Cinq scénarios pour le Massif central à l’horizon 2050
À l’heure où éleveurs et acteurs de l’aval s’interrogent sur leur devenir, l’Inra a récemment présenté les résultats d’une étude prospective sur de possibles évolutions pour l’élevage du Massif central à l’horizon 2050. Voici un condensé de leur travail.
À l’heure où éleveurs et acteurs de l’aval s’interrogent sur leur devenir, l’Inra a récemment présenté les résultats d’une étude prospective sur de possibles évolutions pour l’élevage du Massif central à l’horizon 2050. Voici un condensé de leur travail.
Dans le Massif central, l’activité de la plupart des exploitations repose sur la prairie et sa valorisation par des cheptels bovins, ovins ou caprins. Le recours à ces animaux est incontournable dans la mesure où le contexte pédoclimatique dans lequel évoluent la plupart des exploitations, fait qu’il est souvent impossible de faire pousser autre chose que de l’herbe sur une bonne partie des parcelles, quand ce n’est pas sur la totalité. Afin d’aider au débat entre les acteurs de ces filières d’élevage et les autres usagers du territoire, le Commissariat général à l’égalité des territoires a demandé au centre Inra Auvergne Rhône-Alpes de réaliser une étude prospective à l’horizon 2050. Elle vise à anticiper les différentes évolutions possibles pour mieux s’y préparer. « Sans prétendre à une impossible prévision de ce qui va se passer, c’est un outil de réflexion stratégique. L’objectif de cette étude a été d’amener les porteurs d’enjeux du Massif central à identifier les questions qui engagent le long terme en vue de préparer au mieux les filières à leurs possibles mutations », expliquaient les auteurs de l'étude, à l’occasion de sa présentation au dernier Sommet de l’élevage.
Six grandes familles d'enjeux
Pour réaliser ce travail, les économistes de l’Inra ont bénéficié du concours d’une partie des acteurs économiques des filières présentes sur ce territoire. Dans un premier temps, ils ont identifié les différents enjeux auxquels seront confrontées les filières viande du Massif central en donnant pour cela différentes réponses à des questions du type : « À l’horizon 2050, qu’auraient à gagner ou à perdre les différents acteurs (agriculteurs, entreprises agro-alimentaires, résidents, touristes…) qui utilisent le territoire du Massif central ? Sur quels critères pourrait-on juger d’une évolution favorable ou non du Massif ? …»
Les réponses à ces interrogations ont mis en évidence six grandes familles d’enjeux : filière, consommation de viande, attentes sociétales, aménagement du territoire, exploitations agricoles, cadre de vie. Une fois ces enjeux identifiés, les différentes variables susceptibles d’influencer leur évolution sur le long terme ont elles aussi été répertoriées. Parmi ces dernières, on peut citer les mutations des marchés mondiaux sous l’influence de la géopolitique et des accords de libre-échange, les nouvelles attentes sociétales sur l’alimentation et le bien-être animal, l’importance croissante des enjeux environnementaux, les politiques de soutien à l’agriculture ou bien encore les modifications en cours et à venir du climat.
L’association de ces enjeux aux différentes variables laisse imaginer de nombreuses évolutions possibles. Les économistes de l’Inra ont choisi de retenir et de décrire cinq scénarios possibles. Pour chacun d’eux, la consommation de viande en France et au-delà de nos frontières a joué un rôle central tant sur ses volets quantitatif que qualitatif. Il a été analysé comme prioritaire dans la mesure où c’est lui qui structure l’offre et non l’inverse.
L’aspect changement climatique a été traité en prenant en compte les projections actuellement disponibles. Ces dernières tablent sur un plus grand étalement de la pousse de l’herbe dans le temps avec un creux de production estival plus important. Déjà nettement perceptible dans le sud de ce territoire, ces phénomènes deviendraient plus en plus marqués tout en remontant plus fréquemment vers le nord. « Les cinq scénarios envisagés sont donc la rencontre des décors, des stratégies adaptatives des acteurs du Massif central et des conséquences prévisibles sur les filières, les exploitations et le territoire. »
Pour chaque scénario a été réalisé une étude chiffrée sur l’impact qu’il pourrait avoir sur le plan du nombre d’animaux élevés, mais également des tonnages de viande et lait produit ainsi que sur l’occupation du territoire et le nombre d’emplois induits. Ce travail a été réalisé à l’aide d’un modèle développé à cette fin. Il repose sur des hypothèses d’utilisation de la surface agricole disponible en 2050 et d’évolution des effectifs élevés. « Le type d’animaux et la productivité qui leur est associé (poids vif, poids carcasse et potentiel laitier) ont été choisis en cohérence avec la logique de chaque scénario pour en déterminer les besoins en aliments traduits en surface », a précisé Michel Lherm l'un des co-auteurs.
« Ces cinq scénarios sont très contrastés. Ils ont volontairement été poussés à l’extrême et ne sont pas forcément faciles à entendre » précisait Tony Cornelissen, président de Coopamac Sidam et de la chambre d’agriculture de Corrèze en prémice de la présentation de ce travail.
15% du territoire français
Le Massif central est composé pour partie ou en totalité de 22 départements(1) situés en zone de moyenne montagne. Il totalise 8,5 millions d’ha, soit 15% du territoire français avec une part importante de forêts. Il inclut 9 parcs régionaux et 1 parc national. 4,1 millions d’ha sont consacrés à l’agriculture avec une SAU essentiellement composée de prairies. La « céréalisation » des terres progresse en périphérie du Massif mais également et sur les bordures de la plaine centrale de la Limagne. 3,8 millions d’habitants vivent sur ce territoire. Plus des deux tiers des 72 400 exploitations agricoles (chiffres RGA 2010) sont consacrées à des élevage de ruminants. Ils contribuent pour 20% à la production bovine nationale et pour 50% à la production ovine. Ces exploitations détiennent 1,47 millions de vaches allaitantes, 0,46 millions de vaches laitières et 2,2 millions de brebis. On y recense une cinquantaine d’abattoirs situés plutôt en périphérie pour les plus importants. Ils totalisent 20% des tonnages de viande de ruminants français.
(1) Côte-d’Or, Nièvre, Saône-et-Loire, Yonne, Allier, Cantal, Haute-Loire, Puy-de-Dôme, Aude, Gard, Hérault, Lozère, Corrèze, Creuse, Haute-Vienne, Aveyron, Lot, Tarn, Tarn-et-Garonne, Ardèche, Loire, Rhône.Cette étude est disponible en libre accès et dans son intégralité sur le site du centre Inra de la région Auvergne-Rhône Alpes. (www.ara.inra.fr)
Vient de paraître
Quel avenir pour l’agriculture ? Les quatre scénarios possibles en 2040
L’Acta, l’association regroupant les différents instituts techniques agricoles vient lui aussi de réaliser un travail de prospective. Quatre scénarios là aussi très contrastés et « cousins germains » de ce qui est envisagé dans l’étude de l’Inra pour le Massif central sont proposés. Ils décrivent comment pourrait évoluer l’agriculture française — et pas seulement l’élevage herbager en zone de moyenne montagne — à échéance 2040. Leur simple titre (Un monde écologique, Une Europe Agricole, Une Europe Industrielle et Un monde Libéral) laisse percevoir le contenu les différentes options envisagées. Après une description de l’impact prévisible qu’ils pourraient avoir sur l’agriculture française, ils sont successivement commentés par Stéphane Le Foll, différents responsables syndicaux et plusieurs agroéconomistes chevronnés.
En vente (19 €) sur acta-publications.com