[Charges de mécanisation] « Je sors mes piquets plutôt que mon tracteur »
À Beaufort-en-Anjou, dans le Maine-et-Loire, le pâturage est un partenaire de choix pour permettre à Stéphanie Mocques-Goure de limiter les charges de mécanisation sur son élevage. Pour s’occuper de ses soixante-dix rouges des Prés, elle possède aujourd’hui un seul tracteur de 100 CV.
À Beaufort-en-Anjou, dans le Maine-et-Loire, le pâturage est un partenaire de choix pour permettre à Stéphanie Mocques-Goure de limiter les charges de mécanisation sur son élevage. Pour s’occuper de ses soixante-dix rouges des Prés, elle possède aujourd’hui un seul tracteur de 100 CV.
« Le départ en retraite de mon père, en 2017 a marqué un tournant dans l’exploitation », explique Stéphanie Mocques-Goure, à la tête aujourd’hui d’un cheptel de 70 mères Rouges des prés conduit en agriculture biologique à l’EARL de la porte aux Moines à Beaufort-en-Anjou dans le Maine-et-Loire. Après un parcours en pépinière pendant 10 ans, l’éleveuse est revenue s’installer en 2012 sur l’exploitation familiale, orientée principalement cultures (maïs semences) avec un cheptel de 25 mères allaitantes.
« J’ai alors tout appris, tout recommencé de zéro. Mais cinq années plus tard, je ne m’y retrouvais plus. On payait plus d’annuités qu’on ne gagnait d’EBE. Je me posais beaucoup de questions, seule dans mon tracteur. Certaines de nos terres (40 hectares), humides l’hiver et séchantes l’été, n’étaient pas faites pour la production de maïs semences. Je n’avais pas le goût des cultures mais celui de l’élevage. J’ai donc décidé d’arrêter et de transformer ces parcelles en hectares d’herbe ou de luzerne, de monter un troupeau de vaches allaitantes bio et de me pencher sur les charges de mécanisation. » Sur les quatre tracteurs alors présents, deux ont été vendus ainsi que la moissonneuse et les deux charrues. Ces ventes ont permis le renouvellement du vieux matériel de fenaison (faucheuse, faneuse, andaineur). La presse, l’enrubanneuse et l’épandeur sont en Cuma. Le semoir combiné avec herse rotative a, quant à lui, été conservé. Puis, l’hiver dernier, Stéphanie Mocques-Gourre a revendu son tracteur de 140 cv pour ne conserver qu’un seul tracteur de 100 cv sur l’exploitation.
Un tracteur de 140 cv en location
« Je venais de renouveler par habitude mon tracteur de 140 cv quand j’ai participé à une formation sur les coûts de mécanisation avec un groupe d’éleveurs. Quand j’ai vu le coût rendu auge (190 euros la TMS) et le coût de l’herbe pâturée (58 euros la TMS) sur l’exploitation, je n’ai pas tergiversé, je me suis renseignée sur la location et j’ai revendu mon tracteur de 140 cv. Il avait beau faire 300 à 400 heures par an, sa puissance était sous valorisée pour un certain nombre d’entre elles », souligne l’éleveuse. Depuis, l’exploitation fonctionne très bien avec un seul tracteur de 100 cv avec chargeur. « Avec un seul tracteur, on peut y arriver. Dételer et atteler, ça ne prend que 5 minutes. » Pour les travaux nécessitant une puissance plus importante (semis, presse, épandage), l’exploitante fait appel à un concessionnaire, 2 à 8 jours avant, pour louer un tracteur à la journée (25 euros de l’heure contre 8 000 euros d’annuités précédemment). « J’en suis très satisfaite. Je n’ai jamais de surprise et cela me permet de tester différents modèles. » Avec l’ouverture d’un magasin de producteurs cet automne, l’éleveuse se pose la question de faire faire certains travaux comme le semis.
Pour Stéphanie Mocques-Goure les pannes sont source de stress, d’énervement, de coûts et de pertes de temps. C’est pourquoi, elle préfère renouveler son matériel régulièrement pour réduire le cumul des factures de réparations. D’ailleurs, pour son seul tracteur, elle a opté pour un contrat couvrant garantie et entretien.
Des vaches plus rentables que les cultures
En parallèle, tout un travail a été entrepris sur la gestion de l’herbe dans l’optique également de contenir les charges de mécanisation. L’éleveuse privilégie le pâturage pour réduire au maximum les stocks, limiter le travail avec du matériel et atteindre l’autonomie alimentaire. Une seule fauche est réalisée, ensuite ce sont les vaches qui interviennent en pâturage tournant. L’exploitation est ainsi passée de 30 à 80 hectares d’herbages clôturés. Rien que l’hiver dernier, 14 hectares l’ont été en High-tensil. Même les parcelles de luzerne sont pâturées, entre une et trois fois par an. « Je cherche au maximum à ne pas avoir recours au tracteur. Je préfère sortir mes piquets. Les vaches font très bien le travail. Le temps de pâturage s’est également allongé. Les bêtes rentrent 15 jours à 3 semaines plus tard et sortent plus tôt au printemps. » La meilleure gestion de l’herbe permet, selon les années climatiques, de passer le trou d’été avec peu ou pas d’apports au champ. En 2019-2020, 2,2 tonnes de matières sèches par UGB ont été récoltées et distribuées contre 1,9 tonne en 2021, toujours dans l’objectif de développer le pâturage.
Entre 2019 et 2020, le poste carburants et lubrifiants est passé de 9 800 à 5 800 euros. En 2019, les heures totales de tractions s’élevaient à 1 200 heures, soit 9 heures par hectare. La moyenne s’affiche à 13,5 heures par hectare de SAU en polycuture-élevage. Depuis, ce temps a encore diminué sur l’élevage avec l’achat d’un pick-up afin de moins solliciter le tracteur. Il permet de transporter les clôtures, de déplacer les pompes en prairies… Concernant le poste fenaison, « je préfère en rester maître en possédant mon propre matériel. Les fenêtres météo sont de plus en plus courtes et je jongle ainsi avec le pâturage. »
Au final, le coût de la mécanisation s’élève à 117 euros/100 kg vif et l’EBE est désormais largement supérieur aux annuités.
Pas de compromis sur le confort
« Je reste une femme, j’ai moins de force qu’un homme et je ne veux pas m’user la santé. Je traque certes les charges de mécanisation mais pas au détriment de ma santé et du confort de travail. » C’est pourquoi, l’éleveuse a investi cette année dans une pailleuse distributrice portée et une pince à enrubannage. Stéphanie Mocques-Goure a opté pour cette pailleuse spécifique car elle ne nécessite pas de tracteur pour charger la paille. Par ailleurs, la pince à enrubannage présente l’avantage de ne pas avoir à descendre du tracteur pour alimenter le troupeau.
Chiffres clés
Avis d’expert - Alexis Kupperroth, conseiller viande à Seenovia
« Un élevage au centre d’un cercle vertueux »
« L’élevage de Stéphanie Mocques-Goure est un bel exemple de réussite grâce à des objectifs clairs (agriculture biologique, moins de tracteurs, développement du troupeau). C’est une éleveuse à l’écoute qui fait partie de groupes. Elle n’hésite pas à tester des choses. Elle a su inscrire son exploitation dans un cercle vertueux qui inclut économies sur les charges de mécanisation, pâturage, autonomie et valorisation maximisée de sa production (vente directe, ouverture d’un magasin de producteurs en octobre). »
Des chauffeurs et des pâtureurs
Les élevages les plus pâturants ont les charges de mécanisation les moins élevées.
Dans le cadre des groupes éleveurs bovins viande de Seenovia (réseau France conseil élevage Loire-Atlantique, Maine-et-Loire et Mayenne), des données sur la mécanisation ont été collectées dans plus de 70 élevages. Les heures de traction annuelles sur les exploitations ont été calculées. Toutes les heures de tracteurs, télescopiques, effectuées avec du matériel en propriété, en copropriété, en Cuma ou en ETA ont été comptabilisées hors récoltes (ensilage, moisson, bottelage).
Tous systèmes et races confondus, deux groupes ont été distingués selon leurs heures de traction. Le premier regroupe les exploitations avec une moyenne de plus de 14 heures de traction par an et par hectare de SAU, nommé 'les chauffeurs'. Le second concerne les élevages avec une moyenne inférieure à 9 heures de traction par an/ha, appelé 'les pâtureurs'. « Le taux de pâturage représente un véritable levier pour réduire ses charges de mécanisation. Les élevages les plus pâturants mettent souvent en place la même stratégie. À savoir, une capacité à faire beaucoup pâturer, à utiliser peu de fourrages stockés, avec des périodes plein pâturage, à déléguer son parc matériel demandant de la forte puissance… Il y a un vrai cercle vertueux qui est mis en place dans ces exploitations car plus de pâturages cela se traduit par moins d’utilisation de concentrés, moins de litières consommées, moins d’heures de traction par hectare tout en affichant par la même occasion un meilleur bilan carbone et surtout une meilleure rentabilité. Un écart de 10 000 euros par UMO et par an a été mis en évidence entre ces deux stratégies sur les quatre postes de charges, approvisionnement des animaux, approvisionnement des surfaces, frais d’élevage et mécanisation », souligne Kévin Gérard-Dubord de Seenovia.
Ce travail est en cours sur l’ensemble du groupe bovins viande suivi par Seenovia.
Pour aller plus loin
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