrêtés là ! En 2012, ils ont inventé leur propre laveuse-trieuse qui enlève 100 % des pierres, de la terre et des herbes. Depuis 2013, elle sert tous les hivers.

Il ne restait plus qu’à mécaniser la récolte. Dans cette optique, une arracheuse automotrice simple d’occasion, provenant du Bassin parisien, a été achetée pour la récolte 2012. Le bâti a été modifié car la betterave est semée à 75 cm d’écart entre rangs contre 50 pour l’arracheuse.

La mécanisation, du désherbage à la distribution, a permis de maintenir la culture de la betterave.

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